Alors qu’un vaste projet immobilier au cœur de Montmartre inquiète les habitants, un patrimoine remarquable du quartier se trouve menacé de démolition, dans l’indifférence générale des services de la culture. Ce qui nous surprend d’autant plus que ce patrimoine abrite un laboratoire photographique de renommée internationale.
Voici les informations transmises par le collectif :
Les anciens bains douches de la rue Muller dans le 18ème arrondissement de Paris sont menacés de destruction. Un promoteur immobilier a prévu de détruire les 400m2 de l’ancien site pour y bâtir à la place un immeuble de 4 étages pour en faire ses bureaux et trois lofts à usage privé.
Ces bains douches accueillent depuis 1998, le Laboratoire Photographique CYCLOPE à la réputation internationale et l’un des derniers tireurs de photos argentiques et numériques de Paris. Le laboratoire travaille avec des institutions telles que le MUCEM à Marseille et une dizaine de FRAC (Fond Régionaux d’Art Contemporain), des galeries d’art aussi prestigieuses que Kamel Mennour, et des artistes du monde entier : Bettina Rheims, Jean-Marie Perrier, Jan Houllevigue, Gérard Rancinan (Star mondiale de la photographie), Marie Bovo, Olivier Monge, Per Barclay( Norvège). Vick Muniz (Brasil) Galerie Xipas Estefania Peñafiel (Ecuador), Galerie Les Filles du Calvaire, Allain Bublex, Galerie Valois, ORLAN, Joachim Bonnemaison. Pour ne citer qu’eux.
Le permis de construire a été accordé et la date limite pour le dépôt d’un recours est fixée au 12 mars. L’actuel occupant, Gonzalo Castillo, le directeur du laboratoire photographique est menacé d’expulsion. Les anciens bains ont été vendus avec lui en tant que locataire.
Nous (un ensemble de voisins du laboratoire) sommes en train de faire des recherches d’informations précises sur l’historique des bains dont on trouve encore des traces vivantes comme en témoignent les photographies ci-jointes.
Nous avons très peu de temps pour empêcher cette destruction. Nous avons découvert la semaine dernière lors d'une visio-réunion enregistrée avec Mario Gonzalez, adjoint au maire du 18ème arrondissement, et le promoteur immobilier, que la mairie ignorait totalement l’existence des bains. Le Permis de construire a été déjà refusé deux fois auparavant en raison de la dangerosité des travaux, le site se trouvant sur ses fameuses carrières de gypse, avec des trous dans le sol extrêmement profonds. Les habitants du cœur d’îlot sont très inquiets des conséquences que pourraient avoir ces travaux sur leurs habitations (effondrement, fissures).
Voici en complément de cette alerte du collectif de riverains, une note qui nous inquiète, puisque visiblement Le département Histoire et Archéologie et La Commission du Vieux Paris ne sont absolument pas sensibles au caractère patrimonial et culturel des bains-douches. Le jugement est rendu par rapport à l’immeuble dans son ensemble sans mentionner ni tenir compte des bains.
Nous sommes également surpris que cet avis soit rendu sans aucune visite préalable des lieux.
Le DHAAP a reçu en novembre dernier une consultation de la part de la direction de l’Urbanisme sur le PC 075 118 19 V0053. Le service a classé le dossier sans suite le 02/02/2020. Il est à noter que la Commission du Vieux Paris s’est réunie pour la dernière fois en février 2020, avant d’être mise en sommeil le temps des élections municipales. Elle vient de reprendre ses activités à la fin du mois de janvier 2021. Pour ce qui concerne les raisons de cette non opposition de la part du DHAAP, qui a poursuivi l’instruction des permis de construire en l’absence de Commission, il a été jugé que cette adresse présentait un très faible degré d’authenticité. Les bâtiments concernés ne pouvaient justifier une opposition au projet de restructuration et de surélévation. Transformés en bureaux de longue date, les locaux ont perdu l’essentiel – si ce n’est l’ensemble - des éléments liés à leur ancienne affectation. La verrière ne semble pas présenter un intérêt patrimonial particulier, et les skydomes qui l’entourent témoignent de rénovations lourdes menées au fil du temps.
C’est sur la base de ces éléments que le DHAAP a décidé de classer le dossier. Il est certain que le projet de constructions neuves impactera les immeubles voisins, mais ce sont là des considérations qui n’entrent que très secondairement dans les critères de sélection des dossiers à enjeux patrimoniaux. Les premiers de ces critères étant bien entendu l’ancienneté du bâti, son authenticité, son intérêt architectural et historique.
Nous vous remercions pour votre signalement et les informations contenues dans votre message. Nous ne manquerons pas de suivre avec intérêt l’évolution de ce dossier, et les possibles modifications que le projet pourrait connaître suite aux recours des riverains.
Outre la disparition des Bains, il est important de s’interroger au sujet de l’avenir de Cyclope et de son Directeur Gonzalo Castillo. Son expulsion compromettrait sa prestigieuse activité et son savoir-faire inégalé.
À propos de Cyclope :
Créé en 1998 à Montmartre, Cyclope est rapidement devenu une référence dans le monde de la photographie, et sa renommée aujourd’hui a largement dépassé les limites géographiques de la France. Installé dans les locaux d’un ancien Bains-Douches des années trente le laboratoire se dédie plus particulièrement au tirage d’exposition, qu’il s’agisse du Noir et Blanc, C-print, Ilfochrome ou bien du procédé Pigmentaire.
L’ambition de Cyclope est d’offrir aux photographes et artistes plasticiens ce qu’ils ne trouvent plus ailleurs : du temps pour expérimenter et réfléchir à leur travail, un dialogue direct avec des tireurs parmi les meilleurs, un lieu où chacun peut voir et juger ses tirages dans l’intimité et le calme et, enfin, une réelle maîtrise du tirage argentique et de sa conservation.
Cyclope n’est pas pour autant figé dans une technique ou une époque et c’est ainsi qu’en 2004 un service numérique a été créé ; l‘équipe Cyclope entend de cette façon pérenniser le savoir-faire en tirage traditionnel et évoluer avec son temps. Cette démarche a fait de Cyclope le lieu de prédilection des photographes les plus prestigieux et exigeants, et plus largement, de tous les passionnés et amateurs d’images.
Malgré les difficultés liées à la crise que le monde de la culture traverse, Gonzalo Castillo tient bon, mais cette expulsion qui rend l’avenir de Cyclope plus qu’incertain ne le rassure guère.
Dans cette triste affaire si les recours sont rejetés, ce sont certes des pierres qui seront jetées à terre, mais également une part de l’excellence de la culture française.
Bien évidemment, Urgences Patrimoine a répondu présente aux sollicitations des riverains et mettra tout en œuvre pour les accompagner dans l’ensemble de leurs démarches pour la sauvegarde des Bains-douches de la rue Muller et du laboratoire Cyclope.
En attendant, merci de bien vouloir signer la pétition lancée il y a quelques semaines par le collectif ICI.
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