POINTS de vue
Février 2020


Président de l’association « Églises ouvertes Nord de France », Arras (Pas-de-Calais) ;
Président de l’association régionale « Campagnes vivantes » pour la valorisation du patrimoine rural (de 1998 à 2018) ;
Membre de la Commission diocésaine d’Art sacré pour le diocèse d’Arras, chargé de la valorisation du patrimoine religieux.

Les vols dans les églises sont plus fréquents que dans les musées qui abritent nombre d’œuvres provenant de nos églises. Ces dernières ne bénéficient pas des mêmes moyens de protection ou de sécurisation que les musées. Il faut néanmoins relativiser l’importance des vols. Sur plus de 44.000 églises en France, on constate 120 vols recensés en 2018. Nous savons cependant qu’un certain nombre de vols ne sont pas déclarés).
Les vols importants ont lieu la nuit. Une église fermée présente sans doute plus de chance pour le voleur de réussir son coup. De plus, on ne s’aperçoit pas tout de suite de la disparition des œuvres. Le risque zéro n’existe pas mais il est prouvé par les statistiques que les églises fermées font davantage l’objet de malveillance. J’ai donc répondu, je le crois, à la question posée, mais j’en profite pour rappeler certaines règles de bases pour éviter au maximum les actes malveillants.
Alors comment sécuriser une église ?
La meilleure façon est une présence humaine lorsque l’église est ouverte, mais ce n’est hélas pas possible dans de nombreux cas.
La plupart des églises ouvertes ne sont pas sous surveillance humaine permanente, mais il est possible de prendre des mesures qui réduisent fortement les risques de vols. Il faut d’abord appliquer des règles de bon sens qui ne sont malheureusement pas toujours respectées :
• Ne pas laisser de clefs cachées dans l’église, fermer à clef les portes des armoires des sacristies, ainsi que la porte de la sacristie. Si celle-ci possède un accès depuis l’extérieur, le sécuriser avec une serrure trois points ou un système de barre transversale.
• Ranger les objets liturgiques dans une armoire, ne pas laisser dans le chœur encensoir, seau à eau bénite, sonnette de chœur, petits chandeliers ou… le matériel de sono. Pour ce qui n'est plus utilisé ou ce qui ne l'est que très occasionnellement, demander l’avis de la Commission Diocésaine d’Art Sacré (CDAS).
• Ne pas laisser d’escabeau ou d’échelle dans l’église, ne pas laisser de poubelles sous un vitrail à l’extérieur, elle peut servir pour accéder à l’intérieur par le vitrail.
• Prendre des mesures pour sécuriser tableaux ou statues. Les placer en hauteur ne suffit pas il faut prévoir des fixations scellées au mur ou sur les socles. Eventuellement placer des systèmes d’alarme adaptés. Il est indispensable de s’entourer des avis des conservateurs départementaux ou régionaux de la DRAC qui connaissent les moyens de protection les mieux adaptés à la situation.
• Faire un état des lieux des objets, les décrire, les mesurer, les photographier : cela doit se faire en partenariat avec les CDAS et les conservateurs. Il nous est apparu important de ne pas se limiter aux seuls objets protégés au titre des MH.
• Fermer les accès inutiles des églises, fermer les églises la nuit et le cas échéant, ne pas oublier de brancher le système d'alarme.
• Sensibiliser les habitants des quartiers et du village à la protection de leur église : qu'ils n'hésitent pas à prévenir les services de police en cas de mouvements suspects de personnes ou de véhicules devant les lieux de culte, de nuit comme de jour.
• On peut équiper une partie de l’édifice d’une alarme, au moins la sacristie.
Si un vol est constaté : Il faut porter plainte tout de suite, soit au commissariat, soit à la gendarmerie et prévenir votre curé s’il n’est pas sur place, ainsi que le diocèse (CDAS). Il faut communiquer aux autorités les données reprises dans l'inventaire. Le vol n’est pas une fatalité, si l’on ne peut empêcher un vol organisé avec de gros moyens on peut néanmoins éviter de nombreux vols. Un des objectifs de la démarche est de ralentir au maximum l’action des voleurs.
Pour en savoir plus : Plusieurs guides conseils sont à notre disposition sur le web de l'UNESCO.
DRAC Picardie : Petit guide pour renforcer la sûreté des églises et des objets mobiliers qui y sont conservés
Ministère de la Culture : Gérer la sûreté et la sécurité des événements et sites culturels


Claude Vanneau
Maire de Lurcy-Lévis (Allier) ;
Engagé comme élu à la Chambre d’agriculture pendant 30 ans. ;
Vice-président de Moulins Communauté depuis 2017.

L'expérience que j'ai vécue l'an dernier à Lurcy-Lévis prouve que fermer ne sert à rien. L'église a été cambriolée par des professionnels en deux fois. La première fois, sans doute dérangés, ils n'ont pu aller au bout de leur projet. La seconde, calice et ciboire ont étés dérobés dans la sacristie, le tabernacle violé et le calice contenant les hosties consacrées volé également.
Fort de cette mésaventure, je préfère, malgré les risques, que fidèles et visiteurs puissent profiter de notre belle église Saint-Martin. Notre église restera donc accessible pendant la journée : nous ne fermerons pas. Fermer, c’est un peu se résigner et capituler devant les malfrats.


Catholique pratiquante à Auxerre (Yonne) ;
49 ans, mariée, 3 enfants ;
Musicienne Intervenante, violoniste en milieu scolaire et en écoles de Musique.

Il est certain que cela ne peut pas empêcher tous les vols.
À Toucy, un village proche d’Auxerre, des jeunes du collège ont lancé des canettes et des pierres dans les vitraux et l’église a été fermée. Dans mon village de Pourrain des statues et des objets ont disparu, elle a été également fermée.
La petite chapelle Saint-Baudel quant à elle est surveillée. En revanche, il faut demander la clef pour entrer et admirer les peintures à l'ocre de l'église de Lindry. Si elle n’était pas fermée, il y a bien longtemps qu'il y aurait des tags sur les peintures classées.
À Auxerre, les églises sont ouvertes mais il y a déjà eu des vols de tableaux et de croix et je sais que l'on est obligé de fermer la sacristie pendant la messe. Je me souviens du vol du portable du Père Joël, ainsi que d'objets précieux de Monseigneur Patenôtre. Le Père Arnaud, quant à lui, essaye (je pense) d'organiser les horaires et la surveillance en continu.
À la Cathédrale de Troyes, je sais qu’ils ont embauché un surveillant à temps complet et je trouve que c'est une bonne idée.Aujourd'hui, si nous voulons protéger notre héritage chrétien, nous devons accepter que nos églises ferment par manque de moyens, pour les protéger un minimum.

Jean-François Steinbach
Adjoint au maire depuis 2014 en charge des achats, des musées, et du patrimoine ;
Ancien président des amis du musée de Salon et de la Crau ; Ancien éleveur de moutons ;
Spécialiste en droit rural et de droit de l'eau ;
Gestionnaire de canaux d'irrigation du système Durancien.

C'est normalement l'utilisateur du monument classé historique qui doit en assurer l'ouverture pour des visites. Traditionnellement, les églises étaient toujours ouvertes mais, depuis quelques décennies, l'incivilité grandissante, la bêtise, l'irrespect de ces lieux de culte, les vols organisés par de riches collectionneurs d'oeuvres religieuses, et le vandalisme, ont amené les paroisses à fermer les églises.
Notre commune emploie une personne à mi-temps pour ouvrir la collégiale l'après-midi en accord avec la paroisse, pour que les gens puissent la visiter et voir notamment le tombeau de Nostradamus. L'autre église est ouverte par les paroissiens, qui s'organisent à tour de rôle pour ouvrir et gardienner.
Alors oui les églises devraient être ouvertes, mais aujourd'hui, on sait qu'elles ne sont plus respectées. L'église n'a pas les moyens humains pour assurer une ouverture sécurisée et de moins en moins de bénévoles donnent de leur temps.
Si la commune est propriétaire, il s'agit surtout pour elle d’entretenir et de restaurer ses églises, mais hélas elles n’en ont pas toujours la volonté ou la possibilité financière.
Quelles sont les possibilités d'actions pour les grandes communes ?
La vidéo surveillance de l'église ouverte, avec une partie des œuvres protégées ou enlevées. Mettre du personnel, mais c'est un peu litigieux avec la loi de 1905 (aide déguisée à la paroisse).
Pour les petites communes, on trouve souvent la clé de l'église à la mairie où on vous ouvre dans le meilleur des cas.
On pourrait envisager des visites virtuelles avec des casques 3D, mais ce n’est pas ce que les amoureux de patrimoine attendent ; on dira alors que c’est un pis-aller.
Faire appel aux bonnes volontés pour aider à ouvrir à des heures régulières les églises, mais cela a ses limites aussi
.
Il y a aujourd'hui un vrai problème sur ce sujet et il n’existe pas de solutions miracles. Les situations sont souvent différentes entre communes ou régions, et même selon les périodes touristiques. Une chose est certaine, Il est frustrant de se retrouver devant des portes closes devant ces édifices mais c'est pour leur préservation dans un premier temps, mais leur mort si elles n'ouvrent plus.
