Localisation
Située dans le département de l’Aisne, sur la route du Champagne, la ville de Château-Thierry abrite depuis 1970 celle qui est appelée : l’ancienne piscine. Château Thierry est une ancienne cité médiévale connue pour de nombreux faits historiques dont la guerre franco-prussienne de 1870 et la Première guerre mondiale. Elle est présentée comme la ville de Jean de la Fontaine et regorge d’architectures du passé. Parmi elles, la piscine dessinée par les architectes Vaudou et Luthi, patrimoine du XXe. Son terrain en entrée de ville, longé par une rocade en bord de la Marne lui vaut d’être convoitée.
Succincte chronologie des événements
L’ancienne piscine de Château-Thierry, en France édifiée entre 1967 et 1971 par les architectes Olivier VAUDOU et Reymond LUTHI s’inscrit dans les programmes de la Ve République qui popularisent les sports et les loisirs. Cette politique du Front Populaire en France permet le développement de nombreux équipements de proximité aux formes architecturales singulières, prestigieuses et réfléchies. C’est ainsi qu’appelés par la municipalité les architectes aménagent avenue d’Essômes à Château Thierry un ensemble architectural composé d’une piscine sur mesure, d’un camping, une loge de gardien …. Situés sur un vaste site naturel, proche des bords de la Marne, les bassins offrent un accès et une vue privilégiés sur la rivière ; les divers équipements que constituent le projet mutualisent ainsi leurs moyens au service des pratiques sportives (apprentissage de la natation et compétitions) et de loisirs (baignade, randonnées, camping…) pensées en adéquations avec le site et pour les habitants.
-A partir des années 80 avec le développement des zones industrielles aux alentours le contexte urbain commence progressivement à se modifier.
-En 1999 un restaurant Mc Donald’s et une aire pour camping-car remplacent le camping existant, dont seul le bloc désaffecté des sanitaires vandalisés reste debout, à l’arrière du site, caché par la végétation.
- S’en suit en 2006 la construction d’un nouveau bâtiment pour le club de canoë.
- La piscine de Vaudou et Luthi ferme 2016, au profit d’un nouveau complexe aquatique inauguré la même année au nord de la ville.
- En décembre 2019 sans en référer aux ayants droit des auteurs, la mairie cède la piscine et son terrain au prix de 700 000 € à l’investisseur BBFD-BNB pour démolition. Le futur projet présente deux constructions neuves qui abriterait de la restauration rapide entourées de zones de stationnements. Une association de défense réclame la reconsidération du projet, prônant une reconversion plutôt qu’une destruction du patrimoine castel. Cette démarche est appuyée par une enquête de mars 2016 du magazine municipal “à CT” auprès des habitants qui sont 66% à être favorables à une réhabilitation culturelle ou sportive de la piscine. En 2019, jusqu’à la vente du site, l’occupation partielle des locaux par une association et un commerce avaient permis de conserver l’ensemble dans un bon état et prouve qu’une réhabilitation est possible, comme en témoignent les photos présentées ci-après dans l’article.
- Au début du mois d’avril 2020, commencent les travaux de désamiantage. Les menuiseries, les faux plafonds et une centaine de mètres carrés de petits carreaux de céramiques sont déposés. Lundi 25 mai 2020, la Société protectrice des paysages et de l'esthétique de la France rappelle au tribunal administratif d’Amiens l’urgence de statuer, alertant sur la présence d‘engins de démolition, suite au recours pour l'annulation du permis de construire également déposé par la SPPEF le 31 mai 2019 en cours d’instruction. Le même jour, à 21h00 la démolition soudaine de la Piscine commence avec des pelleteuses louées qui détruisent toute une partie du site. Malgré plusieurs irrégularités les démolitions continuent malgré la présence des forces policières. Le propriétaire du site joint par téléphone assure n’avoir donné aucune consigne de cet ordre. La loge du gardien, la galerie et l’entrée de la piscine sont mises à terre, seul le bâtiment des bassins reste debout.
Ses auteurs : Olivier Vaudou, Reymond Luthi, Louis Fruitet et Jean Prouvé
« Fortement influencés par leur maître Jean DUBUISSON, célèbre architecte français ayant beaucoup œuvré pour des logements sociaux de qualité, Olivier VAUDOU et Reymond LUTHI occupent une place singulière dans le panorama de l’architecture française de la seconde moitié du XXe siècle. Commençant à exercer au moment de la remise en cause d’une certaine modernité architecturale prééminente pendant les Trente Glorieuses, ils ne dévient pas de leur doctrine et sont prolifiques. Leur travail montre un intérêt marqué pour la construction métallique au service d’une architecture légère, aux proportions rigoureuses, rationnelle et fonctionnelle. Il semble être inspiré par le mouvement du BAUHAUS (qui a fêté en 2019 son centenaire) et par les architectes Ludwig MIES VAN DER ROHE et Arne JACOBSEN. De nombreux chefs-d’œuvre suscités par ce mouvement moderne sont élevés au niveau des grands classiques de l’architecture. L’architecte-entrepreneur Jean PROUVÉ aurait conçu avec l’ingénieur Louis FRUITET la charpente métallique. » extrait de la première pétition
La participation de Jean Prouvé – homme aux multiples casquettes renommé dans les domaines de l’art, de l’architecture et du design – ajouterait une plus value à l’édifice. Nombreux sont les éléments qui tendent à confirmer sa participation au projet nous savons notamment que les architectes Vaudou et Luth ont collaboré sur le projet de l’IFREMER à Nantes avec Jean PROUVÉ et qu’ils étaient tous trois de bons amis, régulièrement en contact.
Lire son architecture Le complexe sportif de l’ancienne piscine est composé de 3 bâtiments (la loge du gardien, l'accueil et les bassins avec la galerie). Légèrement espacés les uns par rapport aux autres, la composition permet aux promeneurs de la rue d'Essômes de deviner les paysages naturels. Le projet architectural met ainsi en scène les bords de Marne : alors qu’il n’est que légèrement perceptible entre les bâtiment depuis le point de vue de la rue; l’effet à la sortie des douches est différent, les nageurs peuvent découvrir un panorama avec une vue directe sur la nature environnante en passant par une galerie vitrée avant de rejoindre le bâtiment des bassins. Entre architecture et nature la limite entre le paysage bâti et naturel s’efface peu à peu grâce aux baies vitrées coulissantes qui permettent l’accès à un parc extérieur.
Réalisé à partir de matériaux industriels comme la brique et l’acier, ce projet reflète les avancées de l’époque et retranscrit un langage architectural singulier qui est celui du mouvement moderne. L’influence du modernisme, que nous abordions quelques lignes plus tôt, est perceptible au travers de ce style épuré, sans ornementation superflues et aux lignes très graphiques. Le projet se distingue par la qualité et l’attention aux détails comme ceux des carreaux de carrelage dont la taille et la couleur varient et s’adaptent en fonction des différents usages ou encore le choix des luminaires qui diffusent une lumière indirecte, créant une atmosphère particulière.
La beauté et la force du bâtiment réside donc dans sa simplicité : typique du mouvement moderne Bauhaus auquel elle appartient.
Cependant, les altérations apportées au fil des années ont peu à peu dénaturé le bâtiment. Bien que certaines de ces modifications se veulent fonctionnelles, comme les panneaux solaires ou encore les extensions qui masquent les vues sur le paysage depuis l’avenue d’Essomes. Les ajouts ultérieurs tentent d’imiter le langage architectural d’origine mais faits de parpaing brut ils compliquent souvent la lecture des trois volumes simples initiaux. D’autres modifications montrent une incompréhension du projet d’origine, comme en témoigne la nouvelle fenêtre dans la loge du gardien qui dénote par ses proportions; la différence de pose des châssis métalliques lors d’un partiel remplacement des baies sur le bâtiment des bassins; ou encore les évacuations des eaux finement dessinées par les architectes pour la galerie aujourd’hui remplacées par une gouttière de zinc. Depuis la fermeture en 2016, l’accueil a logé une entreprise de savonnerie engendrant à l’intérieur des nouvelles teintes : rose. Le bâtiment des bassins et la galerie quant à eux, restés désaffectés, certaines vitres brisées ont été remplacées par des panneaux de bois occultant les parois transparentes et lumineuses du départ.
L’exemple le plus significatif de ces changements et celui des couleurs de la structure métallique : à l’origine bleu-gris, sobre et élégante, elle a été repeint en marron et jaune, perdant l’aspect intemporel de la pensée initiale de l’insertion structurelle du bâtiment dans son environnement.
Agir vite
Ces modifications progressives ont fini par rendre le bâtiment inintelligible et ont empêchées certains de saisir la sensibilité et la finesse de ce projet. Elles ont brouillé la lecture, cachant aux yeux du grand public la véritable beauté et la valeur patrimoniale de ce bâtiment historique du XXème siècle. Toutefois, ces altérations souvent superficielles ne sont pas définitives. Plusieurs actions auraient pu être envisageables pour permettre à nouveau de dévoiler la beauté de cette architecture du XXe siècle, qui a fait et qui pourrait continuer à faire la fierté de la ville.
A défaut d’avoir reconnu la valeur historique des bâtiments d’accueil et de la loge du gardien qui ont été démolies il y a peu, nous espérons sincèrement que le bâtiment des bassins, espace principal, sera conservé par respect pour le passé de la France, notre histoire, son patrimoine et les enjeux écologiques actuels.
Pour appuyer la requête de sauvegarde et ainsi aider à sauver le bâtiment des bassins : vous pouvez signer la pétition.
Nous comptons sur votre aide et espérons que vous serez nombreux à vous mobiliser pour l’Ancienne piscine de Château-Thierry.
La pétition : https://www.change.org/sauvonslapiscine
La jeune génération.
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