Nous savions que le patrimoine était exposé à tous les dangers pendant la période estivale, et nous en avons ici une preuve incontestable.
Plusieurs personnes nous ont identifiés sur les réseaux sociaux, afin d’attirer notre attention et nous les remercions. À Laàs dans le département des Pyrénées-Atlantiques, non seulement on touche le fond, mais M. le Maire continue de creuser.
Non content de lancer son projet de réhabilitation de l’église du XIIe siècle pour la transformer en cabaret burlesque (projet qui avait bien entendu attiré l’attention de tous les médias de France et de Navarre), de façon unilatérale, en accord avec lui-même, il vient d’orner l’édifice d’une jolie construction en parpaings, destinée à soulager les spectateurs du futur cabaret.
Si seulement les choses s’arrêtaient là, on aurait pu parler de la « simple » mutilation d’un joli témoin du patrimoine roman du Béarn, mais pour réaliser ces travaux, il a fallu éventrer le mur du cimetière, briser une croix et remuer la terre pour creuser une fosse. On peut aisément imaginer ce que l’on peut trouver sous terre quand on fait des travaux dans un cimetière. Qu’à cela ne tienne, ce ne sont pas quelques os qui contrarieront les travaux.
De nombreux habitants de la commune sont vent debout contre ce projet auquel ils étaient farouchement opposés, et ils essaient de tout tenter pour arrêter le massacre. Pour le moment, et sans succès. Ils ont essayé de bloquer le chantier un matin, mais les forces de l’ordre les ont gentiment délogés.
Pour l’heure, nous n’avons pas tous les éléments pour être plus précis et pour agir concrètement, mais nous sommes d’ores et déjà au travail.
Nous partageons ici la publication de Marie-Luce Cazamayou, une enfant du village dont les ancêtres reposent dans le cimetière et qui est bien décidée à lutter contre ce que nous appellerons, purement et simplement, une profanation.
Ces murs ont été bâtis entre l’an 1100 et 1200, ce fut l’église du village qui a dominé et « protégé » le cimetière, dans laquelle les gens de notre village ont été baptisés, se sont mariés, ont confié leurs peurs, leurs secrets, leurs chagrins, et enfin où on a célébré leurs obsèques du XIIe au XIXe siècles. Elle avait été oubliée et nous étions reconnaissants à de jeunes élus de l’avoir sauvée des eaux en refaisant le toit. Mais le massacre de l’intérieur a commencé à ce moment-là : destruction du caveau de la famille propriétaire du château, destruction d’un petit hôtel de marbre blanc, et après 20 ans d’oubli, voici le saccage final ! Parpaings, trous sous les murs, projet insensé de cabaret burlesque, à l’heure où ferment les cabarets aux filles à seins nus à Paris …
Au premier plan, la tombe de ma famille, mes grands-parents, mon père et maman qui nous a quittés en décembre. Femme respectueuse du culte, qui nous a appris à nous souvenir d’où nous venions, et à respecter la foi de nos pères, comme la foi de tous ceux qui croient en autres religions … Voilà, les talibans ont détruit les grands Bouddhas d’Afganisthan au nom d’un islam radical et mortifère, ici on insulte notre petit patrimoine au nom d’une mode qui ne durera pas … Ainsi soit-il ? Croyez en notre peine.
Les médias s’amusent : on fait le « buzz », « l’auto-proclamé prince » de notre petit village béarnais a décidé de transformer ce pauvre et émouvant reste de notre passé en cabaret ! Quelle idée formidable ! On accourt, on applaudit, on publie des pages entières sur ce miracle ! Quelle chance pour les villageois qui ont voté à 80% contre ce projet ! Enfin quelqu’un va faire leur bonheur malgré eux !
Quelle importance si, pour les latrines de ce lieu, il a fallu creuser la terre du cimetière, faire tomber une croix et la casser, détruire le muret et le portillon du cimetière, profaner la tombe d’un papa disparu trop vite ? Quelle importance si en remuant la terre on a saccagé de vieilles tombes ? Et qu’importe si ces latrines vont aller polluer le petit ruisseau qui file en dessous ?
Quelle jolie photo fait ce tas de terre, sur lequel on distingue nettement des ossements humains ! Qui parle de patrimoine ? De cœur ? De respect des morts ? De respect de ce paysage avec sa vieille église, son presbytère, son cimetière ? Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne… que trouverons nous encore ?
Marie-Luce Cazamayou
Qu’ajouter d’autre ? Rien, si ce n’est que Monsieur le Maire doit souffrir d’amnésie, car au passage de l’an 2000 il était clair que ses intentions concernant son patrimoine était tout autre.
En ce qui nous concerne, nous sommes toujours soucieux de l’avenir des édifices, et en particulier des édifices religieux. Mais à Laàs, les lieux possibles pour l’implantation du cabaret sont nombreux. Alors faisons en sorte que ce petit édifice roman accueille concerts et expositions, comme c’est le cas depuis des années, et que les défunts qui reposent au cimetière ne voient pas leur repos à nouveau troublé, juste pour faire le « buzz ». Le respect du présent, passera toujours par celui du passé.