Apprendre et comprendre
Juin 2020
Notre-Dame et les cathédrales incendiées
Olivier Poisson


Il y a toute une histoire des incendies, répétitifs, épouvantables, que nous avons peut-être trop oubliée. Beaucoup de nos grandes cathédrales sont, d’ailleurs, d’une certaine façon, nées d’incendies, incendies des édifices précédents, occasion d’une reconstruction, d’une renaissance.
Ces incendies menacent toujours et, pour les périodes les plus récentes, en France, les cathédrales ont brûlé, déjà et plusieurs fois : depuis le début du XIXe siècle on peut noter six grands incendies, qui ont concerné cinq cathédrales, dont trois cathédrales majeures du paysage français : Chartres, Reims, Rouen.

Chartres, en 1836, a perdu toute sa charpente et sa couverture, mais a sauvé ses vitraux.
Metz, en 1877, perd aussi complètement sa toiture, à cause d’un feu d’artifice ! Reims, martyrisée jour après jour par les bombardements d’artillerie de la Grande Guerre, brûle entièrement, avec sa flèche, dès septembre 1914.
Rouen est de nouveau durement touchée, en 1944.
Enfin Nantes, en 1972, est aussi incendiée et perd sa couverture, à l’occasion de travaux.

Dès le lendemain de la catastrophe, on a vu arriver des quatre coins du monde, les propositions les plus diverses, parfois les plus invraisemblables, comme si le toit de la cathédrale parisienne devenait tout d’un coup le terrain d’exercice à la mode pour des architectes ou des designers, ignorant peut-être la vocation et l’usage de l’édifice, comme sa signification profonde dans le paysage parisien, français et européen.

En examinant les restaurations de cathédrales incendiées du XIXe et du XXe siècle, on trouve plutôt la même réponse : restaurer la forme et la silhouette de l’édifice, de la façon la plus significative, ou la plus exacte possible, car ce sont des pertes qu’il est impossible à la société de s’accommoder.

Certes, pour les cathédrales, les réponses ont varié, avec le temps. En 1822 ou en 1836, la notion de patrimoine n’existe pour ainsi dire pas encore : il s’agit de redonner aux cathédrales leur dignité en tant que grands édifices religieux, à une époque où, depuis la Révolution et l’Empire, la religion est quasiment une administration de l’État.
Pourtant la silhouette des édifices est soigneusement prise en compte, tant ces édifices, par leur taille, ont un symbolisme qui s’étend au-delà de leur strict usage. La peur du retour du feu incitera à des ouvrages moins combustibles comme la flèche de Rouen (en fonte) ou le comble de Chartres, en fer, une des toutes premières charpentes métalliques importantes de France.

C’est aussi le parti qui sera pris à Rouen (tour Saint-Romain) et à Nantes, après 1972. Ces travaux sont des exemples précieux, qui montrent combien la silhouette des cathédrales appartient au paysage français, combien elle le ponctue et lui rappelle sa mémoire. On voit quels efforts on a fait pour la conserver ou la rétablir, c’est sans doute une leçon pour les projets qui viendront.
On pourra trouver le texte complet de l’étude de ces « cathédrales incendiées » sur le site de l’association des Scientifiques pour Notre-Dame, qui rassemble des contributions et des documents destinés à éclairer la connaissance de la cathédrale meurtrie et de contribuer à sa restauration. Cliquez ICI.

Crédits photographiques :
Photo 1 : L’Express
Photo 2 à 7 : archives Olivier Poisson