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La Gazette du Patrimoine est le média en ligne d'Urgences Patrimoine. 

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Elle permet la diffusion des informations relatives aux patrimoines et à ses acteurs. 

  • Photo du rédacteurAlexandra Sobczak

Patrimoine classé mais abandonné : quand l’État cautionne un « patrimonicide »

Dernière mise à jour : 12 déc. 2023

Nous avons eu le privilège de visiter un trésor du patrimoine national, dont les peintures murales sont classées au titre des monuments historiques depuis 1909. L’édifice quasi millénaire est pour sa part classé dans son ensemble depuis 1976.




C’est à Vezot, une petite commune de la Sarthe de moins de cent âmes, toute proche de la ville de Mamers, qu’en toute humilité se dresse cette petite église depuis près de 1000 ans. Humble par son architecture, mais magistrale dans son ensemble.



À peine passe-t-on la porte étroite de l’édifice que l’on ressent ici quelque chose de particulier. Impossible de définir ce que c’est. En revanche, on est tout de suite subjugué par la beauté du lieu.



Passées les « envolées lyriques » et l’ivresse provoquée par cette découverte, on se « réveille » avec la gueule de bois, car on est bel et bien face à un véritable scandale patrimonial.



En effet, malgré le fait que l’édifice et l’ensemble de ses œuvres peintes soient protégés au titre des Monuments Historiques, c’est l’état d’abandon manifeste qui nous saute aux yeux.



Seule chose positive, grâce à un voisin de cette « vieille dame », il est possible de visiter les lieux. Avec d'autres habitants du village il veille également à ce que l’intérieur de l’édifice soit toujours propre, mais ne peut hélas faire entreprendre les moindres travaux. Il a alerté à plusieurs reprises les élus locaux, mais le Maire n’a visiblement pas l’intention d’entreprendre quoi que ce soit pour le moment, car il y a d'autres priorités dans la commune. Il est, cependant, conscient de l'urgence de la situation.



t c’est bien là le problème dans notre pays. On laisse se dégrader, sans réaction aucune, certains patrimoines remarquables, sans qu’il n’y ait jamais de sanctions. Et pour cause, dans le cas de cette église c’est le Maire qui est responsable de l’entretien et des restaurations d’urgence sous contrôle de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Or, si cette dernière ne se manifeste pas, il ne se passe rien.



Dans le cas de l’église de Vezot, on se demande bien quand quelqu’un tirera la sonnette d’alarme, afin de sauver ces trésors datant pour la plupart, du Moyen-Âge et de la Renaissance.


Ce qui est également un non-sens, c’est que si nous proposions de faire intervenir des artisans qualifiés bénévolement dans le cadre du mécénat de compétences, nous nous exposerions à de lourdes sanctions s’agissant d’un patrimoine protégé.



Donc, en France, on a le droit de laisser disparaître les œuvres sans être inquiété. En revanche, on risque d’être poursuivi si on veut les sauver.


Nous entendons déjà les commentaires : il n’y a pas d’argent pour restaurer le patrimoine, nous ne pouvons pas tout sauver, c’est un petit édifice de province, l’argent doit aller aux grands édifices plus connus…



Sauf que, dans le cas de Vezot, ce ne sont pas des millions d’euros qu’il faudrait pour sauver ces trésors. La structure de l’édifice ne présente pas d’importants désordres. En revanche, il faudrait d’urgence stopper les infiltrations d’eau, car des murs commencent à verdir de toutes parts, et certaines sculptures se délitent à cause de cette humidité, tout comme les somptueuses peintures murales du XIVe siècle qui disparaissent au fil des ans.



À ce rythme-là, dans dix ans, les œuvres de l’église de Vezot ne seront plus que l’ombre d’elles-mêmes.



Il suffit d’ailleurs de comparer les photos des Bases Mérimée et Palissy qui datent d’une vingtaine d’années, et celles que nous avons prises samedi 11 juillet.


Une question se pose : puisque cette précieuse base de données des monuments historiques existe, pourquoi n’y a-t-il pas plus de surveillance de la part des services de la culture ? Pour des édifices « sensibles », un contrôle régulier de l’état de conservation des œuvres nous semble de la plus haute importance. Mais si ce contrôle est peut-être parfois effectué, ce n’est pas le cas pour l’église de Vezot.



Nous nous émouvons des dégradations volontaires dans nos églises de France, mais le plus grand des vandales reste l’abandon ou la négligence. Et ce avec la « bénédiction » de l’État.



Dans certains pays, la destruction du patrimoine est considérée comme un crime contre l’humanité. Tenir ce genre de propos au sujet de notre patrimoine national oublié serait peut-être exagéré, mais sans honte nous pouvons parler d’homicide culturel. Et lorsqu’on qu’une œuvre est détruite, à cause de son manque d’entretien, même s’il n’y a pas préméditation, l’on peut parler « d’homicide involontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner ». Et si certains s’offusquent de la comparaison avec les hommes, alors inventons le terme : « patrimonicide ».

Dénoncer, c’est important, mais agir est encore mieux. C’est la raison pour laquelle Urgences Patrimoine va prendre la liberté d’alerter La Direction Régionale des Affaires Culturelles, ainsi que le Préfet qui, en tant que représentant de l’État, devrait sans tarder prendre des mesures pour assurer l’avenir de l’église de Vezot et de ses trésors.



Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des réponses qui nous auront été faites.



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