L'art et la manière
Mars 2020


Louis-Guillaume Piéchaud : orfèvre liturgique


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Artiste et artisan, Louis-Guillaume Piéchaud perpétue une longue tradition familiale. Dans leur atelier, son père et son grand-père lui ont enseigné, sept années durant, la précision du geste et l’amour de la matière.

Sculpture, modelage, céramique, orfèvrerie, émaux … il s’initie aux disciplines les plus variées. Mais c’est le travail des métaux qui, très tôt, exalte sa sensibilité. En 1999, Louis-Guillaume Piéchaud fonde son propre atelier d’orfèvrerie, avec l’art liturgique comme spécialité. Marteaux, échoppes, burins, ciselets, triboulets … les outils d’orfèvre ont traversé les siècles. Traits d’union entre l’artiste et la matière, ils requièrent depuis l’origine les mêmes gestes, la même dextérité minutieuse. Qu’il forme une coupe, sertisse une pierre, émaille, grave, polisse ou brase, Louis-Guillaume Piéchaud rend quotidiennement hommage à des savoir-faire multiséculaires.

Si l’art du moyen âge influence indéniablement son œuvre, Louis-Guillaume Piéchaud est avant tout un orfèvre de son temps. Son style marie avec élégance tradition et modernité.

Rencontre avec un des derniers orfèvres en art liturgique.

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La Gazette du Patrimoine : En quoi consiste exactement votre métier ?

Louis-Guillaume Piéchaud : L’atelier réalise depuis 4 générations des pièces d’orfèvrerie destinées au culte catholique. Cela va des ciboires en passant passant par les reliquaires, jusqu’aux crosses d’Évêque. Nous réalisons également en « série » des croix, des médailles et des petits objets qui sont proposés à la vente dans les boutiques des monastères et des lieux de pèlerinages. C’est cette activité qui permet d’assurer les charges, car les pièces d’exception étant fort longues à réaliser il nous faut une activité plus « grand public ». Enfin, la restauration de pièces anciennes fait également partie de mon activité.

La Gazette du Patrimoine : Combien êtes-vous à l’exercer en France ?

Louis-Guillaume Piéchaud : S’il reste encore quelques artisans orfèvres, nous sommes moins de cinq à réaliser des pièces d’orfèvrerie liturgique d’exception.

La Gazette du Patrimoine : Quelles sont les principales qualités qu’il faut avoir pour faire ce que vous faites ?

Louis-Guillaume Piéchaud : La minutie et la patience sont sans conteste les qualités principales pour exercer ce métier, mais il faut également une bonne dose de créativité et l’amour du travail bien fait.

La Gazette du Patrimoine : Vous reproduisez des gestes multi-centenaires. Cela vous arrive-t-il de vous dire qu’il y a cinq cents ans quelqu’un faisait exactement la même chose que vous, ou êtes-vous résolument tourné vers l’avenir ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Je suis très respectueux du travail effectué depuis des centaines d’années par ceux qui m’ont précédé. Et oui, c’est très émouvant de ce dire que l’on reproduit le même geste qu’un artisan du Moyen Âge. Si j’utilise des outils à la pointe de la technologie, j’utilise également des outils identiques à ceux que l’on utilisait il y a cinq cents ans. Certains gestes sont bien évidemment toujours les mêmes et c’est à la fois une charge et une fierté de les reproduire. Cela dit, je ne vis pas dans le passé pour autant, puisque la création est toujours résolument tournée vers l’avenir, tout en y intégrant les gestes du passé.

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La Gazette du Patrimoine : Votre entreprise fête ses 70 cette année, vous êtes donc la 4e génération. N’est-ce pas une lourde responsabilité de pérenniser un tel savoir-faire ?

Louis-Guillaume Piéchaud : L’atelier, c’est plus de 100 ans d’archives, de créations, alors oui, c’est une très lourde responsabilité. Porter sur ses épaules la transmission des savoir-faire et du succès d’une entreprise n’est pas chose facile, car il faut se réinventer, tout en pérennisant l’existant. Je mets un point d’honneur d’essayer d’être toujours à la hauteur.

La Gazette du Patrimoine : Quelle est la recette de longévité ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Par rapport à la partie pièces en séries, nous exploitons 330 modèles, qui nous ont permis de traverser les époques. Toutes sont inspirées de l’art médiéval. D’ailleurs, il n’est pas rare que des grands-parents me contactent pour me commander la même croix qu’ils avaient reçu pour leur 1ère communion pour celle de leurs petits-enfants. Je pense que la tradition familiale et la transmission, sont des facteurs important de la longévité de notre entreprise.

La Gazette du Patrimoine : Qui sont vos vos clients ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Les Diocèses, les Évêques, les paroisses, les communautés religieuses pour les pièces d’exception et bien entendu, les particuliers pour les petites pièces réalisées en série.

La Gazette du Patrimoine : À l’ère du jetable et de l’ultra consommation, n’est-ce pas difficile de faire des pièces uniques et d’exception ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Non, pas pour moi. Autant pour la partie pièces de série c’est très dur car il est difficile pour un commerçant d’expliquer la différence de prix d’une croix en résine fabriquée en chine qu’il propose à 30 euros et la nôtre recouverte d’émaux, qui sera proposée au prix de 100 euros. En revanche, pour les pièces uniques, la question de prix n’est pas vraiment un problème. Les commandes sont d’ailleurs de plus en plus importantes et l’on vient me chercher de plus en plus loin.

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La Gazette du Patrimoine : La flambée des prix de l’or et de l’argent n’a-t-elle pas impacté vos commandes ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Pas d’impact pour l’argent. Sur une création de calice, l’augmentation sensible ne se fait pas trop ressentir. Pour l’or, c’est autre chose. C’est un vrai problème, essentiellement pour la partie restauration. Avant, toutes les semaines, des pièces que je restaurais partaient chez le doreur. Depuis la flambée des prix, il y a très peu de restauration et c’est une catastrophe pour le patrimoine, car certaines pièces qui auraient vraiment besoin de « soins », vont être condamnés. En ce qui concerne la création, la flambée de l’or n’a rien changé, car lorsqu’il s’agit de pièces d’exception, le prix n’est pas le principal sujet.

La Gazette du Patrimoine : D’ailleurs, en parlant d’exception quelle fut la pièce la plus exceptionnelle qui vous a été donné de réaliser ?

Louis Guillaume Piéchaud : C’est difficile à dire car elles ont toute leur importance. Mais ça dépend aussi de la qualité de l’échange avec le client. J’ai plus de de souvenirs concernant des échanges exceptionnels que pour une pièce en particulier.

La Gazette du Patrimoine : Le fait d’exercer en province un métier comme le vôtre n’est pas un handicap ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Pas du tout, car mon activité est très confidentielle et donc les clients viennent me voir de très loin sans aucun problème. Je n’ai d’ailleurs même pas de boutique. Et puis vous imaginez ce que me coûterait 350 m2 d’atelier à Paris ? Non, vraiment, je suis un artisan de province et fier de l’être.

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La Gazette du Patrimoine : Vous formez régulièrement des jeunes. Vous faites donc partie de ceux qui croient en l’avenir des savoir-faire d’exception ?

Louis-Guillaume Piéchaud : J’aimerai en former plus. J’ai souvent des stagiaires, surtout venant des écoles de bijouterie, car en orfèvrerie, qu’une seule formation avec seulement deux orfèvres diplômés par an. Il y a hélas un appauvrissement de l’enseignement, c’est une certitude.

Les savoir-faire d’exception se perdent un peu plus chaque jour. Le Ministère de l’économie a pourtant créé le label « EPV » (Entreprise du Patrimoine Vivant), justement pour « protéger » les savoir-faire d’exception, mais cela ne sert pas à grand-chose. A part peut-être à servir des petits fours lors des réunions organisées, mais ce label ne nous apporte aucune aide en cas de problème.

Je fais travailler le dernier lapidaire de France. Il est proche de la retraite et ne peut pas prendre d’apprenti car il ne rentre dans les cases ce qui est une tragédie. Car il travaille pour les plus grandes maisons françaises et une fois qu’il n’exercera plus, comment ferons pour faire tailler nos pierres, c’est une grande question.


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La Gazette du Patrimoine : Quel est votre plus beau souvenir professionnel ?

Louis-Guillaume Piéchaud :
Quand j’ai réussi à convaincre un client de faire un calice en cristal de roche ou alors quand j’ai refait la porte d’un tabernacle qui avait été arraché et que tout le monde a cru que la porte n’avait jamais disparu.

La Gazette du Patrimoine : Et quel est le pire ?

Louis-Guillaume Piéchaud : un ensemble de petites choses en fait ; comme passer deux jours sur une pièce et la percer à l’envers. Sinon, un des plus mauvais souvenir est lorsqu’une communauté religieuse m’avait commandé du mobilier, et qu’entre temps, elle a été remerciée. C’est donc une autre communauté qui a réceptionné ce mobilier, alors qu’elle ne l’avait pas choisi. J’ai été payé pour ce travail, mais cela m’a beaucoup affecté.

La Gazette du Patrimoine : Que ressentez-vous lorsque qu’une pièce exceptionnelle sur laquelle vous avez travaillé plusieurs mois quitte votre atelier ?

Louis-Guillaume Piéchaud 
: Je suis toujours très pressé de m’en débarrasser, je n’ai plus envie de la voir, car lorsqu’on travaille à la fabrication d’objets liturgiques on a hâte que l’objet soit remis à son commanditaire et qu’il serve au culte.

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La Gazette du Patrimoine : Comment vous imaginez-vous dans 30 ans pour les 100 ans de l’entreprise familiale ?

Louis-Guillaume Piéchaud : Je ne serai plus spécialement frais, j’espère que j’aurai pu transmettre un savoir faire et une histoire.

La Gazette du Patrimoine : D’ailleurs, vos enfants souhaitent-ils eux aussi poursuivre l’aventure familiale ? J’ai un de mes fils qui veut être orfèvre, mais pour le moment il a 7 ans donc il a le temps de changer d’avis. Moi qui suis très respectueux du passé cela me ferait de la peine si aucun de mes enfants ne prenait ma suite, mais ils feront ce qu’ils voudront. Qui vivra verra…

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Crédits photographiques : Louis-Guillaume Piéchaud