Passions
Mai 2020


Jacqueline Queneau : mon rêve de château …


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Jacqueline Queneau est née le 23 avril 1947 à Paris. Après des études de gestion et de fiscalité, elle poursuit des études de Sociologie à Paris VIII-Vincennes, et parallèlement, suit en auditeur libre les cours d'Histoire de l'Art de l’École du Louvre. Quelques années plus tard elle s’inscrit à différents séminaires de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris.

Elle participe en Bourgogne, pendant près de 20 ans, à différentes manifestations liées au patrimoine historique et culturel de la région.

Déléguée Générale au Tricentenaire de Bussy-Rabutin en 1993, elle organise dans le cadre du château de Bussy-Rabutin (monument d'État), avec l'association des Amis de Bussy-Rabutin dont elle sera Vice-Présidente, et la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, de nombreuses manifestations (Exposition de costumes de la Comédie Française créés par Suzanne Lalique, reconstitution des cuisines du château, concerts, représentations théâtrales, colloque international, programme pédagogique avec les scolaires, mail-art, etc).

Elle a créé et préside l'association « Les routes de Mme de Sévigné », et a été nommée en 1996 Déléguée Générale pour la Région Bourgogne au Tricentenaire de Mme de Sévigné.

Depuis quelques années Jacqueline Queneau se consacre à l'écriture de nombreux ouvrages :
L’art de vivre au temps de Madame de Sévigné (Éditions Nil), Mémoires gourmandes de Madame de Sévigné, Les promenades de Chateaubriand, Les promenades de Frédéric Chopin, La France au temps des libertins, en collaboration avec Jean-Yves Patte (Éditions Le Chêne), puis La cuisine au feu de bois, L’art de la table côté brocante et La grande histoire des arts de la table (Éditions Aubanel), et participe au livre consacré aux photos de Luc Fournol intitulé Les Puces de Paris -Saint-Ouen aux Éditions du Mécène. Elle a publié aux Éditions La Martinière La Porcelaine signée Raynaud, a participé aux recherches et à l’écriture du livre de Marc Porthault, Mémoires de blanc aux Éditions Monza et Comment recevoir à la française aux Éditions de La Martinière.

Elle donne également des conférences sur les thèmes de ses différents livres, Frédéric Chopin, René de Châteaubriand, Madame de Sévigné, ainsi que sur les arts de la table, l’art de recevoir à la française, et sur l’histoire de la gastronomie du Moyen Âge à nos jours. Trois ans de suite elle est allée au Liban pour donner des cours de savoir-vivre, et sur l’art de recevoir à la française pour les clients de la maison Hermès à Moscou. En 2018, elle a collaboré avec les châteaux de Champs-sur-Marne, La Motte Tilly, Azay-le-Rideau, où elle a reconstitué différents décors de table. Elle a également fait des recherches pour l’Hôtel de la Marine à Paris. Elle participe parfois aux émissions de Stéphane Bern.

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Du plus loin que je me souvienne, j’ai rêvé de vivre un jour dans un château. J’ai 73 ans et je n’ai pas réalisé mon rêve.
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Qu’importe, ce rêve inaccompli fut pour moi un moteur. Il me fit prendre des chemins détournés, faire des choix esthétiques imprévus, acheter des maisons atypiques. Je fus un temps brocanteuse et je me mis à lire tous les livres d’histoire de l’art qui passaient près de moi. Mais ce fut naturellement l’histoire, avec un grand H, qui très vite me passionna. Comment comprendre l’évolution de l’architecture, du mobilier et des objets, sans connaître leur contexte historique ?

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Puis on me demanda, au sein d’une Société d’Amis, de participer à l’animation du château de Bussy-Rabutin en Bourgogne. Je lu tous les livres traitant du château et de son illustre propriétaire Roger de Rabutin. Puis ce fut sa cousine, Madame de Sévigné. Et là je plongeais et avec un ami nous écriviment deux livres sur la célèbre marquise. En me promenant à Carnavalet, à Grignan, j’avais l’impression de mettre mes pas dans les siens. Les livres suivant m’emmenèrent sur les pas de Chopin et Châteaubriand. Là encore, lors de nos visites des maisons, des châteaux qu’ils avaient hantés, partout, avide, je humais leur présence. Depuis, j’ai la chance de travailler dans des châteaux du CMN. On me demande d’y organiser des expositions de tables, et à chaque fois je savoure le privilège qui m’est donné de pénétrer dans l’intimité de ces monuments. Entre deux mises en place, je peux y flâner, passer, repasser autant de fois qu’il m’est nécessaire pour appréhender tel détail, m’imprégner de telle ambiance. Ma quête est inextinguible.

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Un temps, je faillis acheter un château Renaissance totalement en ruine, mais dont les communs auraient pu nous accueillir. Je plaidais ma cause auprès du propriétaire qui le laissait à l’abandon. Il refusa au prétexte qu’un bien de famille ne se vend pas… mais on peut néanmoins le laisser aller à la ruine. Je courus à la DRAC plaider la cause de ce monument, mais le responsable des Monuments Historiques me répondit : « Il y a longtemps que j’ai admis que de mon vivant je verrai des châteaux disparaître... » J’abandonnais là mon rêve. Je ne finirai donc pas ma vie dans un château mais dans une simple maison de la fin du XVIIIe siècle, juchée sur les remparts de ma ville.

Néanmoins, ma passion est toujours aussi vive. Lorsque je visite une demeure historique, je décortique sa façade, je scrute ses transformations dans l’assemblage de ses pierres, dans ses lézardes. Dès l’entrée, je suis aux aguets tel un prospecteur, un archéologue.

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Tout fait sens. Le moindre détail, meubles, objets, aménagements, me questionnent, tant j’aimerais retrouver l’aube du bâtiment. Tous ces châteaux sont notre histoire, ils sont notre patrimoine à tous, même si nous n’en serons jamais usufruitiers. Je les aime, je les respecte, et soutiens tous les propriétaires qui font tant d’efforts pour les sauvegarder.

Parfois, je remonte le temps et tente de savoir d’où me vient cette passion. Je crois avoir trouvé. Une photo, une simple photo, semble avoir déclenché ma passion. On est dans les années 1930. Une jeune fille en jupe plissée blanche, chemisier blanc, chaussures blanches, un bouquet à la main, prend la pose devant un château corrézien. C’est la nurse. C’est ma mère.

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Cette photo, dont j’ai fait depuis mon ex-libris, était fièrement épinglée au mur chez mes grands-parents. Je la voyais à chaque fois que j’allais chez eux et je rêvais devant.

Comme Pagnol, j’aurais pu écrire
Le château de ma mère, tant cette photo a déterminé ma vie, l’a rendue fertile, foisonnante, emplie de beauté et de culture.
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Crédits photographiques : Jacqueline Queneau