Château de Saulxures-sur-Moselotte : un patrimoine à l’agonie

Il aura suffi d’un article de Vosges Matin pour ranimer sans doute une ultime fois la mémoire d’un château connu de tous, non pas pour son nom, mais pour ses particularités architecturales, notamment pour ses puissantes cariatides.


Commandé par Jean Thiébaut Géhin, un industriel du textile un brin mégalomane, et achevé en 1861 par sa veuve, moyennant une dépense de 2 millions de francs de l’époque, le château de Saulxures-sur-Moselotte, dessiné par l’architecte Charles Perron, était un formidable témoignage de l’âge d’or industriel. Parquet en marqueterie, larges cheminées en marbre de Carrare, escaliers somptueux, plafonds peints par Félix Haffner, sculptures multiples, tapisseries monumentales, rien n’avait été trop beau pour la construction de cet édifice de style Louis XV.



Les grilles, œuvres de Desforges, Brochon et des frères Festugière, étaient les copies de celles de la place Stanislas à Nancy. Elles s’ouvraient sur un perron flanqué de quatre splendides cariatides, œuvres du sculpteur Georges Clève, dont les copies sont conservées au Louvre. Pour agrémenter ce château, ses propriétaires avaient fait appel aux plus grands artistes français de l’époque.


Un arrêté de péril

Transmis aux générations suivantes, visité par Thiers et De Gaulle, le château a finalement été abandonné en 1972. « Les coûts de restauration et d’entretien étaient devenus faramineux », expliquait il y a quelques années son propriétaire, François Vandamme. Il y a bien eu quelques projets de reprise, mais aucun n’a abouti. Et aujourd’hui, le bâtiment, inscrit mais non classé, est définitivement irrécupérable. La toiture s’est écroulée, les plafonds aussi. Le froid, la pluie ont fait leur basse besogne. Les grilles ont disparu. Le pillage et le vandalisme ont pris le relais. Même les livres de l’imposante bibliothèque ont fini dans le camion benne d’une papeterie ! Il y a quelques années, face à cette dégradation, la mairie avait dû prendre un arrêté de péril, contraignant le propriétaire à fermer l’accès du site. Plus tard, la commission nationale des monuments historiques a donné son accord pour une démolition « sous réserve que les sculptures de Georges Clève soient préservées ». Depuis, rien ne se passe. La démolition est coûteuse et son propriétaire n’a manifestement pas envie de s’y consacrer. L’agonie du château pourrait donc durer encore quelques années.


L’heure n’est hélas plus aux lamentations, mais aux questions.

La première étant, peut-on encore sauver « l’insauvable » ? La toiture et les plafonds sont effondrés, la majorité des décors intérieurs ont été pillés. Pourtant, les fondations semblent encore vouloir résister.

Nous allons tenter l’action de la dernière chance, comme nous l’ont demandé les personnes qui nous ont contacté récemment.

Stéphane Bern s’était intéressé au château en 2017, mais visiblement cela n’a rien changé à la situation. Nous n’aurons vraisemblablement pas plus de succès que lui, mais notre engament envers le patrimoine nous conduit une fois de plus à tenter quelque chose.

En premier lieu, nous allons essayer de contacter l’association locale « Les amis du château de Saulxures-sur-Moselotte, qui sont sans doute les mieux placés pour évoquer le sort et l’état du château aujourd’hui, puis nous essaierons d’explorer l’aspect juridique du problème, car il existe encore quelques solutions de ce côté-là.


Nous déplorons cette situation qui hélas n’est pas isolée. Il existe sur l’ensemble du territoire des dizaines, voire des centaines d’édifices protégés au titre des monuments historiques dans cet état-là. Sans parler de ceux qui ne bénéficient d’aucune protection MH.

Souvent, les instances concernées restent sourdes aux appels désespérés des défenseurs du patrimoine et c’est bien là tout le problème. C’est bien là qu’il va falloir travailler à trouver des solutions notamment quand il s’agit comme ici, d’un patrimoine privé. Le patrimoine « public » n’est pas forcément mieux traité, comme nous pouvons le vérifier à Saint-Nazaire avec le Château de Porcé, ou Blendècques et le Château de Westhôve. La disparition de ces édifices est une perte inestimable pour l’art, l’architecture, le patrimoine ou si l’on résume : pour la culture en général.


« Il suffirait d’une loi, qu’on la fasse… »


Sources
Vosges Matin.

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez nous aider dans cette ultime action : urgences.patrimoine@gmail.com

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Crédits photographiques : Anne Haxaire