Place des grands hommes
Mars 2020
Les fondateurs de LU prochainement mis à l'honneur
au Château de Nantes
Maxime Corré


Alors que bon nombre de gourmands associent à l’acronyme « LU » les fameux biscuits comme la paille d’or, le petit écolier ou encore le petit beurre, peu savent ce qui se cache derrière ces deux lettres emblématiques. LU équivaut à l’acronyme du nom de ses deux fondateurs : Jean-Romain Lefèvre et Pauline-Isabelle Utile. Mais LU, ce n’est pas seulement cela.

Nantes au XIXème siècle, ville industrielle et marchande
Durant la moitié du XIXème siècle, au moment où naît la maison de pâtisserie Lefèvre-Utile (LU), les biscuits ne sont pas une chose commune. Réservés aux castes favorisées qui peuvent se les permettre, il faudra attendre plusieurs décennies avant que les précieux gâteaux se démocratisent. Il faut dire qu’à l’époque, les choses sont bien différentes. Le XIXème siècle est une période particulière en France. Sur les mers, l’Angleterre affirme une présence forte et répressive. Cette hégémonie militaire confère à l’empire Britannique d’autres atouts, davantage économiques. Grâce au réseau élargi de ses colonies, la Grande-Bretagne exporte des produits manufacturés en échange de denrées exotiques, chères et peu répandues en Europe.

Malgré son élan créateur, LU ne sera pas seul à profiter de cet acheminement de marchandises. D’autres manufactures naîtront à cette période dans le paysage industriel comme BN, Ducasse ou Saint-Michel.

Rien ne prédestinait la petite affaire familiale à connaître l’essor qu’on lui attribue aujourd’hui. En 1846, alors âgé de 27 ans, Jean-Romain Lefèvre est embauché dans la petite pâtisserie d’un quartier commerçant du centre-ville de Nantes. Quatre ans durant, il se perfectionne au métier de pâtissier. Désireux de gagner son indépendance, il rachète avec sa femme le commerce en 1850. C’est officiellement que se constitue l’entreprise LU. Les débuts de l’affaire sont modestes. Les produits sont vendus en vrac dans une arrière-cour. Très vite cependant, les clients affluent, ce qui oblige le couple à investir dans un deuxième magasin. A l’Exposition industrielle de Nantes en 1882, Jean-Romain Lefèvre remporte la première place. Le risque et les efforts entrepris par le couple se voient alors récompensés.


L’entreprise amorce le début du XXème siècle sous les meilleurs auspices. De fait, LU propose à cette période un catalogue de plus de 200 recettes. LU connaîtra son apogée en 1900 lorsque la famille est invitée à participer à l’Exposition universelle à Paris. Parmi les autres exposants de l’époque, on retrouve d’illustres entrepreneurs comme Rudolf Diesel, venu présenter son moteur fonctionnant à l’huile d’arachide. Les frères Lumière sont aussi de la partie, tout comme Gustave Eiffel qui y dirige un comité spécial. Néanmoins, malgré la présence de ces sommités, c’est bel et bien Louis, fils d’un modeste couple de pâtissiers, qui obtiendra le Grand Prix.


C’est sous sa direction et sous son règne, que l’entreprise connut la gloire qu’on lui admet encore aujourd’hui. A l’échelle de Nantes, LU finit d’achever son empreinte en 1905 lorsqu’on commanda à l’architecte Auguste Bluysen, la construction de deux tours majestueuses, marquant l’entrée des usines. Bien qu’il n’en persiste qu’une seule aujourd’hui, tâchez de bien l’observer la prochaine-fois que vous y passerez, car à son sommet peut-être, remarquerez-vous un détail surprenant : une lanterne en forme de boîte à biscuit semble projeter un halo de lumière. Est-ce un mirage ou est-ce un feu de joie qui éclairerait le ciel de Nantes ? Peut-être est-ce seulement le fantôme mélancolique d’un ancien four à biscuits…

Crédits Photographiques : Château des ducs de Bretagne