Nous avions été alertés vendredi 3 février de l’imminence de la démolition de cette cabane de Gardian. Malgré le peu de marge de manœuvre que nous avions, nous avons essayé de museler les pelleteuses en faisant intervenir un de nos conseils, Maître Élodie Toniazzo, avocate au barreau de Nîmes. Nous avons travaillé tout le week-end, mais la municipalité et les instances compétentes sont restées sourdes à nos sollicitations.
La démolition, qui initialement semblait programmée pour le lundi 6 février, a eu lieu ce matin à l’aube. C’est toujours lorsqu’il fait encore nuit que ceux qui commanditent les démolitions font exécuter leurs ordres. Ce fut le cas pour le Château de Lagny-Le-Sec et, bien évidemment, pour la chapelle Saint-Joseph à Lille.
Nous prenons ce procédé pour une marque de honte. Oui, ils ont probablement honte, ces démolisseurs de mémoire, mais comme on dit « un moment de honte est vite passé ».
Cette cabane de Gardian, avait pourtant résisté dix ans à l’assaut des pelleteuses. Dix ans de procédures multiples et variées, qui hélas trouvent leur terme aujourd’hui. Dix ans d’espoir aussi, pour tous les amoureux de ce territoire camarguais riche de traditions.
Ces cabanes de gardians sont l’identité même des Saintes-Maries et aujourd’hui, c’est cette identité qui est bafouée. Certes, sur le papier, le projet de Christelle Aillet, la maire de la commune, est présenté comme voulant honorer la mémoire camarguaise.
Or, on n’honore rien en détruisant.
Cette cabane pouvait avoir toute sa place dans le projet d’aménagement, mais elle a été condamnée au prétexte de mettre en valeur la croix camarguaise toute proche.
Comme on peut le voir sur le visuel du projet, la cabane « rescapée » est présentée comme un trophée. Mais le patrimoine doit être vivant et pas « muséifié ». Certes, les touristes de passage trouveront le site très « instagrammable », mais n’oublions pas que le patrimoine des territoires appartient, avant toute chose, aux habitants de ce territoire et comme disait Victor Hugo, « le patrimoine appartient à tout le monde et c’est outrepasser son droit que de le détruire. »
Le plus incroyable, c’est que lorsqu’on se rend sur le site internet des Saintes-Maries Tourisme, ces constructions traditionnelles sont mises à l’honneur. Cette destruction nous semble totalement infondée.
Nous avions mandaté un huissier pour qu’il vienne constater le défaut d’affichage du permis de démolir. Il viendra constater la démolition et les restes fumants de ce petit bout d’histoire locale. La municipalité refusant de produire les documents attestant de la régularité de la procédure de démolition, notre avocate va donc déposer une plainte au Parquet.
Certes, cela ne ramènera pas la cabane, mais s’il y a eu irrégularité, il faudra que Madame la Maire s’en explique. Si elle était dans son bon droit, alors c’est auprès de ses administrés qu’elle devra rendre des comptes, car beaucoup d’entre eux se sont mobilisés pendant de nombreuses années contre la démolition de ce petit édifice. Preuve qu’ils y étaient attachés. Mais les élus se fichent « du petit peuple » quand il s’agit de mettre à exécution une démolition. En revanche, ils s’en fichent moins quand il s’agit de se faire élire.
Les cris que l’on entend dans la vidéo ci-dessus sont les siens. Les mêmes cris que l’on pousse à l’annonce de la perte d’un être cher. Cela semblera peut-être exagéré pour certains, pourtant, nous ne cessons de le répéter, le patrimoine de proximité est souvent considéré un peu comme un membre de sa famille, et c’est toujours un déchirement quand on le voit partir injustement.
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