Un an après « l’affaire » des maisons à pans de bois, la ville d’Alençon fait à nouveau parler d’elle avec un projet des plus surréalistes. Nous avons été alertés par la Société des Amis du Vieil Alençon et, une fois encore, nous serons à leurs côtés pour lutter contre cette atteinte au patrimoine.
Nous nous étonnons que le permis ne soit affiché que maintenant, alors qu’il a été délivré en 2019. Sans doute que le « cocktail » Covid/élections municipales a légèrement différé le projet. Nous attendons avec impatience de lire l’avis conforme délivré par l’ABF, car avons du mal à comprendre comment et sur quels critères un tel avis a pu être délivré dans un secteur protégé.
Le Président de la Société des Amis du Vieil Alençon nous fait un résumé de la situation :
« Alençon est désormais un Site Patrimonial Remarquable (SPR). Mais ce titre a dû être délivré en passant sous silence le projet de Maison Médicale, portée par la Société Publique Locale (SPL). Ce projet de construction doit voir le jour juste au chevet de la basilique Notre-Dame et de la Maison d’Ozé, un hôtel particulier remontant au XIVe siècle, dans le périmètre de ces deux Monuments Historiques, et en co-visibilité directe avec eux (sans compter le périmètre du Pavillon Henri II et la co-visibilité avec l’église Saint-Pierre, autre MH un peu plus distant mais bien en face).
Les Alençonnais ont constaté ces derniers jours l’apparition à l’entrée du Parc de la Providence d’un panneau présentant un bunker de 333 m²… avec un permis de construire accordé en juillet 2019.
Les habitants se sont habitués à des points de vue privilégiés sur ces monuments, suite à la disparition d’un immeuble des années 1920, et à des aménagements paysagers de qualité dans ce secteur. Il faut dire que cela tranche avec 50 ans de maltraitance de ce quartier, sans vraiment de pression immobilière mais avec la volonté assumée de faire de la place pour les voitures, et un peu pour le marché hebdomadaire. Justement, on a tremblé une première fois voici un an, sous l’ancienne municipalité, avec la présentation d’un projet de silo à voitures rue de la Poterne.
Mais ce « bunker », personne ne l’a jamais évoqué publiquement.
On va donc bétonner au chevet de la basilique Notre-Dame. Le projet est conçu par l’étude Ziegler. Les toits terrasses vont s’imposer au milieu des couvertures de tuiles et d’ardoises. En soi, il n’y a rien d’illogique à remettre du bâti là où il y en avait. Mais pourquoi une telle distorsion dans les proportions et les matériaux ? Sans faire de pastiche, il est possible de lier cette extension à l’existant. Pourquoi minéraliser à ce point cette entrée de parc alors que désormais, nous avons besoin d’ombrer et de faire baisser les températures ? Pourquoi choisir les locaux les plus petits pour ce projet alors qu’un vaste immeuble voisin, longeant la rue Becquembois, reste sans affectation ?
L’esthétique du projet est d’autant plus surprenante pour les riverains habitués à des exigences sur le rendu de leurs projets. Le cahier des charges pour la Maison d’Accueil Louis et Zélie, rue Etoupée, a été drastique (enduits, huisseries, etc.). Le contrôle a été tout autant serré pour la réhabilitation de l’immeuble abritant les studios RCF, donnant dans ce même parc face à ce futur bunker. Alors pourquoi cette rupture dans l’égalité, véritable source de désordre dans les esprits ?
La défiguration des abords de la basilique Notre-Dame se poursuit donc. Après la place de la Magdeleine, qui n’a toujours pas été ré-adoptée, tant elle est vide et standardisée et son chevet est attaqué. Depuis un an, la vieille Société des Amis du Vieil Alençon (SAVA) a été refondée, suite au dossier des maisons à pans de bois de la rue du Château. Précisément, ce type de projet entre dans le cadre de ses préoccupations. Si l’association souhaite engager le dialogue avec le maître d'ouvrage, il est difficilement imaginable maintenant, avec l’effet de surprise de cet affichage tardif, que cela amène à une correction du projet.
Elle se réserve donc la possibilité d’un recours aux côtés d’Urgences Patrimoine et d’autres associations locales de défense du cadre de vie. »
J.-D. Desforges,
Président de la Société des Amis du Vieil Alençon
Urgences Patrimoine a d’ores et déjà sollicité son avocat, Maître Théodore Catry, voici son avis :
« Cette autorisation interpelle, compte tenu du double-niveau de protection dont est censé bénéficier le secteur, que ce soit au titre du document local d’urbanisme dont l’ambition est de préserver les perspectives du tissu bâti historique dans le centre ancien, mais aussi du fait de l’intégration du terrain dans le périmètre des abords des monuments historiques. Si l’un et l’autre ne privent pas en théorie de la faculté de construire, on ne peut entériner de tels projets sans porter une attention scrupuleuse à la qualité architecturale du secteur et à son intérêt historique. L’avis favorable délivré par l’ABF méritera une attention très particulière. »
Maître Théodore Catry
Avocat en Droit public, de l’urbanisme et de l’environnement. Theodore.catry@gmail.com
Nous devrions en savoir plus dans les prochains jours, nous ne manquerons pas de vous informer.
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