LE dossier du mois
Mai 2020


La Fédération archéologique et historique du Gard
Des femmes et des hommes au service du patrimoine de leur territoire


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Introduction

Dans ce monde en manque de repères, l'attachement de femmes et d'hommes pour le patrimoine gardois et cévenol, permet de retrouver un peu de nos racines. La Fédération Archéologique et Historique du Gard (FAHG) s'attache à développer un point de vue holistique sur le pays gardois en liant culture, nature, passé et présent, dans le but d'aider au mieux notre territoire dans sa dimension identitaire et dans son acceptation de modernité en prenant le chemin de l'innovation à partir du passé.

En organisant chaque année, les Journées d'Archéologie et d'Histoire du Gard, la FAHG a construit sa notoriété. Et c'est son fondateur Pierre Valette, qui ne cessait de dire « On ne parle pas assez de la FAHG ! » qui aujourd’hui serait bien fier. 

Cette année, la fédération a décidé de se concentrer sur 4 projets bien précis :

  • La communication, essentielle pour la structure, offre une visibilité importante via les réseaux mis en place, à toutes les associations.
  • La sauvegarde du château de Brisis, un édifice du XIIe siècle, inscrit Monument Historique en 1997, sans un accès problématique.
  • Un chantier patrimoine rural avec entretien et restauration des calades au hameau « Le Brouzet » à Aujac.
  • Une réflexion sur la mutualisation et la mise en commun des compétences, des moyens matériels, d'entraide et de soutien.

Enfin, si la FAHG a décidé cette année d'accentuer son action sur le patrimoine rural cévenol (secteur d'Aujac), c'est en raison de l'isolement de l'habitat qui influe sur la qualité de vie des habitants et des personnes dans le besoin, sur plusieurs facteurs  : accès aux loisirs et à la culture, à l'emploi, tourisme, moyen de transport, tissu social...

Frédéric Dussaud


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Pierre Valette, fondateur et président d'honneur de la FAHG, nous a quitté le 26 mars 2020. La fédération est orpheline de l'homme passionné et engagé qui a désiré et construit ce projet.

Son nom restera à jamais associé à cette belle entreprise humaine. Celles et ceux qui ont repris le flambeau auront à cœur de lui rendre hommage plus bas en poursuivant son œuvre à travers son souvenir.

La Fédération Archéologique et Historique du Gard (FAHG)

Sept verbes pour la définir : chercher, découvrir, comprendre, partager, animer, sauvegarder, transmettre.

Cette Fédération, association loi de 1901, est un regroupement de chercheurs, historiens, archéologues bénévoles, conservateurs bénévoles du patrimoine, dont les centres d’intérêt, d’études, de recherches et d'actions se situent dans le département du Gard. Ces personnes sont membres d’associations ou participent individuellement aux activités de la Fédération.

Le but principal de la Fédération est de sauvegarder le patrimoine de notre département, d’assurer sa mise en valeur et de faire se rencontrer les différentes et très nombreuses associations gardoises, ayant les mêmes buts ou qui s’intéressent à l’archéologie, l’histoire locale, l’architecture monumentale ou vernaculaire (pierre sèche, fontaines, lavoirs, vieux outils ou livres, l’ethnologie ou la généalogie) dans le département du Gard.

La Fédération se propose aussi d’assister, de défendre ou aider les associations à constituer les projets déposés par leurs adhérents.

Elle essaie aussi de développer des liens ou partenariat avec d’autres fédérations ou associations limitrophes au département. C’est le cas de celle de l’Hérault (Fédération Archéologique de l’Hérault) ou de celle de l’Aveyron (Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Archéologique Aveyronnais).

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Hommage à mon ami, Pierre Valette
Jean-Pierre Renaud

Jean-Pierre Renaud est le vice-président de la FAHG. Il s'intéresse dans un premier temps à l'histoire de sa ville natale, Provins (aujourd'hui classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO) et, dans ce but, il étudie les voies anciennes du secteur provinois (en particulier, en vue du classement à l'UNESCO), mettant en évidence l'importance des voies antiques.

Il a collaboré pendant neuf ans au travail initié par Yan Loth sur les Tracé d'itinéraires en Gaule romaine et oeuvre, en 1986, à la parution de l'ouvrage portant ce titre. Plus tard, il crée avec Jean Roiseux l'association AREA qui, pour ses fouilles et recherches (dont celle d'une voie romaine) sur le site de Poigny, reçoit le Prix du Patrimoine en 2000. Enfin, Jean-Pierre se passionne — pendant 18 années — pour la traversée des Alpes par l'armée d'Hannibal en 218 avant J.-C., et soutient une thèse universitaire sur le sujet en octobre 2010.


Notre Président d’honneur, Pierre Valette n’est plus. Le fondateur — avec Jean Salle — de l’ASPAHG [l’association à partir de laquelle fut créée la FAHG] nous a transmis et confié ce qui était sa grande idée, aujourd’hui concrétisée et amplement développée, la Fédération de toutes les associations gardoises œuvrant à la défense et à la connaissance du patrimoine de notre département.

Il n’est plus, mais ce qu’il nous a laissé va poursuivre son chemin, le chemin qu’il a tracé et sur lequel il a su mener un grand nombre d’acteurs de la vie culturelle. Il n’a pas seulement ouvert « une voie », il a mis toute son énergie à élargir et à entretenir cette « voie ». En créant et alimentant la revue Patrimoine 30, il a fait en sorte que notre fédération se donne les moyens de toucher un large public.

Pour rendre hommage à Pierre, il faut évoquer toutes les actions concrètes menées par l’homme enthousiaste qu’il fut, en particulier dans le cadre du Centre culturel du Vigan, Le Bourilhou, dont il fut le président pendant 29 ans. [C’est du reste grâce à ce Centre"que l’ASPAHG a pu se réaliser, prendre de l’ampleur, et que s’est effectué au mieux — il faut le savoir — l’essor de notre actuelle fédération.]

Là encore, l’incorrigible « dynamiseur » qu’il était (le mot n’existe pas mais il rend bien compte de son état d’esprit) est parvenu à mettre en place plusieurs structures dépassant le cadre du pays viganais, à commencer par un rapprochement avec l’Écosse. Son « Comité de réception des Écossais » fut par lui créé pour organiser des rencontres culturelles et sportives, et perdura pendant 45 ans.

Ce lien avec l’Écosse est, bien sûr, issu de son mariage avec Pat, écossaise d’origine, mais aussi de son travail mené dans le domaine des Civilisations de l’Antiquité classique. Il faut rappeler que Pierre était docteur en archéologie et que sa thèse, sous la direction du Professeur Michel Labrousse, avait pour titre
Recherches sur le Nord de la Grande Bretagne aux trois premiers siècles de notre ère.

Pierre Valette a rédigé deux textes accessibles à tous sur ce sujet : le premier est paru en 2001, édité par l’I.S.P.M. (l’Institut des Sciences du Patrimoine Méridional) pour faire découvrir une période méconnue de l’histoire écossaise, en faisant cheminer ses lecteurs (selon la formule de la dédicace qui m’était destinée) « sur les traces d’
Agricola, du Nord de l’Angleterre aux Hautes Terres d’Écosse ».

Pierre m’a fait l’honneur de me proposer la préface du second, édité cette fois par la FAHG, L’Écosse romaine du IIe au Ve siècle de notre ère. Cet ouvrage est le fruit d’un véritable prolongement de son travail universitaire. Pierre a en effet continué d’approfondir sa connaissance du sujet en se rendant régulièrement sur place et en se tenant précisément informé des avancées de la recherche locale.

Au fait, est-ce la résistance des Pictes, associés aux Scots et Attécotes, face aux Romains qui a séduit Pierre au point de l’attacher à ce pays d’Écosse ? L’important est que cet attachement nous a permis, par son « entremise », de découvrir ou de mieux connaître un autre aspect de l’Empire romain, bien différent de ce que fut l’établissement de la
Provincia (Narbonnaise puis Viennoise) dans notre région.

D’autres livres furent écrits par Pierre Valette, qui montrent bien son incessante activité d’écriture : citons entre autres, en 2007,
Les Pictes : les hommes peints du Nord et en 2008, De la préhistoire à l’histoire, en Pays Viganais (du Paléolithique Moyen au temps des Bénédictins), puis en 2011, avec Stéphane Marquis, Pierre sèche en Pays Viganais, domaine dans lequel il fut également très actif.

Chacun sait que Pierre Valette aimait écrire et prendre des photos ; il rédigea ainsi de nombreux articles de presse, avec illustrations photographiques, pour deux journaux régionaux essentiellement : le
Midi Libre, bien sûr, mais aussi, pour celui qui lui était sans doute plus « cher » du fait d’une plus grande proximité avec son lectorat : La Marseillaise (dont la parution est aujourd’hui totalement arrêtée).

Dans son désir de dynamiser le secteur au plan historique, Pierre a créé le « Club Histoire et Archéologie en pays Viganais », et par ce biais — au départ, en grande partie axé sur la reconnaissance de la voie antique des Rutènes — avait obtenu que le Centre culturel du Bourilhou soit un des lieux où puissent être données chaque année des conférences entrant dans le cadre, aujourd’hui bien connu, des « Journées de l’Antiquité ».

Si chacun, au Vigan, a perçu combien l’énergie de « Monsieur Valette » a fait croître le nombre des adhésions au Bourilhou, les autochtones ont-ils suffisamment considéré la chance qu’offraient lesdites « Journées » d’assister aux prestations de personnalités telles que Henry de Lumley et Jean Clottes, sur la préhistoire, de Luc Long, pour le buste de César, d’Alain Vernhet, à propos de la Graufesenque ? (Pour ne citer qu’eux !)

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C’est d’ailleurs dans ce cadre que j’ai pu — in extremis au regard du Covid19 — présenter une communication le 7 mars 2020, justement programmée pour évoquer un sujet qui nous avez captivé, Pierre et moi : la localisation du siège et de la bataille d’Alésia. Dix ans auparavant, Pierre avait proposé à Mme Danielle Porte, latiniste et professeur d’histoire romaine à la Sorbonne, de faire sa conférence sur « Alésia retrouvée ».

Pierre aimait le débat — quitte à parfois hausser le ton ! C’est en ce sens qu’il avait convié Mme Porte, accompagnée du vidéaste Jean-Pierre Picot, à venir défendre Chaux, un site jurassien qu’un archéologue de renom, André Berthier, désignait comme la véritable Alésia de César, et aussi dans cet état d’esprit que nous avons accepté, Pierre et moi, de nous rendre sur place, quatre jours pleins, pour étudier cette hypothèse.

Ce fut une suite de moments inoubliables, pendant lesquels j’ai pu apprécier le féru d’histoire et d‘archéologie que Pierre Valette était réellement ; il a, deux ou trois fois, « haussé le ton » pour dire et montrer les aspects positifs du site, en particulier l’un des murs cyclopéens de l’o
ppidum face auquel il s’est exclamé : « Ce mur pourrait bien être du VIIIe avant ! », et ceux sur lesquels il émettait de grandes réserves ...

Pierre connaissait parfaitement les lignes de défense romaines et il s’est formellement « inscrit en faux » devant un arrondi de murailles que l’on désignait comme une
clavicula, ingénieux système plaçant l’ennemi en position de faiblesse. Non … ça, il ne pouvait l’accepter … pas plus que les divers éléments (ou structures) présentés comme relevant « nécessairement » de la métropole religieuse des Mandubiens !

Moment inoubliable aussi lorsqu’on nous a emmenés sur la voie — dallée — du Pointat ; nous qui avions arpenté ensemble plus d’un chemin ancien en divers endroits de l’Occitanie, avons été confrontés à la pression des « suiveurs » d’A. Berthier pour abonder dans leur sens et confirmer que ce tronçon de voie pouvait avoir vu passer les légions de César et de Labienus, ce que nous n’avons ni pu ni voulu faire !

Il y aurait bien des souvenirs encore à rapporter pour rendre hommage à Pierre Valette. Je voudrais uniquement, pour ne rien laisser dans l’ombre, m’écarter un instant du domaine de l’histoire et rappeler que Pierre était aussi un bon instrumentiste ; il jouait de l’accordéon à touches de piano. C’est cet instrument (du même type que le mien, mais à clavier-boutons) qui, dans un premier temps, nous a rapprochés.

Pierre m’avait proposé, dès 1993, de recomposer le Trio d’Oc — qu’il avait fondé plusieurs années auparavant — dans le cadre d’un « atelier » du Bourilhou. Nous avons joué 22 ans ensemble pour des repas de nos aînés, pour le Téléthon, pour des « Thés dansants »… et pour le plaisir ! Pat, son épouse, en m’annonçant son décès, m’a dit que Pierre voulait que je vienne jouer, à ses obsèques, un morceau composé pour lui ... Cela n’a pu se faire. Et ses amis, ses confrères, ses collègues de la FAHG n’ont pas pu [dans le respect des actuelles mesures sanitaires] lui faire l’adieu auquel chacun a droit. Sache, Pierre, que nous le ferons, a posteriori bien sûr, mais avec une même intensité dans notre recueillement, dans nos pensées - voire dans nos prières (œcuméniques) - et dans le souvenir bien gravé en nous de celui que tu as intensément été.

N.B. : pour lire les hommages rendus sur le Vigan, aller sur le site :
http//lebourilhou.blogspot.fr

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Intervention de la FAHG au château de Brisis
Laeticia Gineste

Laeticia Gineste, est administratrice des châteaux de Brisis et de Portes. Elle s'occupe avec les différentes équipes de l'accueil de ces deux sites et de l'organisation des visites.

Elle est aide-soignante de profession. Originaire des Mages, Laeticia est aujourd'hui la gardienne des clefs du château de Brisis. Elle a un parcours de formation dans la pierre sèche, qui lui permet notamment d'encadrer de jeunes scouts l'été sur le camp chantier des Fous de la Sogne où elle est animatrice bénévole.

Résumé historique

Construit dès le XII° siècle, sur un bloc de roche qui lui sert de fondation, le château de Brisis, à Ponteils-et-Brésis (Gard) est un site troglodyte, édifié pour surveiller le carrefour entre deux grandes voies de communication, La Cézarenque et La Régordane. Il est composé d’un donjon médiéval entouré d’une enceinte.
XIIe siècle : La famille d’Hérail de Brisis, coseigneur de La Garde-Guérin (Prévencères, Lozère) s’y installe. XVIe siècle : La seigneurie devient une vicomté sous François Ier. XIXe siècle : Déserté puis vendu après la Révolution, il tombe en ruine.
Inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques, les éléments protégés sont l’enceinte, le donjon et la chapelle.

La Fédération d’archéologie et d’histoire du Gard (FAHG) défend le château.

« Rien n’aurait été possible si la fédération n’était pas venue pour nous aider », racontent les responsables de l’association. « Ce château représente un très grand intérêt », précise Frédéric Salle Lagarde, maire de Moussac, président de la fédération et administrateurs des châteaux de Brisis, Montalet, Allègre, Sabran et Bouquet, en observant l’édifice et le travail de la roche.

La Fédération regroupe aujourd’hui 50 associations et plus de 6000 bénévoles qui s’intéressent à l’archéologie, l’histoire, l’architecture vernaculaire au sens large du terme, leurs disciplines et leurs sciences auxiliaires et qui oeuvrent à leur développement, leur promotion et la préservation du patrimoine, fondé par son président d’honneur, le Docteur Pierre Valette.

La démarche de la FAHG étant d’aider au mieux, le propriétaire Jean de Brisis, dans le projet de restauration du château de Brisis, de faire profiter de leur réseau associatif, et surtout de leur expérience riche dans le domaine de la restauration, l’historique et l’animation de notre patrimoine et particulièrement pour ce qui nous concerne ici, nos châteaux. La première aide étant déjà d’informer des démarches administratives lourdes qui les attendent et la manière de les alléger au mieux.

Un cas unique au château de Brisis

Alexandre Pau concentre depuis des années ses recherches sur la castellologie. Il a consacré de nombreuses études à l’histoire du château et de la famille de Polignac (Haute-Loire) et le
castrum et la famille de Sabran (Gard). Depuis, il publie dans une collection appelée « Velay historique » éditée par les éditions du Roure. Alexandre Pau prépare en ce moment un ouvrage sur les châteaux de la Cèze où le château de Brisis ne fera pas défaut par la spécificité unique de la toiture de la tour carrée, une acrotère, seul exemple conservé à ce jour connu.

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Les archéologues se penchent sur le château de Brisis

Depuis maintenant deux ans, Lou Pingusson, étudiante en licence d’archéologie à Paris Sorbonne, poursuit son travail afin de percer les mystères du castrum primitif.

Avec Elisabeth Hébérard, Présidente du Groupe Alésien de Recherche Archéologie (GARA), membre de la FAHG.
Elle a analysé les différentes étapes de constructions du monument, et surtout l’intérêt architectural et archéologique du travail de la roche qui a été effectué dans ce château en partie troglodyte.

Les archéologues font le rapprochement avec d’autres sites. Tout d’abord, avec ce travail de la roche, de troglodyte, comme à l’abbaye de Saint-Roman près de Beaucaire, ou le château de Mandajors à Saint-Paul-La-Coste : « Mais au château de Brisis, on rencontre le même problème que sur de nombreux autres sites, il faut démêler l’écheveau des diverses occupations qui se sont succédées et superposées dans le temps. Les différentes campagnes de construction ont considérablement modifié l’aspect du rocher », précise l’étudiante en archéologie. Les recherches effectuées par Lou Pingusson permettent de confirmer le but de l’emplacement du château.

« Au carrefour de deux grands axes de communication, La Cézarenque et La Régordane, le
castrum primitif de Brisis est judicieusement placé et peut également servir de lieu de stockage avec sa grande cave semi-troglodyte », déclare l’étudiante en ajoutant : « Le château est construit sur un bloc de roche de schiste qui lui sert de fondation, un travail remarquable pour l’époque ».


Frontispice du M
echanica Hydraulicopneumatica
de Gaspard Schott. Coll. BNF.

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En 2019, l’association du château a décidé de créer un lien entre le monument et des études archéologiques à prévoir avec de nouveaux étudiants dont Lou sera la coordinatrice depuis Paris Sorbonne.

Parce que le château de Brisis est loin encore d’avoir tout dit !

Une cagnotte participative pour sauver le château de Brisis
Depuis quelques jours, l’association « Les Amis du Château de Brisis a lancé une souscription afin de stabiliser les ruines du monument, avec une cagnotte leetchi. Le moindre euro compte pour sauver cet édifice. Plus d’infos 
ICI.

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Patrimoine rural cévenol : choix du site et construction
Par Frédéric Dussaud

Frédéric Dussaud, le trésorier de la FAHG, est né à Alès la Saint-Valentin 1982. Il a grandi au château d'Aujac. Investit dans les associations pour la sauvegarde du patrimoine dès l'âge de 12 ans, il a fondé plusieurs associations dont ARAH (Association de Recherches Archéologiques et Historiques), « Les Amis du Château de Brisis » et plusieurs projets dont les Fous de la Sogne.

Il a publié plusieurs ouvrages aux Editions Lacour dont
Le château de Morangiès et ses seigneurs,  La Garde-Guérin, communauté et coseigneurie en GévaudanPour parler aux gens à la manière des autres !, Les Fous de la Sogne : ils bâtissent un château-fort et son village médiéval à Aujac.

« C’est un bruit que tu n’entends jamais.
Chaque jour, la montagne se secoue d’une pierre qui se détache et roule.
Frisson de la roche.
Hier, c’était un mur…
Ce matin, te voilà devant un trou de terre béant.
Tas de pierres au sol, comme la couverture trop courte d’un lit trop grand.
Une terrasse vient de s’écrouler, redonnant vie à la montagne. »

(Gilbert Léautier, « Le repaire du dernier cévenol », éditions Alcide, page 9).


Mécanisme du dos du Turc joueur d'échec de Van Kempelen – BNF.

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Qu’il s’agisse d’une terrasse, d’un moulin, d’une maison ou même d’un château, l’étape primordiale avant toute restauration, est de comprendre l’ouvrage, les raisons de son implantation à tel ou tel endroit. Répondre à cette interrogation « Pourquoi ici ? ».

Ensuite, vient une seconde question sur la structure du mur : « Comment est-il construit ? ».

Ce sont ces deux points qui permettent de connaître le motif de la détérioration d’une bâtisse ou d’un édifice quel qu’il soit.


Un choix privilégié : le site

De tout temps, le choix d’un site n’a jamais été fait de manière anodine. Autrefois, après avoir choisi leur lieu d’implantation, les bâtisseurs cévenols édifiaient leur bâtiment, le plus souvent dans le coin de la propriété, là où on ne pouvait rien cultiver.

Le bâtiment était construit sur des blocs de roches massifs qui leurs servaient de fondations. Les maisons cévenoles ainsi construites étaient solides et bien adaptées au climat parfois rude.

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L’intégration de la pente

On observe que les villages et hameaux en Cévennes sont globalement en contrebas d’une source et à mi-pente pour être abrités des vents. L’intégration de la pente dans la construction permet de bénéficier :

  • D’un accès de plein pied à différents niveaux.
  • D’une vue imprenable sur le « quartier ».
  • D’une bonne exposition au soleil, ce qui parait, surtout en hiver, aussi important que la nature du sol.


Valoriser les potentialités du site

Autrefois, les moyens réduits faisaient du choix du site, une question primordiale pour le paysan cévenol, car celui-ci ne gaspillait rien ! Une fois qu’il avait choisi son site, chaque élément ou caractéristique trouvait ainsi sa place et son utilisation. Car ici, seul celui qui sait valoriser au mieux les potentialités de ses terres peut survivre dans de tels lieux isolés.

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C’est pourquoi, il est important de travailler avec la logique du terrain. C’est une nécessité absolue. Avec acharnement et soin, on peut ainsi réinventer, à chaque fois, un savoir-faire transmis depuis des générations.

En Cévennes, le plus proche voisin est souvent à des kilomètres de marche à pied. Les terres autour des villages, celle des mas et des maisons d’habitations, devaient assurer le nécessaire. Les anciens ne pouvaient pas se permettre de négliger les richesses trouvées sur place. Une question de bons sens !

En Cévennes, on compose avec l’existant pour améliorer son quotidien. Car dans la construction traditionnelle, la nécessité de s’adapter aux particularités climatiques et géographiques obligent l’homme à devoir s’intégrer dans son site avec intelligence et humilité. Ce qui en fait d’ailleurs une expérience souvent séculaire des lieux.

Loin des voies de communication, les bâtisseurs cévenols dépendent des matières qu’ils trouvent dans la nature qui les entoure. En Cévennes, suivant le lieu, le sol contenait du gneiss, du quartz, du schiste, du granite, du grès et parfois même du calcaire. Les affleurements de roches sont souvent nombreux.

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Les matériaux

Dans les constructions traditionnelles cévenoles, lorsqu’elles sont réalisées avec des matériaux extraits sur place, bâties avec un même matériau et le même soin, les habitations, les dépendances et les aménagements extérieurs, sont la cohésion et la liaison entre les uns et les autres.

Ces matériaux utilisés ont un autre avantage. D’origine naturelle, ils possèdent des propriétés propres à toute matière organique.

C’est une structure irrégulière qui permet une grande souplesse d’assemblage, des teintes multiples et changeantes qui jouent avec la lumière et les saisons. Ainsi, les matériaux organiques garantissent aux constructions de s’intégrer harmonieusement et de vieillir en beauté.

La limite des matériaux à disposition demande aux constructeurs d’autrefois une bonne connaissance de l’ensemble de leurs propriétés afin de les utiliser suivant leurs qualités naturelles.

L’appareil et la qualité des pierres sont différents, suivant qu’il s’agit d’un mur de soutènement, d’un chaînage d’angle, d’une voûte, d’un linteau de porte ou de fenêtre. L’appareil doit correspondre obligatoirement à la tâche confiée et à la situation du site.

Tout l’art des anciens, c’était ça ! De savoir combiner savoir transmis et liberté novatrice pour bâtir suivant le besoin des ouvrages vraiment adaptés à chaque usage. L’architecture traditionnelle, qui peut sembler modeste à première vue, se révèle sous l’œil attentif riche en détail, surtout en enseignement.


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La construction et volumes du bâti

Les anciens cévenols construisaient sans architecte, souvent même sans maçon. Munis seulement de pelles, de pioches, de burins et de masses, ils utilisent ce qu’ils trouvent autour d’eux !
Les volumes du bâti sont adaptés au relief. Ils s’adossent à la roche pour y trouver stabilité et protection contre le vent.
Ainsi, pierre par pierre, ils édifient un espace protégé, des constructions simples mais évolutives.

Sortis de la terre, les constructions se prolongent, se traduisent et s’embellissent, pour redevenir ce qu’elles étaient, du paysage. Des formes simples et évolutives, sur la base d’un module simple, permettent aux constructeurs de développer une architecture particulière et variée à la fois.

L’architecture est d’une évolution surprenante et peut-être utilisée de multiples façons.Bâtie avec créativité et dans le respect de quelques règles de base, elle s’adapte avec souplesse et élégance à toutes les transformations, à tous les reliefs.

Les volumes du bâti se greffent dans la continuité préexistante du site.Dans une infinité de variations, les constructions sont adoucies par des terrasses, épaulées par des appentis, liés entre eux par des jeux d’escaliers, enrichis par des éléments caractéristiques pensés, permettant à chaque construction un visage différent.

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Caractéristiques et structures des villages cévenols

En Cévennes, la caractéristique des villages et hameaux entre dans un type précis d’habitat dispersé. Il s’inscrit dans un schéma d’urbanisation élaboré dont on note trois structures :
Le village à deux pôles qui sépare volontairement de quelques mètres la vie sociale de la vie privée. Le village-rue, est la structure la plus employée. Il s’agit d’un alignement et d’une continuité des façades principales des bâtiments sur une rue principale. Des passages couverts semi privatifs donnent accès aux façades arrières, sur les jardins. Cette structure permet en autre l’installation de commences sur une rue principale, facilitant ainsi l’économie des villages.

Le hameau concentré est un type de structure qui juxtapose les bâtiments agricoles avec les maisons d’habitations d’un même hameau ou village, le tout relié par des cours et de petites ruelles.

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Les constructions en pierre sèches

La richesse des aménagements extérieurs contribue à la qualité architecturale de l’ensemble. Les trois éléments majeurs qui les caractérisent sont les faïsses ou terrasses, les escaliers et les treilles.

En Cévennes, les terres cultivables étaient autrefois rares, car menacées par l’érosion et les violents orages. C’est de cette cause, pour garder la terre, que l’on s’est mis à construire des terrasses.

Ainsi, minutieusement mais surtout laborieusement, toutes les pierres du terrain étaient ramassées pour être ensuite bâties à sec, sans aucun liant. Elles étaient alors toutes alignées formant souvent des kilomètres de murs dont il aura fallu des générations, de femmes et d’hommes, pour les élever.

Objet de toutes les attentions, les potentialités du site sont valorisées au maximum, et par nécessité, et pour préserver un équilibre dans une harmonie d’ensemble.

Partout des escaliers, de petites murettes ou de grandes murailles en pierres sèches qui, tiennent, soutiennent le terrain. Des treilles, des murs, bref ! Une nature réinventée à chaque fois, et à tel point que parfois, on ne sait plus ce qui est naturel ou pas…

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Enfin, nous ne pouvions pas évoquer les Cévennes sans un petit clin d’œil à ses célèbres châtaignes.

Issue d'une famille de castanéiculteur, Emilie Peyric représente la 11éme génération à travailler sur ces terres. Depuis 2012, elle a repris l'exploitation familiale en continuant le travail lié au fruit emblématique des Cévennes : la châtaigne.

Elle récolte et transforme la châtaigne et accueille toute l'année les personnes souhaitant découvrir son activité avec transmission du savoir-faire concernant l'arbre à pain des Cévennes.
 
La Clède est située dans la haute vallée de la Cèze, dans le hameau les Bouschets. Le hameau est perché à flanc de montagne (600 m), face au Mont Lozère avec des maisons construites sur les roches affleurant es afin de préserver les parcelles cultivables.

Autour du hameau, vous pourrez voir les ouvrages en terrasses édifiés par des générations de paysans pour retenir la terre facilitant ainsi la culture du châtaignier, du mûrier, de la vigne, des céréales. Il subsiste dans ce hameau deux vestiges de ce monde oublié : la « Clède » Peyric et le rucher traditionnel.

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Vous y trouverez en vente directe sur l'exploitation, les produits à base de châtaigne : confiture de châtaigne, farine de châtaigne, châtaignes séchées, ...
 
Contact : Emilie PEYRIC
La Clède Peyric
Les Bouschets
Route de Bonnevaux
30450 AUJAC

Courriel : 
lacledepeyric.aujac@nordnet.fr
Site : 
laclede.aujac.free.fr



Crédits photographiques : la FAHG