Encore un projet de parc éolien contestable et déjà largement contesté par les habitants des communes concernées, et même par les élus qui ont été mis devant le fait accompli. Nous comprenons que certains voient dans ces « machines à vent » un geste fort pour la planète, mais il est inconcevable d’imposer à nos territoires de telles mutilations mémorielles et patrimoniales. Comment peut-on imaginer un champ d’éoliennes en arrière-plan d’un cimetière où reposent des centaines de soldats britanniques morts pour la France ?
Comment accepter que plus de 10 édifices protégés au titre des Monuments Historiques subissent de tels assauts visuels ? Sans oublier l’impact sur la population locale, qui, outre la pollution visuelle et sonore, verra le prix de l’immobilier divisé par deux, sans parler de ces habitations qui deviendront totalement inventables.
Quant à l’impact sur le tourisme, il sera désastreux, car qui voudra passer des vacances au pied d’une éolienne ?
Monsieur Radu Portocala nous a alerté afin que nous puissions agir contre ce projet, en lui donnant plus de visibilité et en mobilisant l’ensemble des acteurs qui se sentiraient concernés par ces atteintes mémorielles et patrimoniales. Nous sommes d’ores et déjà prêts à nous engager auprès de l’association locale, « Association pour la protection de l’environnement du Bessin (APEB) », des habitants et des élus. Maître Théodore Catry, notre avocat, est dans les « starting blocks », si un recours en justice s’imposait.
Radu Portocala est né à Bucarest (Roumanie) dans une famille d’origine grecque. Troisième génération ayant subi les persécutions du régime communiste, il s’est exilé en 1977. Après cinq ans passés en Grèce, il s’est installé à Paris en 1982. Après une maîtrise de relations internationales, il a choisi la voie de la presse. Il a travaillé pour les rédactions roumaines de Radio France Internationale et Voice of America et a publié dans Le Point, ainsi que dans plusieurs autres journaux et revues en Europe de l’Ouest. Il a publié, en France et en Roumanie, plusieurs livres politiques, mais aussi de la littérature.
Bessin : histoire et hommes à la merci du vent
L’affaire des éoliennes est fort simple : quelques-uns encaissent et beaucoup d’autres perdent. C’est toujours, partout, la même chose. Ainsi, le paysan qui, alléché par la perspective d’une rente, détourne son champ de sa destination naturelle, est un faux gagnant : non seulement il trahit l’esprit de l’héritage laissé par ses ancêtres, mais il lègue à sa descendance une terre empoisonnée par des milliers de tonnes de béton et la charge onéreuse du démontage des mâts le jour où leur vie programmée aura pris fin. La mairie qui donne son assentiment pour l’installation des éoliennes obtient, certes, une compensation financière, mais s’attire l’animosité durable d’une partie des administrés, ainsi que des communes voisines dont elle ne s’est pas souciée de demander l’accord. Le vrai gagnant, le seul, est l’entreprise qui installe les éoliennes.
Dans le cas qui nous occupe, cette entreprise est Vensolair, filiale de la Compagnie nationale du Rhône, dont les actionnaires principaux sont Engie et la Caisse des dépôts et consignations, détenues majoritairement par l’État. Vensolair a jeté son dévolu sur la commune Le Manoir, dans le Bessin normand. Elle compte y installer 6 éoliennes de 150 m de haut, un parc qui débordera sur le territoire des communes de Ryes, Bazenville, Vienne-en-Bessin et Sommervieu.
Le premier opposant au projet a été l’aéroport de Caen-Carpiquet, où se trouve aussi une base de l’armée de l’Air. Les éoliennes se trouvant à seulement 15 km de ses pistes, la règle de sécurité se trouvait enfreinte. Mais l’argument, pourtant très sérieux, a été vite abandonné – et on ne peut s’empêcher de deviner là une intervention de l’État.
La mairie de Le Manoir, qui discute avec Vensolair depuis 2019, n’a pas trouvé nécessaire d’en informer les communes voisines avant mars 2022. Et pour cause : elle savait que sa décision n’allait pas trouver beaucoup de sympathisants. Les débats en cours montrent qu’elle ne se trompait pas.
Les raisons de cette résistance sont nombreuses. La zone où seront érigées les éoliennes se trouve à 6 km des plages de débarquement, lieu qui fait partie du patrimoine historique de la région et de la France tout entière. Déjà, non loin de là, au large de Courseulles-sur-Mer, un parc de 64 éoliennes maritimes est en cours d’installation. On les verra très bien depuis la célèbre plage d’Arromanches, surplombant hideusement les barges qui, en 1944, ont servi à improviser le port artificiel indispensable au débarquement, et qui sont classées.
Autre relique de la guerre, à moins de 2 km des futures éoliennes, est le Cimetière militaire britannique de Bazenville, où, chaque année, ont lieu des cérémonies commémoratives.
Dans la commune Le Manoir, habitée depuis l’époque romaine, qui est en train de se laisser berner par Vensolair, l’église Saint-Pierre est partiellement classée monument historique. L’église Saint-Martin de Ryes, distante de 2,7 km à vol d’oiseau, attestée au XIe siècle et partiellement classée, se trouve sur une élévation du terrain d’où les mâts seront parfaitement visibles.
Le château de Creully, datant de la même époque, classé monument historique, situé à 5 km des futures installations, est dans la même situation : construit sur une hauteur, ses visiteurs pourront admirer les éoliennes de Vensolair.
À Vienne-en-Bessin, commune limitrophe du futur parc d’éoliennes, attestée depuis le XIe siècle, l’église Saint-Pierre et le Vieux Château sont classés monuments historiques. À Sommervieu, autre commune voisine, l’église Saint-Pierre-et-Sainte-Geneviève abrite des objets inventoriés ou classés monuments historiques, et plusieurs autres bâtiments sont inventoriés monuments historiques. L’église Saint-Martin de Bazenville, dernière des communes entraînées malgré elles dans cette opération, est inscrite à la liste des monuments historiques.
Comment oublier dans cette énumération, sans doute incomplète, les magnifiques fermes fortifiées, nombreuses dans le Bessin, et dont la Ferme de la Rançonnière, à Crépon (4 km à vol d’oiseau), partiellement classée, est le plus bel exemple ?`
Il y a, enfin, à 7 km de là, Bayeux, avec la cathédrale Notre-Dame (XIe siècle), dont la tour est moitié moins haute que les futurs mâts, mais aussi avec tant d’autres monuments inventoriés ou classés.
L’histoire est, donc, perdante dans cette affaire. Les hommes non plus ne seront épargnés. Les terrains agricoles, richesse de la région, risquent de voir leur valeur diminuer. Les élevages, très nombreux dans le coin, subiront les dommages amplement attestés ailleurs. Le prix des biens immobiliers ne pourra qu’être affecté par un tel voisinage. Les nombreuses chambres d’hôte verront peut-être leur fréquentation diminuer, les touristes préférant sans doute des paysages moins altérés par le progrès techno-écologique.
Cette étrange catégorie qu’on appelle les « néo-ruraux », s’insurgeant contre les soi-disant désagréments du chant d’un coq ou du passage d’un troupeau de vaches, s’adresse à la justice et obtient, assez souvent, gain de cause. Pourquoi les vrais ruraux subiraient-ils la nuisance réelle d’un champ d’éoliennes implanté à leurs portes au nom des fantasmes des bureaucrates de Bruxelles et des intérêts financiers des quelques sociétés qui les mettent en œuvre ?
Radu Portocala
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