Place des grands hommes
Mars 2020


Les fondateurs de LU prochainement mis à l'honneur
au Château de Nantes

Maxime Corré


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Maxime Corré est un jeune homme de 23 ans, pur jus du terroir nantais et breton. Passionné par le patrimoine et l'histoire, il a développé un intérêt prononcé pour les Hommes du passé. Il s’intéresse surtout à leur pratiques, leurs coutumes et à leur artisanat. Aujourd'hui jeune diplômé, il aimerait intégrer le milieu de la Culture dans sa région. 



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Du 04 avril 2020 au 03 janvier 2021, le Château des ducs de Bretagne consacrera ses espaces temporaires à une grande exposition sur LU. Revenant sur un siècle d’histoire et d’innovation, une partie des archives et des collections uniques, seront exposées au grand public. Dans le paysage industriel et culinaire, LU est un véritable pilier du patrimoine nantais.

Alors que bon nombre de gourmands associent à l’acronyme « LU » les fameux biscuits comme la paille d’or, le petit écolier ou encore le petit beurre, peu savent ce qui se cache derrière ces deux lettres emblématiques. LU équivaut à l’acronyme du nom de ses deux fondateurs : Jean-Romain Lefèvre et Pauline-Isabelle Utile. Mais LU, ce n’est pas seulement cela.

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LU, c’est aussi l’histoire fabuleuse d’un jeune couple venu de l’Est en 1847, ayant traversé la France avec ses recettes, pour s’installer à Nantes et y connaître la prospérité.

Nantes au XIXème siècle, ville industrielle et marchande

Durant la moitié du XIXème siècle, au moment où naît la maison de pâtisserie Lefèvre-Utile (LU), les biscuits ne sont pas une chose commune. Réservés aux castes favorisées qui peuvent se les permettre, il faudra attendre plusieurs décennies avant que les précieux gâteaux se démocratisent. Il faut dire qu’à l’époque, les choses sont bien différentes. Le XIXème siècle est une période particulière en France. Sur les mers, l’Angleterre affirme une présence forte et répressive. Cette hégémonie militaire confère à l’empire Britannique d’autres atouts, davantage économiques. Grâce au réseau élargi de ses colonies, la Grande-Bretagne exporte des produits manufacturés en échange de denrées exotiques, chères et peu répandues en Europe.
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Dans le port de Nantes, on retrouve des épices rares comme la cannelle, le clou de Girofle, la noix de coco, le chocolat ou encore la vanille ! Bien que coûteuses, ces denrées sont déjà utilisées par certaines manufactures comme LU. Une fois ces condiments achetés, les artisans n’ont plus qu’à se procurer les autres éléments de base pour leur préparation. Heureusement, les campagnes avoisinantes regorgent d’ingrédients comme la farine, les œufs ou le lait. D’une certaine manière, tous les éléments nécessaires à la fabrication des biscuits sont alors rassemblés dans un même lieu : Nantes.

Malgré son élan créateur, LU ne sera pas seul à profiter de cet acheminement de marchandises. D’autres manufactures naîtront à cette période dans le paysage industriel comme BN, Ducasse ou Saint-Michel.

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Une entreprise familiale, audacieuse et prospère

Rien ne prédestinait la petite affaire familiale à connaître l’essor qu’on lui attribue aujourd’hui. En 1846, alors âgé de 27 ans, Jean-Romain Lefèvre est embauché dans la petite pâtisserie d’un quartier commerçant du centre-ville de Nantes. Quatre ans durant, il se perfectionne au métier de pâtissier. Désireux de gagner son indépendance, il rachète avec sa femme le commerce en 1850. C’est officiellement que se constitue l’entreprise LU. Les débuts de l’affaire sont modestes. Les produits sont vendus en vrac dans une arrière-cour. Très vite cependant, les clients affluent, ce qui oblige le couple à investir dans un deuxième magasin. A l’Exposition industrielle de Nantes en 1882, Jean-Romain Lefèvre remporte la première place. Le risque et les efforts entrepris par le couple se voient alors récompensés.


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C’est dans ce cadre si particulier que naît et grandit Louis. Passionné et ambitieux, il comprend rapidement l’importance de développer l’affaire familiale. Il reprend l’activité de ses parents en 1883 et la propulse au premier rang. En 1885, LU se dote d’une nouvelle usine, située en face du château de Nantes, à proximité de la gare. Ce nouveau bâtiment, grand d’une superficie de 2000 mètres carrés est une révolution pour l’entreprise. Équipé de machines, proche des grands axes de communication, il symbolise à lui seul la modernité et le succès de la marque LU. Un an tout juste après l’acquisition des locaux, Louis Lefèvre-Utile développe une nouvelle recette qu’il appelle le « Petit-beurre ». Ainsi commence l’âge d’or de l’entreprise nantaise.

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Soucieux d’assurer une production toujours plus nombreuse et qualitative, Louis met en place un nouveau programme d’agrandissement. L’usine, déjà grande de 2000 mètres carrés se voit alors greffée de nouveaux espaces fonctionnels. Bureaux, laboratoires, écuries, hangars : tout est fait pour faciliter la vie de l’usine et accroître ainsi la productivité. En 1897, près de deux hectares sont consacrés à la production des biscuits LU, pour une production totale de 15 tonnes de biscuits par jour.

L’entreprise amorce le début du XXème siècle sous les meilleurs auspices. De fait, LU propose à cette période un catalogue de plus de 200 recettes. LU connaîtra son apogée en 1900 lorsque la famille est invitée à participer à l’Exposition universelle à Paris. Parmi les autres exposants de l’époque, on retrouve d’illustres entrepreneurs comme Rudolf Diesel, venu présenter son moteur fonctionnant à l’huile d’arachide. Les frères Lumière sont aussi de la partie, tout comme Gustave Eiffel qui y dirige un comité spécial. Néanmoins, malgré la présence de ces sommités, c’est bel et bien Louis, fils d’un modeste couple de pâtissiers, qui obtiendra le Grand Prix.

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L’histoire de LU ne s’arrête pas ici. Pourtant, c’est aux hommes mis de côtés que s’adresse cette rubrique et non pas aux entreprises que tout le monde estime. Au génie créatif des parents fondateurs, on peut associer le mérite et la vision teinte d’avant-gardisme propre au fils Lefèvre-Utile. Grâce à son souci du détail, à la constance et à la qualité de sa production, grâce à son sens de la communication et de la promotion, Louis Lefèvre-Utile a enrichi l’œuvre parentale de plusieurs atouts.

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C’est sous sa direction et sous son règne, que l’entreprise connut la gloire qu’on lui admet encore aujourd’hui. A l’échelle de Nantes, LU finit d’achever son empreinte en 1905 lorsqu’on commanda à l’architecte Auguste Bluysen, la construction de deux tours majestueuses, marquant l’entrée des usines. Bien qu’il n’en persiste qu’une seule aujourd’hui, tâchez de bien l’observer la prochaine-fois que vous y passerez, car à son sommet peut-être, remarquerez-vous un détail surprenant : une lanterne en forme de boîte à biscuit semble projeter un halo de lumière. Est-ce un mirage ou est-ce un feu de joie qui éclairerait le ciel de Nantes ? Peut-être est-ce seulement le fantôme mélancolique d’un ancien four à biscuits…

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Crédits Photographiques : Château des ducs de Bretagne