Parole d'élu


Gilles Beder,
chef d'orchestre du patrimoine de Salins-les-Bains


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Gilles Beder

Kinésithérapeute Ostéopathe de profession (retraité)
Maire de Salins-les-Bains depuis 2014
Vice-Président de la communauté de communes Arbois Poligny Salins cœur du Jura en charge du social et des services à la population
Membre du bureau de l'APVF (Association des petites villes de France)

La Gazette du Patrimoine : Être Maire de Salins-les-Bains, c’est être gardien d’un important patrimoine architectural. Pouvez-vous nous faire un bref inventaire de ce patrimoine ?

Gilles Beder : Salins est une ville au passé très riche dû à la présence du sel depuis l’antiquité. Au moyen âge la ville contribuait pour moitié au budget du Duché de Bourgogne. Nous avons donc, grâce à « l’or blanc », un patrimoine exceptionnel :

- Une saline classée à l’UNESCO ;
- Une collégiale Saint-Anatole ;
- Plusieurs couvents : nous avons eu jusqu’à 18 congrégations religieuses à Salins ;
- Deux forts classés sur les hauteurs ;
- Une chapelle Notre-Dame Libératrice élevée sous Louis XIV pour avoir sauvé Salins des mercenaires du Roi de France ;
- Un Hôpital avec une apothicairerie.

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La Gazette du Patrimoine : Depuis le début de votre mandat, vous avez toujours été soucieux de la sauvegarde du patrimoine de Salins. Quel fut votre premier chantier de restauration et pourquoi avoir choisi celui-là ?

Gilles Beder : Mon premier chantier a été la réfection du toit de la maison dite « du pardessus », au sein de la Grande Saline. C’était la maison de l’ancien directeur des Salines. Elle avait brûlé en 2007. Ce chantier avait été lancé par mes prédécesseurs et, dans la continuité, nous l’avons terminé.


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La Gazette du Patrimoine : Pensez-vous que sauvegarder le bâti ancien dans une ville comme la vôtre peut la redynamiser ? Vous êtes-vous appuyé sur des exemples d’autres villes, ou est-ce Gilles Beder qui « réinvente » Salins pour lui promettre un bel avenir ?

Gilles Beder : Oui, si le patrimoine est une lourde charge pour des petites communes, il est aussi une grande chance. Il est un atout dans la revitalisation des centre-bourgs à la condition de lui trouver une utilité fonctionnelle. Il faut absolument occuper les bâtiments pour éviter qu’ils ne se dégradent encore plus. Ensuite, ils nous couteront moins cher en entretien une fois occupés. Les exemples ne manquent pas, mais chaque cas est différent. La situation des biens, leur état, l’attachement sentimental de la population à certains, nous invitent à faire du sur mesure. Chaque Maire réinvente sa ville pour lui promettre un bel avenir.

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La Gazette du Patrimoine : Quels dispositifs avez-vous mis en place pour encourager les propriétaires à valoriser leur patrimoine ? Ces dispositifs sont-ils appliqués ?

Gilles Beder : Nous avons un secteur classé en loi Malraux, mais il est peu connu des habitants. Nous sommes en train de mettre en place un RHI-TIRORI, dispositif coercitif pour obliger les propriétaires de biens tombés en ruine à faire des travaux. Faute de quoi, la ville précomptera le bien au prix des domaines, soit pour trouver un investisseur, soit pour en faire un lieu utile pour la commune.

La Gazette du Patrimoine : Vous êtes membre du bureau de l’APVF (Association des petites villes de France). Pouvez-vous nous expliquer quel est la mission de cette association ? Et quelle est sa vision du rôle du patrimoine par rapport à la redynamisation des cœurs de ville ?

Gilles Beder : L’APVF regroupe les villes de 2 000 à 25 000 habitants pour faire entendre les problématiques de nos petites villes. Le patrimoine est bien sûr une priorité et nos parlementaires sont en première ligne sur ce sujet. Pour nous, le patrimoine doit être une porte d’entrée dans la revitalisation de nos centre-bourgs.

La Gazette du Patrimoine : La population de Salins-les-Bains a-t-elle été unanimement favorable aux nombreuses restaurations entreprises dans la ville, ou vous êtes-vous heurté à une opposition farouche de certains ?

Gilles Beder : Les Salinois sont plutôt favorables à nos actions sur le patrimoine en général. Ils ont tout de même une préférence pour la restauration du petit patrimoine, comme les escaliers ou les fontaines, qui ont une connotation sentimentale très forte pour eux. Leur déception est la situation de nos églises qui demandent des travaux très lourds et que nous ne pouvons assumer, même avec l’aide de nos partenaires institutionnels.

La Gazette du Patrimoine : Pour financer ces travaux, c’est un peu le « système D », ou êtes-vous un expert pour aller chercher des financements partout où cela est possible d’en trouver, afin de maintenir un certain équilibre des finances publiques ?

Gilles Beder : Oui… c’est un peu le système D… Mais le rôle d’un maire c’est de frapper aux portes des financeurs avec des projets finalisés, construits en amont avec eux, étalés dans la durée avec des tranches de rénovation supportables pour les finances de la collectivité. On ne peut pas tout faire et il faut prioriser sur un temps très long!

La Gazette du Patrimoine : Vous avez mis en place une action qui se nomme Salins 2025, pouvez-vous brièvement nous expliquer en quoi cela consiste ?

Gilles Beder : Salins 2025 est la consécration de l’appel à manifestation d’intérêt, lancé par le ministère des territoires en 2014 pour revitaliser les centre-bourgs. Et sur 300 candidats, 52 ont été retenus dont Salins, seule ville du Jura. Ce sont des subventions de l’ANAH pour aider les propriétaires bailleurs ou occupants à rénover leurs logements. En parallèle nous avons été retenu dans le plan régional qui nous a alloué 750 000€ sur 3 ans pour des projets de rénovation urbaine. Nous avons refait un carrefour avec esplanade pour le monument aux morts, une rue complètement réaménagée et 1,4 km de berges de notre rivière la Furieuse, avec restructuration hydro-morphologique de son lit. C'est un rojet écologique, touristique et patrimonial avec le restauration du seuil historique de la grande Saline.

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La Gazette du Patrimoine : Votre mandat touche à sa fin, quelle sera pour vous votre plus belle réalisation en terme de valorisation du patrimoine ?

Gilles Beder : La plus grande réussite de l’équipe municipale aura été de mettre en action la restauration du patrimoine sentimental des Salinois. Bien sûr les projets importants comme la reprise des remparts du Fort St André classé Vauban pour presque 3,5 M€ et la restauration de la cheminée de la Grande Saline. Mais nous avons consacré également 30 000€ par an pour restaurer les œuvres du futur musée.

La Gazette du Patrimoine : Et quel sera votre plus grand regret ?

Gilles Beder : Mon plus grand regret concerne les églises. Une que j’ai dû fermer pour sécurité… et que je n'ai pas pu rouvrir. Diagnostic : 2,5 M€ à trouver….

La Gazette du Patrimoine : Aux élus qui font le choix de démolir le patrimoine de leur commune, que diriez-vous pour les convaincre de réhabiliter le bâti ancien ?

Gilles Beder : Difficile de conseiller. Chaque ville à ses contraintes et il y a des fois où à contre cœur, il n’y a pas d’autres choix que de démolir, tellement l’état du bien est dégradé. Mais il faut s’appuyer sur notre passé pour envisager l’avenir. Les empreintes laissées par nos anciens doivent nous inspirer sans nous brider…Difficile équilibre à trouver mais indispensable pour le bien vivre. Les pierres sont notre mémoire.

La Gazette du Patrimoine 
: Si vous êtes réélu aux prochaines élections, poursuivrez-vous cette mise en valeur du patrimoine salinois ? Et si oui, quel sera le premier chantier de ce nouveau mandat ?

Gilles Beder : En cas de réélection nous poursuivrons les chantiers engagés. Et en fonction de nos fiances nous lancerons un ou deux nouveaux projets… mais…..

La Gazette du Patrimoine : Quelle est votre définition du mot patrimoine ?

Gilles Beder : Le patrimoine c’est notre bien commun, riches et pauvres confondus. C’est la mémoire du temps visible tous les jours et le symbole actif de nos civilisations. Ne nous y trompons pas, ceux qui détruisent leur patrimoine sont souvent là pour effacer toute trace d’un passé qu’il juge à l’aune d’aujourd’hui, et qui les dérange dans leur vision du futur qu’ils souhaitent imposer.

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Crédits photographiques
Photo 3 : restauration de la Maison du Pardessus E.METIVIER©Ville de Salins les Bains.
Photo 5 : Escaliers St Anatole_@Claire Moreau
Photo 6 : pose d’un filet de protection à Notre Dame Libératrice @Claire Moreau
Photo 7 : Galerie Souterraine Grande Saline©D.Maraux.
Autres : tous droits réservés.