Depuis la création d’Urgences patrimoine en 2014, nous avons vu se succéder pas moins de six Ministres de la Culture, et bientôt sept. Inutile d’être fort en maths pour se rendre compte que leur mandat dure, la plupart du temps, moins de deux ans.
Comment mener alors une politique ambitieuse et pertinente tant les sujets à traiter sont variés ? Comment en moins de deux ans peut-on s’occuper du spectacle vivant, de la danse, du livre, des artistes, des intermittents du spectacle, du patrimoine et de tant d’autres sujets ? Même le meilleur des meilleurs ne pourra pas faire de miracle dans un laps de temps aussi réduit.
Certains ont néanmoins réussi mieux que d’autres, mais beaucoup ont été quasi inexistants, attendant juste le suivant.
Concernant le sujet qui nous occupe, nous n’oublierons pas les nombreux édifices perdus durant ces huit années et nos combats perdus qui laissent un goût amer. Notre premier combat contre la démolition de l’Hôtel du Parc à Saint-Honoré-Les-Bains, nous l’avons mené sous le « règne » de Fleur Pellerin qui avait pour habitude de ne pas ouvrir un dossier. Pourtant, alors que nous étions totalement inconnus, Jack Lang s’était fait l’avocat de notre cause, mais elle n’a jamais répondu.
À Françoise Nyssen, nous devons la perte du Château de Lagny-Le-Sec. Certes, nous avions été alertés un peu tard, mais elle aurait pu changer le cour de l’Histoire.
Elle ne l’a pas fait s’appuyant sur l’argument que tous utilisent : « l’ABF a émis un avis favorable, l’édifice n’étant pas assez remarquable ». Cet argument, nous n’avons jamais cessé de l’entendre s’agissant d’un édifice du XIXe.
Comme il faut de temps en temps une note positive, saluons le courage de Franck Rieste : même s’il n’aura pas laissé un souvenir impérissable en termes de politique patrimoniale, c’est tout de même pendant son mandat que fut lancé le loto du patrimoine sous l’impulsion de Stéphane Bern. Nous persistons à dire que ce loto n’a pas que du bon, mais il a le mérite d’être la manne providentielle pour quelques édifices et c’est mieux que rien. En ce qui nous concerne, nous garderons le souvenir de sa volonté de vouloir sauver la chapelle Saint-Joseph à Lille, puisque seulement 15 jours après notre intense mobilisation, il avait dit « stop » au projet de démolition. Nous y avions cru, mais c’était sans compter sur le remaniement ministériel et l’arrivée de Roselyne Bachelot, alias « Démolition Woman ».
Pourtant, naïvement, nous avions été heureux de sa nomination. Nous avons très vite déchanté, regrettant même les différents ministres qui s’étaient montrés peu réceptifs à la cause du patrimoine, car, parfois, il est mieux de ne rien faire que de faire mal. Jamais depuis nos huit ans d’existence, nous ne nous étions retrouvé face à un Ministre méprisant à ce point le patrimoine des territoires. Sa politique patrimoniale se résume en 3 mots : « les grands opérateurs » — parisiens de préférence. Nous n’oublierons jamais sa petite phrase lors d’une audition au Sénat : « L’opéra Garnier est à Paris, pas à Montauban ». Nous n’oublierons pas non plus le zéro euro en faveur du patrimoine non protégé du plan « relance culture » doté tout de même de 614 millions d’euros. Preuve incontestable de son mépris pour les petits édifices qui pourtant participent grandement au rayonnement de nos territoires. Enfin, nous n’oublierons jamais le bruit assourdissant des pelleteuses grignotant « notre » chapelle Saint-Joseph. « Pas assez remarquable » fut encore l’argument pour justifier ce patrimonicide.
Mais la Ministre a rajouté un nouvel argument pour accélérer les démolitions : « c’est en trop mauvais état ».
Désormais, même les édifices protégés risquent de tomber avec la bénédiction du ministère, car les élus démolisseurs vont se faire un plaisir d’en user et d’en abuser pour mener leur politique de « tabula rasa ». Précisons que, bien heureusement, il y a des élus soucieux de la sauvegarde du patrimoine de leur commune, mais les obsédés du béton vont pouvoir s’en donner à cœur joie.
Dans les prochains jours, un nouveau Ministre de la Culture sera nommé (ce n’est pas trop tôt !) et bien entendu, nous attendons fébrilement sa nomination, car c’est bien entre les mains de celle ou de celui qui sera nommé que dépendra l’avenir du patrimoine. Nous aurons l’occasion de tester immédiatement son intérêt pour notre cause, puisque nous avons de nombreux dossiers qui attendent déjà depuis deux mois dans nos tiroirs. Nous savions pertinemment qu’il était inutile de les soumettre au ministère juste avant les élections, mais pour certains, les pelleteuses sont très proches, alors il faudra agir vite, très vite.
Cela dit, nous ne nous faisons aucune illusion. Au moins nous ne serons pas déçus, et tant mieux si par miracle, le nouveau ministre aime sincèrement le patrimoine français sans distinction entre grand et petit.
Ah oui ! Petite note à destination du ministère : Votre site internet n’est pas à jour, car quand on souhaite consulter la liste des ministres depuis André Malraux, c’est Franck Riester qui figure comme étant le ministre en place. C’est Roselyne qui risque de ne pas être contente !
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