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Octobre 2020


Le musée départemental d'art religieux de Sées

Servanne Desmoulins-Hémery


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Attachée principale de conservation du patrimoine à la Direction des archives et du patrimoine culturel de l’Orne, Servanne Desmoulins-Hémery y occupe les fonctions de cheffe de la mission patrimoine et musées. Elle est également conservatrice des antiquités et objets d’art et membre de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture. Particulièrement sensible à la conservation et la médiation du patrimoine religieux, elle a entre autres dirigé la publication en 2006 des actes des journées d’étude d’Alençon, Regards sur les églises de France. Lieux de culte, lieux de culture (Actes Sud / ACAOAF) et pris part à des colloques sur le devenir des églises. Sur la thématique des musées d’art religieux, elle a publié « Exposer le sacré – points de vue de conservateurs » dans la revue Arts sacrés (n°13, septembre-octobre 2011). Elle est membre du conseil scientifique de l’Institut Pèlerin du patrimoine.


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Situé au cœur du quartier cathédral de Sées, dans l’Orne, le musée départemental d’art religieux présente au public depuis presque cinquante ans une sélection d’œuvres reflétant la richesse et la diversité du patrimoine religieux. Il accueille des collections de peinture, sculpture, orfèvrerie, menuiserie et paramentique datant de l’époque romane jusqu’à nos jours.

Historique

L’acte fondateur remonte à 1964. Le conservateur des antiquités et objets d’art organisa une exposition intitulée « Huit siècles d’art sacré dans l’Orne » qui attira l’attention du public et des autorités civiles sur les problèmes que posait la conservation de ce patrimoine alors très menacé par les aménagements liturgiques consécutifs au concile Vatican II. C’est dans ce contexte que le préfet et le Conseil général initièrent une politique ambitieuse et novatrice en faveur du patrimoine religieux, concrétisée entre autres par l’ouverture en 1972 dans une maison canoniale du XIVe siècle, modifiée au XVIIe siècle, d’un musée départemental destiné à rassembler et présenter au public les objets ne pouvant être conservés
in situ pour des raisons de sécurité.

Chasse de Saint-Evrould

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Les collections

Par l’ancienneté, la diversité et la qualité des œuvres qu’il conserve le musée figure parmi les plus riches collections publiques de l’Orne et bénéficie du label Musée de France.

Le noyau constitutif des collections est le fonds du musée diocésain, la cathédrale ne comportant pas de trésor. Il se composé de l’ensemble cédé à Monseigneur Pasquet, évêque de Séez, par l’abbé Goblet, curé de Saint-Jean-de-la-Forêt de 1898 à 1929, qui avait rassemblé dans son presbytère percheron des œuvres dont la conservation était menacée. Enrichi de nouvelles pièces déposées par des membres du clergé, il fut l’objet d’une convention de dépôt en 1969 entre l’association diocésaine et le Département. Ce dépôt a été consenti pour une durée de 99 ans. La collection comprenait alors 35 tableaux, 21 sculptures, 52 pièces d’orfèvrerie et plus de deux cents ornements et objets divers.

Le second ensemble, en nombre et en intérêt, est constitué par la collection de la Société historique et archéologique de l’Orne. Elle comprend une cinquantaine d’œuvres dont l’une des deux Vierges romanes conservées dans l’Orne. Ce fonds a été réuni par la société grâce aux dons de ses sociétaires. Il a fait l’objet d’un dépôt dont l’on peut également présumer qu’il est appelé à se pérenniser, la Société historique et archéologique de l’Orne ayant concurremment déposé ses archives et ses collections archéologiques aux Archives départementales

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Les œuvres en dépôt constituent l’essentiel des collections ce qui répond parfaitement aux motivations de la création du musée. Le contrat de dépôt qui prévoit les obligations respectives des partenaires est révocable à tout moment, l’œuvre n’est pas désaffectée cultuellement et peut être sortie temporairement pour une cérémonie. Le musée enrichit par ailleurs ses collections propres par des modes d’acquisition divers (dons, legs et achats).

Parmi les œuvres majeures : les châsses reliquaires en argent de l’ancienne abbaye de Saint-Evroult (XIIe siècle), le peigne liturgique en ivoire de saint Thomas Becket (XIIe siècle), la chasuble en soie et velours brodés dite de Carrouges (XVe et XVIIe siècles), un calice et un ciboire en verre ayant servi au culte clandestin pendant la Révolution. Quelques œuvres insignes côtoient donc des collections d’une qualité inégale mais très représentatives dans leur diversité et leur répartition chronologique du patrimoine religieux ornais in situ. Ces collections couvrent également l’ensemble du champ des objets religieux puisque presque tous les types d’objets sont présents.

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La présentation des œuvres

Renouvelée en 1992 avec des moyens modestes, la présentation des œuvres dans les salles est dénuée de fioritures, voire minimaliste. Cette sobriété, commandée par la nécessité, correspond également au souhait de conserver aux œuvres leur sens premier de témoignage de foi.

Le souci de présenter un nombre satisfaisant d’œuvres a conduit à une saturation des espaces d’exposition structurés selon un parcours chronologique : Moyen âge et Renaissance, Contre-réforme, XIXe – XXe siècles. L’exiguïté des locaux ménage toutefois la possibilité de lectures thématiques des collections et offre au visiteur une réelle proximité avec les œuvres.

Pour les visites libres, une numérotation discrète des œuvres correspondant à un guide sommaire des collections supplée aux cartels habituellement employés. Mais les visites se font de préférence sur le mode d’une visite accompagnée et commentée avec un discours centré sur l’évolution de l’église catholique et sa traduction dans les mentalités et l’iconographie. Il s’agit ici de rendre sensible au visiteur le sens de ce qu’il voit et de lui donner des clés pour la découverte des églises ornaises.
Peigne liturgique en ivoire de saint Thomas Becket
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Une ambition en suspens

Exigüité des lieux, choix muséographique opéré « par défaut », plus cumulatif que réfléchi, rendant aléatoire la mise en relation des œuvres, difficultés d’accessibilité, faible fréquentation : dans sa forme actuelle, le musée n’a pas d’avenir. Un projet scientifique et culturel a été élaboré, centrant son propos sur le legs matériel du catholicisme sur un territoire pour faire du musée un véritable outil d’interprétation du patrimoine religieux
in situ. Le parcours s’articulerait autour de la notion de temps rythmé par l’Eglise dans l’Occident chrétien (temps liturgique, temps de l’homme, temps de l’histoire) en combinant œuvres d’art, documents d’archives et multimedia. Ce projet, toujours en chantier, ne peut se déployer que dans le cadre d’un transfert dans un autre lieu, offrant des espaces suffisants. Les contraintes budgétaires actuelles tant de l’Etat que des collectivités territoriales ne permettent pas d’imaginer une solution rapide. Elles n’interdisent pas cependant d’espérer la mise en œuvre progressive d’un nouveau musée, plus modeste que celui que nous avions rêvé, mais aussi ambitieux dans son propos.

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En attendant ces jours meilleurs, la mise en œuvre du projet scientifique et culturel sous forme numérique a été décidée. Ce musée en ligne pourrait prendre la forme d’un véritable « site portail » vers l’ensemble du patrimoine religieux ornais. Très éditorialisé, il bénéficiera d’un parti muséographique et s’appuiera sur des images numériques de haute qualité (en 3D ou à 360° pour certaines œuvres) et des vidéos. Il offrira régulièrement des expositions dématérialisées. Le site sera bilingue français (langage clair) / anglais. Le discours sera illustré par des références ornaises, qu’elles soient présentes dans les collections ou hors les murs. En effet, le musée doit conserver des liens étroits avec le patrimoine in situ, en gardant comme objectif de donner les clefs de compréhension pour l’appropriation par tous du patrimoine religieux. La composante de médiation du patrimoine religieux reste donc majeure dans ce projet dont le caractère innovant lui vaut d’être suivi avec attention par le Service des musées de France. Rendez-vous pour la mise en ligne en décembre 2021 !

Informations pratiques
Place du général de Gaulle 61500 SEES
Tél : 02 33 81 23 00
archives@orne.fr
Site web.

Crédits Photographiques
Portrait : Servanne Desmoulin-Hémery
Photo 1-3-4-5-6 :Musée de Sée
Photo 2 : j-e Rubio-CD61-2019 (107).