*Réaction spontanée d’une roubaisienne face aux démolitions.
Ces derniers mois dans la métropole lilloise, les démolitions vont bon train ! Nous voyons disparaître les derniers représentants de l’épopée industrielle fondatrice de la métropole : châteaux de l’industrie, habitat ouvrier et bourgeois, lieux de culte.
Les exemples ne manquent pas : nombreuses usines détruites à Tourcoing, ancien couvent à Roubaix, chapelle à Lille, éradication définitive de la Lainière à Wattrelos, sites industriels reconvertis par le vide à Houplines, Quesnoy/Deûle,..
Le cas de l’ancienne usine François Masurel Frères (FMF) à Tourcoing est particulièrement représentatif. C’est un site emblématique fondé au XIXe par l’une des grandes dynasties textiles de la métropole, situé dans la zone industrielle des Francs.
Véritable ville dans la ville, l’usine comporte des édifices de styles différents, marquant les différentes étapes de l’histoire de l’entreprise et le déploiement de son activité : des bâtiments à étages de type Manchester, des ateliers sous sheds dont l’atelier de bonneterie à la remarquable façade moderniste des années 40, ruelles, etc… Avec les éléments qui l’entourent (château et église construits par les patrons, usines voisines, habitat ouvrier), l’ensemble constitue un ensemble remarquable et qui permet de comprendre comment la ville s’est bâtie lors de la 1ère révolution industrielle.
Malheureusement, seuls deux ridicules fragments de bâtiments en front à rue sont conservés, la perspective spectaculaire de la façade moderniste est brisée, les impressionnants « châteaux » de briques en cœur d’îlots disparus !
Les arguments avancés pour justifier ces destructions sont les besoins en habitations et bureaux. Il semble en effet que la métropole ait besoin de 6 000 logements neufs par an sur 6 ans (selon le dernier PLH). La politique qui préside en matière de construction est que, pour éviter l’étalement urbain et l’artificialisation de nos campagnes, on doit reconstruire la ville sur elle-même, en investissant le foncier disponible.
Mais comment ne pas s’interroger ?
Pourquoi la métropole, avant de détruire et reconstruire, ne puise-t-elle pas dans les 40000 logements vacants ou dégradés présents sur son territoire
Pourquoi, elle qui se prétend engagée dans la démarche de transition écologique, ne prend-elle pas en compte l’impact environnemental qu’implique la construction de neuf, à savoir 40 à 80 fois plus de matériaux consommés que les réhabilitations ?
Pourquoi le recours systématique aux friches industrielles comme gisement naturel de foncier s’accompagne-t-il systématiquement de destruction, sans interrogation préalable sur l’éventualité d’une réhabilitation ?
Pourtant, ces villes savent aussi jouer parfois la carte de l’identité patrimoniale : labellisation ville d’art et d’histoire, recours partiels à des protections (SPR, ISMH, classement), conservation d’un fragment (souvent en façade) servant d’alibi, autant d’outils qui deviennent vite inopérants dès lors que les enjeux financiers prévalent.
Convaincus comme bien d’autres des atouts du patrimoine tant dans l’affirmation de l’identité forte de nos cités que dans la préservation d’une qualité de vie revendiquée souvent à tort pour les constructions récentes, nous rappelons aussi combien la préservation et la réutilisation de bâti patrimonial constitue un atout dans les démarches de transition écologique.
Nous ne voulons pas que nos villes, marquées par une histoire industrielle singulière durant plus de 150 ans, tournent le dos à ce passé glorieux en perdant leur caractère et en devenant de banales banlieues à immeubles. Les promoteurs ont-ils toujours le dernier mot ?
Swan Cazaux, Olivier Muzellec
Association le Non-Lieu
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