Le 2 mai était la date de clôture de la consultation européenne visant à statuer sur l’avenir de l’utilisation du plomb dans les métiers de l’artisanat. Urgences Patrimoine a bien évidemment répondu à cette consultation en collaboration avec Maître Théodore Catry, avocat de l’association.
Si, à l’issue de cette consultation, le résultat n’était pas favorable aux métiers de l’artisanat, alors nous serons prêts à porter l’affaire devant la justice européenne.
CONTRIBUTION À LA PROPOSITION D’INSCRIPTION DU PLOMB À L’ANNEXE XIV DU REACHL’association Urgences Patrimoine, qui lutte au quotidien contre les multiples menaces qui pèsent sur le patrimoine local et national, entend s’associer pleinement aux nombreuses positions défavorables exprimées, en particulier celle des acteurs du Verre, du Cristal et du Vitrail dont l’activité se voit profondément et durablement remise en cause par l’inscription du plomb à l’annexe XIV du Règlement « REACH ».En France, ce ne sont pas moins de 90.000 m2 de vitraux qui illuminent notre patrimoine sur l’ensemble du territoire. Notre pays est en effet une exception mondiale car il concentre plus de 60 % de la totalité des vitraux de l’ensemble du globe.Ces 90.000 m2 de verre méritent une attention toute particulière pour espérer un avenir et leur travail est, jusqu’ici, perpétué par les mains de femmes et d’hommes passionnés par leur métier dont l’exercice pourrait être compromis par la soumission du plomb à procédure d’autorisation. Le besoin de restauration est important : le plomb s’abîme (oxydation notamment) et implique des opérations d’entretien tous les cent ans environ. Or, ces activités sont confiées à quelques 1200 structures de petite taille qui ne possèdent tout simplement pas les moyens financiers pour constituer régulièrement des dossiers de demande et de renouvellement d’autorisation.Si les dangers inhérents à l’utilisation du plomb sont connus, l’ajout de cette substance à l’annexe XIV du REACH s’avère une mesure fortement disproportionnée au regard de l’usage qui est fait de cette matière par les métiers du patrimoine. Les quantités de plomb utilisées pour la restauration et la création des vitraux sont en effet minimes, et les maîtres verriers sont soumis à des protocoles stricts, afin de ne pas mettre en danger leur vie et celles de leurs salariés.Cette matière, pour l’utilisation qui en est faite dans l’art du vitrail et du verre, ne connaît aucun substitut. Le sertissage ne peut se passer de ce métal au risque de se voir sérieusement limité, les autres procédés n’étant pas adaptés aux travaux de restauration. Par ailleurs, contrairement à certains usages industriels, l’utilisation du plomb dans le domaine du patrimoine ne représente pas de risque d’exposition pour les consommateurs puisqu’une fois intégré au bâti, il n’a plus vocation à être manipulé, sauf en cas d’opération d’entretien où des protocoles de sécurité sont posés, dont l’objet est notamment de remplacer les plombs dégradés.S’agissant de l’exposition des professionnels, les protocoles d’utilisation sont si stricts qu’aucun cas de saturnisme n’a été recensé jusqu’à présent dans les métiers du verre et du vitrail.Au vu de ce qui précède, l’association Urgences Patrimoine craint l’adoption d’une mesure dont les conséquences seraient dramatiques pour bon nombre d’acteurs de la restauration du patrimoine.Il doit être rappelé que l’article 5 § 4 du traité sur l’Union européenne pose le principe fondamental qu’ « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'ex cèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. »Ce faisant et suivant une jurisprudence constante, les actes des institutions européennes ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Aussi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt de la CJUE du 21 juillet 2011, Etimine, C‐15/10).En l’occurrence, l’inscription du plomb à l’annexe XIV du REACH est une mesure particulièrement lourde de conséquence, d’autant plus que cette substance fait encore l’objet d’un usage fortement répandu dans un grand nombre et une grande diversité d’activités économiques.Au risque d’une violation du principe de proportionnalité qui gouverne le droit et les institutions de l’Union, la soumission de ce métal au régime d’autorisation implique donc :
A minima, de prévoir une exclusion pour les usages dont les risques sont maîtrisés en phase d’utilisation ;
D’encourager la création d’un régime d’exemption qui permettrait la poursuite sereine des activités des artisans du verre et du vitrail, ainsi que des nombreux autres acteurs des métiers du patrimoine dont la survie dépend de leur faculté d’utiliser le plomb.Sans de telles garanties, la mesure envisagée ne peut pas être considérée comme appropriée.
Ses conséquences, à savoir l’abandon progressif d’un pan entier du patrimoine français dont la restauration ne pourrait plus être assurée, sont extrêmement inquiétantes.
Nous espérons vivement que la Commission considère la proportion d’inscription de l’ECHA à sa juste mesure et intègre ses incidences sur l’ensemble des professions du verre et du vitrail dont l’avenir est actuellement suspendu.
Pour l’association Urgences Patrimoine,
Alexandra Sobczak-Romanski et Théodore Catry