Ils l'ont fait
Octobre 2020

« They didn't know it was impossible, so they did it »
Mark Twain


La maquette du théâtre antique d'Apta Julia
Patrick de Michèle


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Patrick De Michèle est un archéologue dont la spécialité est l’architecture monumentale gallo-romaine. Il est détenteur d’une thèse, Le centre monumental d’Apt à l’époque gallo-romaine, de sa conception originelle à sa complète disparition du paysage urbain moderne, soutenue en 2012, sous la direction de Monsieur Xavier Lafon directeur de l’IRAA, Vice-Président de l’Université de Provence (Aix-Marseille 1). Membre depuis 1993 du service d’archéologie du Conseil Départemental de Vaucluse et chercheur associé à l’Institut de Recherches sur l’Architecture Antique du CNRS, USR 3155, il est également en charge de l’archéologie préventive pour le secteur sud-est du département de Vaucluse. Il est l’inventeur de plusieurs découvertes archéologiques majeures comme par exemple, la mosaïque aux Centaures à Orange (84), le pavement en gallo-grec de la place du cloître à Cavaillon (84), Le trésor monétaire de l’hôtel d’Agar à Cavaillon, les trois statues du cortège dionysiaque du théâtre antique d’Apta Julia (Apt). Il est également l’origine de plusieurs Missions et communications à l’étranger, comme avec l’Institut Français d’Indonésie-Jakarta, dans le cadre des Journées Franco-Indonésienne : « Les modalités de l’Archéologie préventive dans un département français », 23 juin 2012, ou au Consulat Général de France à New York — conférence dans le cadre des Conférences@934, « la colonisation romaine de la Provence », 22 avril 2014, et de collaboration avec l’Université d’Oxford, Société d’Histoire de Lady Margaret Hall, où il anima un séminaire intitulé : « La romanisation du sud de la France et le centre monumental d'Apt à l'époque gallo-romaine », le 28 novembre 2018.

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Samedi 19 septembre 2020, dans la ville d’Apt au cœur du Luberon, fut inauguré et présenté au public, le théâtre antique de la ville romaine, cette fois immortalisé par un magnifique bronze représentant ce que j’ai pu transmettre comme information au sculpteur Romain Andrieux et par la suite dans le suivi de la conception pour le bronzier.

Un geste, une reconnaissance du patrimoine, comme fer de lance de l’éducation. Notre département du Vaucluse possède six villes antiques (Cabellio, Aurasio, Carpentoracte, Apta Julia, Avenio et Vasio). Ici à Apt, nous allons relever le défi de l’excellence. Nous allons créer un pôle de recherche, d’histoire, une ressource pour les chercheurs, les étudiants, et y inventer un territoire. Nous avons eu la chance de constater que certaines édilités sont franchement convaincues de l’importance que peut revêtir en terme de retombées économiques et de notoriété, l’apport de la valeur patrimoniale. Ici à Apt, il m’aura fallu en tant qu’archéologue du département de Vaucluse, 20 années de recherches pour me rendre compte qu’il était désormais possible de créer un parcours suburbain afin de parvenir à faire visiter au public la cité souterraine, agrémentée de tout ce qui peut être fait en matière de projections, de 3d... Voici donc quelles perspectives pourront apporter « du grain à moudre » aux héritiers que nous sommes de ces trésors mémoriels uniques que le monde entier nous envie.

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La découverte du théâtre antique

Au terme de cette recherche, les objectifs que nous nous étions fixés initialement ont été largement dépassés. A la base il s’agissait, entre autres missions, de reconnaitre et de documenter méticuleusement, les traces laissées par le théâtre antique de la colonie latine d’Apta Julia, à l’intérieur des caves et souterrain de la ville moderne. La découverte de la première mise hors d’eau l’îlot qui deviendra par la suite le centre monumental romain d’Apta Julia nous a également rapproché de celles d’Orange et de Vaison-la-Romaine.

L’exécution de notre mission nous obligeait, la majeure partie du temps, à nous immerger à l’intérieur des sous-sols d’Apt. Là, nous trouvions nos outils et la quiétude dans le silence des caves. La vie se trouvait au-dessus de nos têtes, il fallait lever les yeux au ciel pour exprimer ce paradoxe.

Alors, avec la fréquence des découvertes, s’insinuait dans la population la réalité de notre présence mais aussi de l’antique présence romaine disséminée à l’intérieur d’un spectaculaire dédales de cave.

Nous n’étions plus des étrangers. Les premiers résultats soulevaient l’enthousiasme des résidents du centre- ville. Les grand-mères du centre ancien ouvraient toutes leurs caves. C’est surement à Jules César que nous le devons, oui mais bien avant celui trouvé dans le Rhône.

Là soudainement, bon nombre d’habitants devenaient fiers de leur passé commun prestigieux. De plus en plus souvent nous passions du temps à la surface. Les visites commencèrent à s’intensifier pour atteindre un rythme de plus en plus frénétique. Nous venions ainsi de découvrir des vestiges dans plusieurs immeubles jusqu’aux second étage des habitations modernes.

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Nous commencions alors à prendre conscience de l’influence de l’architecture sur la vie de tous les jours. Cette présence invisible faite de tronçons de murs antiques par-ci, d’assises en élévations par-là, bref de la réalité d’un centre monumental civil et religieux. Nous le pensions détruit, arasé et ignoré. Il n’en était rien. Il subsiste encore de nos jours dans certains appartements des structures de l’édifice de spectacle. Les traces d’un arc au second étage d’un immeuble, un mur rayonnant dans la cuisine d’une autre habitation, les spectaculaires élévations en opus quadratum jusqu’au second étage d’un pâté de maison, peut-être la Curie de la colonie de par ses dimensions. L’environnement architectural s’étend désormais à l’ensemble du quartier. Sa réalité est le quotidien de la vie de plusieurs dizaines de familles qui bien souvent l’ignoraient.

Nous serions tentés de voir dans cette emblématique présence, le décor d’une multitude de vies. Comme si chacune d’entre elles se déclinait sous forme d’acte de vie et qu’au final, les citadins résidaient dans des loges comme autant de parcelle d’un univers théâtral.

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La découverte du cortège dionysiaque suscita un très fort engouement au sein de la population, l’impression d’une mission accomplie d’un récolement artistique réussi. La population à qui de droit revenaient ces trésors, en est devenue désormais l’actrice. C’est à elle qu’il incombe de tout faire pour partager avec le plus grand nombre, les lumières de la scène de leur théâtre. C’est son principal atout.

Par la suite, notre mission intégra la recherche d’autres structures architecturales antiques. Nous sortions de l’emprise du théâtre pour nous diriger, côté sud, vers le centre monumental gallo-romain. Incontournable imbrication urbaine, il s’agissait là de remettre ensemble les trois parties d’un même et unique programme urbain. Cette « panoplie »monumentale est le fruit de la volonté d’Auguste, le premier empereur de l’empire romain.

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Avec la même complicité, nous pouvions enfin remettre en place le puzzle disloqué de cette monumentalité. Le théâtre côté nord et d’autres édifices s’érigeaient à nouveau côté sud. Un capitolium au centre, une curie à l’ouest, une possible basilique au centre. Finalement le forum de la cité antique ressurgissait au milieu d’une population ébahie. Les fréquentations aux multiples conférences en devenaient finalement la preuve. 300 à 400 personnes se pressèrent régulièrement à nos interventions. La redécouverte de l’antique Apta Julia devenait un enjeu politique. C’est maintenant que va commencer la dernière et certainement la plus difficile des missions : mettre en valeur ces vestiges pour les faire partager et rendre à César ce qui est à César.

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Bibliographie de l’auteur:

  • DE MICHELE 1999 : DE MICHELE (P.), Les éléments antiques conservés dans les caves d’Apt. Prospection archéologique. Document de synthèse final, DRACAR n°134, 1999.
  • DE MICHELE 2000 : DE MICHELE (P.), Le parascaenium oriental du théâtre antique. Document de synthèse final, DRACAR n°129, 2000
  • DE MICHELE, CHARDON, 2002 : CHARDON (F.), DE MICHELE (P.), Le théâtre antique d’Apt. Bulletin de l’association archipal, n° 51, décembre 2002, pp.75-92
  • DE MICHELE, 2003 : DE MICHELE (P.), Découvertes récentes sur le théâtre antique d’Apt (Vaucluse). RANarb, 36, 2003, pp. 199-229 (26 fig.).
  • DE MICHELE, 2004 : DE MICHELE (P.), Le secteur du théâtre antique (1999/2004), la prospection diachronique des caves du centre ancien d’Apt. Document de synthèse final, DRACAR n°129, 2004.
  • DE MICHELE, 2005 : DE MICHELE (P.), Mémorandum de la découverte archéologique de la statuaire du théâtre antique d’Apt. Document de synthèse final, 2005, S.R.A. PACA.
  • DE MICHELE, 2006a : DE MICHELE (P.), Aux origines de Cavaillon. Archéologie d’une ville Antique. Catalogue d’exposition,. Musée de Cavaillon, 2006 pp. 30-31
  • DE MICHELE, 2006b : DE MICHELE (P.), La statuaire du théâtre antique d’Apt. Bulletin de l’association archipal, n° 51, juin 2006, pp.64-119.
  • DE MICHELE, 2007 : DE MICHELE (P.), Le théâtre antique d’Apt (Vaucluse) aux Ve et VIe siècles, Revue de l’association internationale de recherche sur l’Antiquité Tardive (An Tard), 15, 2007, pp. 127-144 (29 fig.) édition Brépols.
  • DE MICHELE 2009a : DE MICHELE (P.), La statuaire du théâtre antique d’Apt (Vaucluse), les ateliers de sculpture régionaux, techniques, styles, iconographies, Actes du Xe colloque international sur l’art provincial romain, Musée départemental de l’Arles Antique, Centre Camille Jullian, édition SVP 2009 Arles.
  • DE MICHELE, HERMARY, 2009b : DE MICHELE (P.), HERMARY (A.), Iconographie grecque en contexte celtique : à propos d’un nouveau naïskos au type de la déesse assise, publication Daphné, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Mai 2009
  • DE MICHELE, 2009c : DE MICHELE (P.), Le centre monumental d’Apt à l’époque gallo-romaine. Bulletin de l’association archipal, n° 64, juin 2009, pp.10-33.
  • DE MICHELE, 2011 : DE MICHELE (P.), Le centre monumental d’Apt, Histoire et archéologie de la Provence historique et médiévale, hommage à Jean Guyon, Provence historique, LXI, fasc. 2011. pp. 42-53.
  • DE MICHELE, 2012a : DE MICHELE (P.), Le centre monumental (Vaucluse) à l’époque gallo-romaine. Synthèse des découvertes récentes sur son organisation, Le forum en Gaule et dans ls régions voisines, sous la direction de Marc Bouiron, Ausonus, Bordeaux pp. 25-53
  • DE MICHELE 2012b : DE MICHELE (P.), Le trésor monétaire de l’hôtel d’Agar à Cavaillon (Vaucluse). Document de synthèse final, DRACAR n°9734, 2012.
  • DE MICHELE, 2013 : DE MICHELE (P.), Encyclopédie du luberon, ‘’l’entrée orientale de la colonie d’Apta Julia’’ volume 1, éditions Alpes de Lumières, Forcalquier, 2013.
  • DE MICHELE, 2014 : DE MICHELE (P.), Le centre monumental d’Apt(Vaucluse) à l’époque gallo-romaine. De sa conception originelle à sa disparition complète du paysage urbain moderne, Mémoire de thèse, Ausonus, Bordeaux 2014 p. 552.
  • DE MICHELE, 2014 : DE MICHELE (P.), Encyclopédie du luberon, ‘’tronçon inédit de la voie domitienne à Robion’’, l’entrée orientale de la colonie d’Apta Julia’’, volume 2, éditions Alpes de Lumières, Forcalquier, 2014.
  • DE MICHELE, 2014 : DE MICHELE (P.), Ancienne caserne des pompiers boulevard Elzéar Pin. Document de synthèse final, 2014, S.R.A. PACA, 1 volume, 78 pages dont 10 d’inventaires, 32 figures, 5 planches hors-texte.
  • DE MICHELE 2015 : DE MICHELE (P.), La favissa du théâtre antique d’Apt (Vaucluse), Les ateliers de sculpture régionaux, techniques, styles, iconographies, Actes du XIe colloque international sur l’art provincial romain, Musée départemental de l’Arles Antique, Centre Camille Jullian, édition SVP 2015 Arles.
  • DE MICHELE, 2016 : DE MICHELE (P.), Avenue Prosper-Mérimé. Document de synthèse final, 2016, S.R.A. PACA, 1 volume, 70 pages, 33 figures, 4 documents hors-texte.
  • DE MICHELE, 2017 : DE MICHELE (P.), Ancienne caserne des pompiers d’Apt. Document de synthèse final, 2005, S.R.A. PACA, 1 volume, 131 pages dont 25 pages d’inventaires et annexes, 42 figures, 4 documents hors-texte.
  • DE MICHELE, 2018 : DE MICHELE (P.), Zone d’Activité Commerciale Bel air d’Avignon Document de synthèse final, 2018, S.R.A. PACA, 1 volume, 153 pages, 33 figures- 6 documents hors-texte, 2 volume 183 pages dont 175 pages d’inventaires et annexes.
  • DE MICHELE, 2018 : DE MICHELE (P.), Intermarché avenue Prosper-Mérimée. Document de synthèse final, 2018, S.R.A. PACA, 1 volume, 90 pages dont 28 pages d’inventaires et annexes, 20 figures, 4 documents hors-texte.
  • DE MICHELE, 2019 : DE MICHELE (P.), Aménagement de la place Carnot d’Apt. Document de synthèse final, 2019, S.R.A. PACA, 1 volume, 228 pages, 80 figures.
  • DE MICHELE, 2019 : DE MICHELE (P.), Maison-Basse, Lacoste. Document de synthèse final, 2019, S.R.A. PACA, 1 volume, 107 pages, 39 figures.
  • LEFEBVRE, TOUTAIN, DE MICHELE, 2020 : LEFEBVRE (C), TOUTAIN (N), DE MICHELE (P), Une colonne funéraire en Gaule Narbonnaise (Avignon, Vaucluse), 2020 Presses Universitaires de France, Revue Archéologique, n°69, Paris, pp. 117-139.
  • DE MICHELE, 2020 : DE MICHELE (P.), Courluts et Grasettes d’Entraigues-sur-la-Sorgue. Document de synthèse final, juin 2020, S.R.A. PACA, 1 volume, 207 pages, 77 figures.

Crédits photographiques : Patrick De Michèle