Deux-Sèvres : peinture médiévale contre projet de démolition. Qui sera le gagnant?

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Allons nous assister à un nouveau patrimonicide, ou le bon sens l’emportera-t-il? C’est la question qui nous anime depuis quelques jours, suite à la découverte d’une peinture murale médiévale dans l’ancienne boucherie de Saint-Maixent-l’École.

Nous avions, il y a quelques semaines, évoqué l’avenir incertain du bâtiment, menacé de démolition au profit d’un projet immobilier. C’était sans compter sur l’acharnement de l’Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs (ADANE), dont la présidente, Marie-Claude Bakkal-Lagarde, est également déléguée départementale d’Urgences Patrimoine.

Depuis 2019, cette dernière surveille le projet de démolition de très près, car elle trouve inconcevable la démolition de cette boucherie, qui arbore encore fièrement son enseigne datant du XIXe.

Cet acharnement a été heureux, car l’édifice avait bien des secrets à livrer. En effet, très discrètement, à l’abri des regards, une peinture murale du XVe siècle attendait sans doute l’âme bienveillante qui viendrait la sauver. Enfin… la sauver reste une hypothèse, puisque la municipalité minimise la découverte et s’obstine à vouloir démolir l’édifice pour créer des logements sociaux.

D’ailleurs, malgré l’autorisation donnée par l’actuel propriétaire à l’ADANE pour aller sécuriser les lieux, les adhérents se sont fait « sortir » par la police municipale.

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Pourtant, il n’y avait pas effraction, puisqu’il y avait autorisation, mais visiblement, à Saint-Maixent-l’École, la municipalité préfère le béton aux édifices médiévaux, même quand ces derniers possèdent un intérêt artistique et historique majeur. Intérêt qui pourrait-être un vecteur de développement économique et touristique pour la commune. Mais il est vrai que les touristes adorent visiter des logements sociaux et des parkings, c’est bien connu !

En attendant de savoir qui aura le dernier mot, voici un résumé de « l’affaire de la boucherie ».

Découverte exceptionnelle d’une peinture murale du XV e siècle à Saint-Maixent-l’École.

Depuis 2019, des grilles sécurisent les passants. Sa devanture en bois interpelle. L’enseigne ne fait aucun doute, on peut lire « boucherie Griffier ». Fondée vers 1876, ses caves voutées, d’époque médiévale, servirent d’abri à 50 personnes contre les bombardements aériens lors de la seconde guerre mondiale. Dans sa cour, entourée de hauts murs de 7 à 8 m, se trouve un bâtiment ruiné, éventré, sans toiture.

Précisons que « notre boucherie » est plus ancienne que la boucherie Pinson de Chartres, construite en 1892 et inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques depuis le 4 octobre 2006.

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S’inquiétant du sort de cet établissement, en mars 2020, l’Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs (ADANE) se fait communiquer l’arrêté de péril ordinaire et contacte le propriétaire résidant à l’étranger. C’est la période de confinement, il ne donne pas suite.

Mais la présidente Marie-Claude Bakkal-Lagarde et des adhérents entament alors des recherches historiques et envisage son acquisition. Récemment, le risque n’étant pas totalement levé, l’affaire devient urgente. Consulté, le 15 septembre, le nouveau maire M. Stéphane Baudry indique à l’ADANE porter un projet immobilier de 3 logements sociaux, consistant en la démolition totale du bâti existant, dont les éléments médiévaux conservés en retrait de la façade sur la rue, avec construction d’un ensemble neuf. Il a confié ce dossier à l’Immobilière Atlantic Aménagement (IAA) pour acheter le lieu et demandé l’avis de l’architecte des bâtiments de France (ABF) sur l’opportunité de conserver les façades situées dans le périmètre protégé de l’abbatiale.

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Mais la découverte exceptionnelle pour notre territoire n’a pas pignon sur rue ! Une photographie faite à partir d’un mur mitoyen fit sa révélation. Retravaillée avec un logiciel photographique, la peinture murale polychrome laisse apparaitre deux personnages partiellement visibles sous un badigeon de chaux blanche, lessivé par la pluie depuis plusieurs années. En haut, portant son nimbe crucifère et tenant dans sa main gauche le globe terrestre, on reconnait aisément le Christ sauveur du monde.

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L’ADANE informe la DRAC de Nouvelle Aquitaine le 27 septembre, l’annonce au propriétaire actuel, le 2 octobre 2021. Simultanément, elle sollicite Mme Alexandra Sobczak-Romanski présidente d’Urgences patrimoine, qui transmet le cliché à Mme Sabine de Freitas, spécialiste et restauratrice de peinture murales médiévales (Conservatoire Muro dell’Arte) .

Mme de Freitas confirme la datation du XV e siècle. Elle souligne le caractère exceptionnel du fragment et précise la scène. Elle représente Saint Christophe tenant son bâton pour faire franchir le fleuve au Christ sauveur du monde. La peinture s’étend à gauche où l’œuvre est encore recouverte de chaux. À l’écart de la scène un visage apparait. Ce pourrait être celui de l’ermite. La spécialiste transmet sa note technique à la DRAC qui diligente une visite des lieux en présence du maire.

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Sensible au patrimoine, le propriétaire des lieux, qui vit en Angleterre, mandate l’ADANE pour sécuriser les lieux et faire le nécessaire en vue de la restauration-reconstruction. Cette autorisation d’accès de l’ADANE est déposée en mairie le mercredi 13 octobre et confirmée par le propriétaire par mail adressé au maire le dimanche soir, en réponse au sien.

Le maire continue pourtant ses démarches en faveur de « son » projet immobilier et somme le propriétaire de vendre à IAA sous menace de pénalités. Malgré l’intérêt que porte alors la DRAC à l’ensemble de l’îlot face au portail occidental de l’abbatiale, il semble s’obstiner à vouloir minimiser l’importance de cette découverte.

Lundi après-midi, alors que les adhérents de l’ADANE sécurisent l’intérieur menant à la peinture, leur activité est interrompue et ils sont extraits de la propriété manu militari par la police municipale.

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Suite à cet épisode, la venue de la spécialiste des peintures murales prévue le lendemain a été annulée. Madame de Freitas devait venir faire les préconisations en vue de protéger l’œuvre des intempéries après retour et conclusions de la DRAC. Annulation judicieuse, puisqu’un policier municipal gardait la porte interdisant tout accès.

Au-delà de ces péripéties, on serait tenté de dire que des peintures murales du XVe siècle ne sont pas rares dans les églises. Certes, mais ici, il ne s’agit pas d’un édifice religieux mais d’une résidence privée ou une halte pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, avec un petit oratoire.

Nous sommes donc devant une découverte rare d’une grande valeur historique et patrimoniale. Qui plus est, la ville ayant subit les ravages des guerres de religion, l’abbaye presque entièrement détruite, fut reconstruite, cette peinture reste alors le seul témoin connu de l’époque précédent ces événements.

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Quel avenir pour ce lieu ? Comment préserver ce patrimoine ? Les questions fusent et restent en suspend. L’hiver arrive, la tempête Aurore des jours passés et les suivantes, ou bien de malencontreuses décisions, ruineront irrémédiablement peut-être cette découverte exceptionnelle.

Informations complémentaires :
Mme Marie-Claude Bakkal-Lagarde Présidente fondatrice de l’ADANE
(Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et les Environs)
11 rue de l’Aumônerie 79260 La Crèche
Mail : adane@laposte.net
Urgences patrimoine:
Mail : urgences.patrimoine@gmail.com


Crédits photographiques : ADANE

La Rochepot : le « dépeçage » aura duré 12 heures

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L’hallali avait sonné la semaine dernière pour le château de la Rochepot, car, malgré l’incroyable mobilisation des habitants de la commune, il n’y a eu aucune réaction de la part du Ministère des finances, principal créancier dans cette triste affaire, ni de la part du Ministère de la culture, qui aurait pu préempter une grande partie des objets emblématiques de cette vente. Afin de conserver l’intégrité du château, il suffisait le vendre le contenu en même temps que le contenant, mais cette solution simple n’a même pas été envisagée.

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En France, on préfère vendre « à la découpe », sans se préoccuper des conséquences directes que cette vente pouvait avoir. Hélas, comme il s’agissait ici d’une décision de justice, les ministères qui auraient pu se manifester ont eu un parfait alibi pour ne surtout rien faire.

Entre parenthèses, que les âmes bien pensantes qui criaient haut et fort que cette vente permettrait avant tout de payer les « ardoises » laissées par le propriétaire aux artisans locaux regardent la réalité en face : le principal créancier est l’État, et il est peu probable qu’il reste une seule miette pour les petits indépendants.

Quoi qu’il en soit, nous savions que « la messe était dite » vendredi dernier, à la lecture de ce courrier, transmis par un de nos amis, Siegfried Boulard-Gervaise, « candidat acquéreur » potentiel de l’édifice.
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C’est donc la mort dans l’âme que nous avons assisté impuissant, au dépeçage en règle du Château de La Rochepot, en union de pensées avec les membres du collectif « Sauvons les Meubles » qui, dans un communiqué, avaient annoncé la fin de la mobilisation:

« Nous restons organisés afin de suivre l'évolution et l'avenir de notre magnifique château. Toute action menée à partir de ce soir ne résulte en rien du collectif. Nous ne serons pas présents demain sur le lieu de vente, afin de ne pas entraver le travail de maître Muon. »

Ce communiqué avait été envoyé par Romuald Pouleau, créateur du collectif, à l'attention de la sous-préfète.

La vente aura duré près de douze heures. La cérémonie funèbre fut orchestrée par Maître Muon, commissaire-priseur à Beaune.De mémoire, nous n’avions jamais assisté à une vente aussi triste et aussi longue. En général, ce sont 80 lots à l’heure qui sont dispersés lors des ventes publiques, or là, nous étions sur une moyenne de 50 lots. Visiblement en Bourgogne, il n’y a pas que les escargots qui sont lents !

Bien entendu, sans grande surprise, les prix se sont envolés. Certains ont d’ailleurs explosés. Comme par exemple celui d’une série de casseroles en cuivre pour laquelle il a fallu dépenser 1000 euros alors que, dans n’importe quelle vente aux enchères publiques, ce genre de chose a du mal à trouver preneur à 100 euros.

Fébrilement et toujours très naïvement, nous pensions que le Ministère de la Culture allait (pour une fois) nous surprendre. Nous avions d’ailleurs reçu un petit message nous annonçant cette surprise. Heureusement que nous avons gardé cette information pour nous, car en la diffusant, nous aurions été totalement décrédibilisés.

Le Ministère a donc brillé une fois de plus par son absence, en se fendant tout de même de l’acquisition des plâtres de l’artiste Xavier Schanosky (1867-1915), classés monuments historiques.

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En revanche, les souvenirs historiques du Président Sadi Carnot n’ont pas eu le bonheur d’intéresser le Ministère.

Nous avons quand même eu une petite satisfaction. Celle d’assister à la vente, via internet, en compagnie de notre ami Siegfried Boulard-Gervaise, notre « candidat repreneur », qui s’est porté acquéreur d’une quinzaine de lots, dans l’espoir de les voir revivre un jour dans leur écrin d’origine. Si tel était le cas, la grande tapisserie des Flandres, les lits de la chambre chinoise chère à la famille Carnot, ou encore les superbes chiens de Fô, pourraient alors retrouver leur place en Bourgogne, après une période d’exil en lieu sûr.

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PRiches de cette expérience, nous pouvons affirmer une fois encore qu’il est plus prudent de faire confiance à des passionnés engagés qu’à un ministère qui n’a de culture que le nom.

Cette triste affaire aura également permis de confirmer que les médias ne répondent présents que lorsqu’il est trop tard. Dès qu’Urgences Patrimoine a été saisie par le collectif « Sauvons les meubles », nous avions tenté d’alerter les médias nationaux. France 2 et TF1 se sont tout de même fendus d’un reportage, mais trop tard, beaucoup trop tard.

La pression médiatique aurait pu tout changer, mais c’est tellement plus simple de compter les morts que de tenter de réanimer un blessé.

Nous savons hélas que La Rochepot ne sera pas le dernier patrimoine à subir le même sort. Rassurons-nous, il nous restera toujours Versailles et Chambord.

En France, seuls les « grands opérateurs », comme les nomme notre chère Ministre de la Culture, sont soutenus. Les autres peuvent-être rasés, abandonnés, dépouillés ; cela n’intéresse pas nos édiles, alors qu’ils sont pourtant de magnifiques ambassadeurs de nos territoires. Demandez donc au Ministère de la Culture où se trouve La Rochepot sur une carte, nous ne sommes pas certains d’avoir spontanément la bonne réponse….

Nous dédions cet article à Romuald Pouleau, fils et petit-fils des régisseurs de La Rochepot qui aujourd’hui pleure le château qui l’a accompagné toute sa vie durant…
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Crédits photographiques : photos 1-2-4 : Siegfried Boulard-Gervaise ; photo 3 : Interenchères ; photo 4 : Collectif Sauvons les Meubles

Sauvons les meubles de la Rochepot : ils rendent leur carte d’électeur.

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Le collectif « sauvons les meubles » s’est mobilisé une fois encore pour dire non au pillage du Château de la Rochepot.

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Romuald Pouleau, membre du collectif et amoureux de « son » château, a souhaité à cette occasion accomplir un geste fort. Devant la presse, il a rendu sa carte d’électeur, puisque les pouvoirs publics ont « abandonné » l’édifice et que la majorité des élus a malheureusement réagit trop tardivement.

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Il semblerait que personne ne se préoccupe vraiment du sort de l’édifice, alors qu’il est un des plus beaux joyaux du patrimoine Bourguignon. Qu’on ne nous parle plus « d’attractivité des territoires », si d’un revers de la main on envoie aux oubliettes les représentants les plus illustres de cette attractivité.

Mais nous savons que dans les « hautes sphères », on ne se préoccupe guère du patrimoine des territoires. Tant que le Louvre et la Tour Eiffel brilleront, le reste peut attendre. Décidément, nous allons finir par croire que Paris, ce n’est pas la France.

En tout cas, nous sommes admiratifs de cette mobilisation locale et nous comprenons mieux que quiconque la déception de toutes ces personnes si attachées à leur commune et à leur patrimoine.
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À moins d’un miracle, la vente aura bien lieu dimanche…

Merci de continuer à signer la pétition malgré tout, ne serait-ce que pour manifester votre soutien au collectif ICI.


Crédits photographiques : Collectif Sauvons les meubles

La Rochepot : pourquoi faut-il sauver les meubles ?

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Un de nos brillants membres de la Commission Nationale de Sauvegarde du Patrimoine Funéraire, Éric Sergent, s’était intéressé au Château de la Rochepot et avait même écrit à la Direction Régionale des Affaires Culturelles il y a quelques temps pour les alerter. Il a accepté de rédiger cet article afin de nous éclairer un peu plus sur l’intérêt de sauver le mobilier de ce malheureux édifice, otage d’une procédure judiciaire.

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Eric Sergent est diplômé de Sciences Po Lyon et d'un master 2 en histoire de l'art de l'Université Lumière Lyon 2. Il est actuellement doctorant en histoire de l’art du XIXe siècle à l’Université Lumière Lyon 2 (LARHRA-UMR5190) et prépare une thèse de doctorat consacrée à l’art funéraire de la seconde moitié du XIXe siècle à Paris, Lyon et Dijon. Ses recherches portent de manière générale sur l’histoire de la sculpture et du monument public au XIXe siècle, en lien avec l’histoire des mémoires et l’histoire culturelle. Il est l’auteur d’une monographie consacrée au statuaire Paul Gasq (2018) et a publié deux ouvrages intitulés 1870-1871, souvenirs d’une défaite (2020) et « Passants, ne les oubliez pas » La mémoire de la guerre de 1870-1871 en pays nuiton (2021) aux Éditions Universitaires de Dijon.

Le château de la Rochepot est sans aucun doute l’un des fleurons du patrimoine du sud de la Côte-d’Or et, plus largement, du patrimoine bourguignon.

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Son origine remonte à 1180, mais c’est au début du XIIIe siècle que le château fut érigé sur le promontoire rocheux où il trône actuellement. La famille Pot posséda le château entre 1403 et 1493, Régnier Pot transmettant le domaine à son fils Jacques, qui lui-même le transmit à son propre fils, Philippe, dont le célèbre tombeau est conservé au musée du Louvre. Les Pot y firent d’importants travaux, au premier rang desquels l’érection de la grande tour ronde au nord-est. Le château fut également la propriété de Pierre Legoux de la Berchère, premier président du parlement de Bourgogne, à partir de 1645.

Au XVIIIe siècle, le château de la Rochepot connaît bien des vicissitudes. Vendu dans les années 1740, le château est mis sous scellé en 1792 et vendu comme bien national en 1799, le mobilier ayant été déjà dispersé en 1798. Le nouveau propriétaire entreprend alors la démolition de l’édifice pour en vendre les matériaux…

Si de nombreux malheurs s’abattent sur l’édifice au XIXe siècle, il est acquis par Mme Carnot, épouse du Président de la République, et offert à son fils Sadi Carnot pour le nouvel an 1894. Fasciné par ces ruines, il s’attela immédiatement à leur restauration, ou pour mieux dire à leur reconstruction, intégrale, œuvre titanesque qu’il confia à l’architecte Charles Suisse à partir de 1897. A la mort de l’architecte en 1906, Henri Chabeuf affirma que ce qui fut « naguère un décor de ruines décharnées » était devenu « le Pierrefonds de la Bourgogne » (1), grâce à la volonté de Sadi Carnot et aux compétences de Charles Suisse.

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Le mobilier qui doit être mis en vente ce dimanche 10 octobre 2021 est indissociable de cette restitution architecturale du début du XXe siècle, et constitue une source majeure pour comprendre l’histoire de ce château. Parmi les dizaines de lots, il convient de souligner l’intérêt des modèles en plâtre par Schanosky qui préparent les sculptures de la chapelle ou de la chambre de Sadi Carnot, ainsi que le modèle du haut-relief aux armes de la famille Pot, sculpté au-dessus de la grande porte du château. La statue en plâtre du Président Sadi Carnot, par Mathurin Moreau, modèle pour la statue de marbre du monument de la place de la République à Dijon, est une œuvre importante de l’histoire de la statuaire publique dijonnaise de la fin du XIXe siècle. Ces modèles en plâtre, pièces fragiles et rares s’il en est, sont précieuses pour l’histoire de la sculpture et de l’ornementation. Enfin, les nombreuses pièces du mobilier de style néogothique, livré par le menuisier Daudon-Girard ou la maison Schanosky, entre 1902 et 1913, ou encore les remarquables cadeaux offerts par la dernière impératrice de Chine, Tseu-Hi, au Président Sadi Carnot, alors ministre des Travaux publics, présentent un intérêt majeur pour la sauvegarde du patrimoine de ce bâtiment. Le château de la Rochepot, vidé de son mobilier du XIXe et du début du XXe siècle, perdra une partie de son âme. Cet ensemble de meubles et d’objets d’art fonctionne avec l’architecture restituée par Charles Suisse. Il convient enfin de rappeler, comme l’indique la description des lots, qu’un certain nombre de pièces sont classées au titre des monuments historiques, preuve de leur intérêt historique, patrimonial ou esthétique majeur.

Il est évident que la procédure judiciaire ne peut et ne doit être contestée. En revanche, le vente du mobilier classé et historique du château semble particulièrement dommageable pour l’histoire du lieu, et pour son avenir en tant que site touristique et patrimonial, qui fut l’un des premiers de Bourgogne lorsqu’il ouvrait encore ses portes au public.

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La Gazette Drouot annonçait, au printemps dernier, qu’« une vente aux enchères du mobilier non classé, voire de l’édifice, serait envisagée ». Cela ne laissait pas présager une telle issue. Terminons ce court plaidoyer en reprenant l’appel que formulait déjà La Gazette, en avril 2021 :

Une acquisition par le Département ou la Région serait la bienvenue, mais l’essentiel reste que son futur propriétaire le rouvre au public, afin qu’il continue à raconter la longue histoire contenue dans ses pierres. (2)

Sauvé de la ruine par les Carnot au tournant des XIXe et XXe siècles, il serait fort dommageable que le château de La Rochepot ne soit vidé de son mobilier et amené à revivre quelques-unes des heures les plus tristes de son histoire.

Les informations historiques de cet article sont extraites de : Laurent Saccaro, Le goût du Moyen Âge en Bourgogne. La Rochepot et les châteaux néogothiques (1820-1940), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2016 (en particulier Partie III, « Le château de la Rochepot, histoire et architecture », p. 125-214).

NOTES
(1) Henri Chabeuf, « Notice nécrologique de Charles Suisse »,
Mémoire de la Commission des antiquités du département de la Côte-d’Or, t. 15, 1906-1909, p. XCIII-XCIV.
(2) Anne Doridou-Heim, « La Rochepot, le château au bois-dormant », La Gazette Drouot, 8 avril 2021, en ligne ici.

Si ce n’est pas déjà fait, merci de signer la pétition ICI. 


Crédits photographiques : portrait de l’auteur : Direction de la communication / Université de Lyon ; photo 1 et 2 :Collectif « Sauvons les meubles » ; photo 3 : larochepot.fr

Rendre l’éolien plus acceptable: ou comment brasser de l’air !

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Sans mauvais jeu de mots on peut dire que l’éolien a le vent en poupe et c’est sans doute pour calmer la tempête qui gronde un peu partout sur le territoire que Barbara Pompili, notre Ministre de la Transition Écologique, a annoncé 10 « pâles » mesures, ou plutôt des « mesurettes ». Elle serait Ministre de la mer, on dirait qu’elle veut « noyer le poisson », mais sa fonction l’oriente plutôt vers un brassage d’air tel, qu’il pourrait bien faire tourner encore plus vite ces horribles moulins du diable !

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Notre avocat, Maître Théodore Catry nous fait part de ses observations :
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Rendre l’éolien plus « acceptable » : que peut-on tirer des « 10 mesures pour un développement maîtrisé et responsable de l’éolien » dévoilées par le ministère de l'écologie ?

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Ayant senti que le débat autour du déploiement de l’éolien empruntait un virage trop passionné pour être contenu, le ministère de la transition écologique vient de s’engager sur « 10 mesures pour un développement maîtrisé et responsable de l’éolien » qui suscitent d’ores et déjà bien des critiques.

Et pour cause : la lecture de ces propositions révèle qu’il s’agit soit de vœux pieux, soit de non-actions, soit de véritables nouvelles condamnations à venir sur nos territoires.
Ceux qui ont le privilège (ou le malheur) de connaître les nombreuses insincérités qui gouvernent l’industrie de l’éolien sauront déjouer ces pièges. Voici, pour ma part, ce que je peux en retirer …

1. « Instruction donnée aux préfets d’appliquer le plus haut niveau d’exigence sur la compatibilité des projets éoliens avec les enjeux environnementaux locaux » : le ministère commence très fort avec une mesure qu’il a déjà trahie, plus d’une fois, et à nouveau il y a peu.

Au soutien de cette proposition, le manifeste du ministère vante des cas récents de refus « vertueux », qu’il érige en exemples à suivre. Parmi eux, on trouve celui du projet éolien de Saulnot, en Haute-Saône, qui s’est soldé par un rejet préfectoral motivé par une covisibilité depuis la chapelle de Ronchamp et … la proximité d’un nid de cigogne noire.

Dans le même temps, il y a à peine une semaine, le ministère a annoncé avoir saisi le Conseil d'État contre la décision de la cour administrative d’appel de Nantes rendue sur le projet tourangeau de Vou – La-Chapelle-Blanche-Saint-Martin, celle-ci ayant annulé l’autorisation du préfet en retenant, selon une motivation de très grande qualité, que le projet était incompatible avec l’installation à proximité … d’un nid de cigognes noires.

Voilà qui permet d’ores et déjà de se faire une idée de la capacité du ministère à respecter sa propre ligne de conduite.

2. « Instruction aux préfets de réaliser une cartographie des zones propices au développement de l’éolien (premiers résultats en novembre 2021) » : en somme, l’idée est d’officialiser une nouvelle inégalité entre territoires à travers une cartographie qui créera dans les régions identifiées une présomption de compatibilité paysagère. Chaque promoteur pourra ainsi justifier son projet devant le préfet et devant le juge au nom de ce tout nouveau postulat.

Je peine à identifier en quoi ce mécanisme rendrait l’éolien plus acceptable aux yeux de ceux qui le subissent, si ce n’est en l’imposant avec encore plus de force.

Cette mesure, au demeurant, n’est pas nouvelle : l’instruction a d’ores et déjà été donnée aux préfets en mai 2021. Elle leur impose en outre, pour maintenir la pression, d’ « adresser, chaque année, un compte rendu du volume d’autorisations en cours d’instruction, délivrées, rejetées et refusées (et le motif principal de ce refus). »

Adieu la Thiérache, le Tonnerrois, le Fenouillèdes et la Margeride ; adieu Oléron, Tatihou, Belle-Île et Noirmoutier ; nous vous avons connu belles, désormais nous nous battrons pour ne pas avoir à raconter à nos petits-enfants combien vous l’étiez.

3. « Création d’un médiateur de l’éolien » : et celui-ci d’être nommé a priori dans les jours qui suivent. On ne pourra que veiller aux garanties d’impartialité qui assortiront cette désignation …

4. « Excavation complète des fondations et recyclage obligatoire lors des démantèlements »
: sur ce point, deux remarques.

Premièrement, il n’existe aucune garantie derrière l'excavation, qui laisse croire à tort qu’on fera place nette en laissant les lieux comme on les aura trouvés. On n’oubliera pas que cette excavation sera de toute façon nécessaire en cas de repowering, les fondations du parc obsolète n'étant pas assez importantes pour accueillir la génération de méga-aérogénérateurs qui lui succèdera.

Deuxièmement, c’est une belle chose que d’obliger au recyclage. Encore faudrait-il savoir comment recycler.

5. « Bridage sonore en cas de dépassement des seuils autorisés » : c’est la non-proposition par excellence. À partir du moment où il appartient au ressort même de chaque étude d’impact de proposer des mesures de réduction des nuisances acoustiques qui auront été identifiées, en amont comme en aval, je ne vois pas bien ce que cette mesure vient apporter de nouveau.

Il aurait été plus acceptable, pour « maîtriser » le développement de l’éolien, de corriger l’exception réglementaire qui favorise l'industrie éolienne et lui permet un double-degré de dépassement des seuils tout en gommant les impacts acoustiques réels des mesures faites lors des études d’impact.

Rappelons que l’article R. 1334-32 du code de la santé publique limite en principe à 30 décibels pondérés [dB(A)] le seuil à partir duquel une émergence sonore devient excessive. Or, l’arrêté du 26 août 2011, qui règlemente l’industrie éolienne, prévoit un seuil distinct fixé à 35 dB(A), ce qui signifie concrètement un triplement de l’intensité sonore par-rapport aux 30 dB(A) prévus par le code.

En outre, ce dépassement s’autorise des tolérances, à savoir 3 dB(A) en période nocturne (de 22h à 7h) et 5 dB(A) en période diurne (de 7h à 22h). Et s’ajoute à ces tolérances un terme correctif qui autorise à rajouter entre 1 et 3 dB(A) en fonction de la durée cumulée d’apparition d’une émergence.

Rappelons aussi que pour mesurer les risques de nuisances acoustiques, les promoteurs éoliens sont soumis à une norme spécifique, la norme NF S 31-114, qui est actée par l’arrêté du 26 août 2011 mais n’a jamais été homologuée du fait des trop nombreuses critiques qui ont été émises à son sujet, par l’AFNOR comme par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Et pour cause : plutôt que de permettre le relevé des bruits ponctuels générés par le passage des pales, la norme NF S 31-114 raisonne par moyennes et lisse ainsi ces dépassements sur une médiane qui doit rester en-dessous des seuils autorisés. Autant dire qu’il n’existe rien de mieux pour gommer la réalité de l’impact sonore causé par une éolienne en fonctionnement.
Échauffour appréciera …

6. « Réduction de l’impact lumineux » : on peut dire merci ! L'effet « Roissy-Charles-de-Gaulle » sera atténué (mais pas supprimé, ne nous emballons-pas), après avoir brisé le cadre de vie rural de dizaines de milliers d’aspirants.

7. « Consultation obligatoire du maire avant le lancement d’un projet » : comprendre : si le maire critique le projet, il faut l'écouter et lui répondre. Mais c’est tout. C’est le propre d’une obligation strictement formelle, motivée par une conception façadiste de la démocratie. En réalité, tout se passera donc comme jusqu’à présent : le dernier mot reviendra à l’État, qu’importe le refus de la population locale, des instances saisies, du commissaire enquêteur … et désormais des édiles.

8. « Mise en place de comités régionaux de l’énergie » : « Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission » (Georges Clemenceau).

9. « Soutien au développement des projets citoyens » : c’est une confortable position rhétorique. Comment oser s’opposer à un projet porté par le peuple lui-même ?
D’abord, ne nous faisons pas d’illusion : les projets éoliens n’ont de « citoyen » qu’une participation très minoritaire qui, si elle n’existerait pas, ne changerait quasiment rien à leur économie.

Ensuite, ce n’est pas parce qu’un projet est « citoyen » qu’il est nécessairement respectueux de l’environnement. Les curieux pourront s’enquérir du projet en cours d’enquête publique en pleine forêt de Basse-Joux, une sapinière du Jura considérée comme l’une des plus belles de son genre, en plein cœur de multiples zones protégées, au péril de plusieurs sources qui alimentent en eau les communes environnantes, et tant qu’à faire, au beau milieu de territoires de chasse du milan royal.

10. « Création d’un fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel » : voilà comment institutionnaliser le chantage. L'église du village sera en pleine covisibilité, jugée « relative » par un préfet ou une cour, mais au moins, on aura financé la restauration de sa charpente.

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Dans le même temps, alors qu’on essayera tant bien que mal de dissimuler les données de mortalité avifaunistique qui in fine dévoileront un charnier de milans, faucons, cigognes et puffins, on subventionnera volontiers quelque association qui se serait donné pour but de protéger ces mêmes espèces.

C’est tout le principe de l’économie des mesures ERC (Éviter, Réduire, Compenser) telle qu’elle est perçue par la promotion éolienne … et désormais officiellement cautionnée par le ministère de la transition écologique.

Théodore Catry


Crédits photographiques : photo 1 : montage photographique à Coucy le Château : Alexandre Carlu ; photo 2 : L’Ardennais

Dreux : démolition de l’ancienne crèche, deux précieux soutiens disent non !

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Christophe Guillouet, délégué départemental d’Urgences Patrimoine ne ménage pas ses efforts depuis quelques mois, afin de sauver l’ancienne crèche de la démolition. Ce « petit patrimoine » remarquable de la ville devait être sacrifié au profit de la construction d’une résidence pour séniors.

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Nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter du sort de l’édifice, puisque deux soutiens et non des moindres, ont adressé un courrier à notre délégué.

Monseigneur le comte de Paris et Monsieur le Président du Conseil Départemental d’Eure-et-Loir, soutiennent désormais notre action contre cette démolition infondée.

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Message de notre délégué :

« Urgences Patrimoine remercie chaleureusement le comte de Paris et le Président du Conseil Départemental pour leur courrier et leur soutien à notre engagement pour le petit patrimoine de Dreux. Cela fait chaud au cœur ! Comme quoi, il y a des personnalités et des élus de premier plan qui sont sensibles à ces questions. Espérons que la municipalité de Dreux saura en tenir compte. »

Il semblerait que d’ores et déjà notre mobilisation ne soit pas vaine, puisque dans un petit article de la presse locale, Monsieur le Maire se dit prêt à renoncer à la démolition de l’édifice.

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À suivre …


Crédits photographiques : Christophe Guillouet

Urgence absolue pour le Château de La Rochepot

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À travers cet article, il ne nous appartiendra pas de nos opposer à une décision de justice, somme toute légitime, à l’encontre d’un propriétaire peu scrupuleux. Notre seule et unique préoccupation, comme toujours, est de défendre avec force et conviction le patrimoine des territoires.

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Le Château de La Rochepot, est un château de contes de fées qui, grâce à la famille du Président Sadi-Carnot, a pu renaître de ses cendres alors qu’il n’était que ruines au lendemain de la révolution française. Cet édifice remarquable, classé au titre des monuments historiques, est un des fleurons du patrimoine bourguignon, bien connu de tous ceux qui, enfants, descendaient dans le Sud de la France par la Nationale 6.

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Alors que la vente du château ne devrait pas intervenir avant deux ans, les habitants et les élus locaux, ont eu la mauvaise surprise de découvrir que la majorité du mobilier allait être vendue aux enchères le dimanche 10 octobre.

Certes, une vente du matériel servant aux visites était programmée, mais en aucune façon il n’était question de vider La Rochepot de son mobilier « historique », dont une pièce, et non des moindres, offerte par l’Impératrice de Chine en personne au Président Sadi-Carnot.

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Dépouiller le château de son mobilier reviendrait à priver quelqu’un de ses organes vitaux. Qui pourrait vivre sans cœur et sans poumons ?

Du cœur, il en faudrait un peu à l’administration fiscale et du bon sens aussi, car on ne « liquide » pas un monument historique comme on liquide une usine. Certes, Madame Bachelot pourrait interdire la sortie des lots en vente du territoire national, mais cela ne changerait rien. Le château doit être vendu c’est un fait, mais avec son entier mobilier.

C’est ce que réclame le collectif qui vient de se créer, la Maire de la commune en tête. D’ailleurs, la fronde s’organise en hâte et plusieurs recours ont été adressés au Préfet et à toutes les instances qui pourraient intervenir pour empêcher ce que nous appellerons une nouvelle fois un « patrimonicide », même s’il ne s’agit pas ici de démolition, mais plutôt de pillage.

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Sans grande surprise, la Présidente de Région n’a pas souhaité intervenir, ce qui est normal connaissant le peu d’intérêt qu’elle porte au patrimoine.

Ce Matin, le Sénateur Alain Houpert a publié une lettre ouverte qui est un magnifique plaidoyer en faveur du château.

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D’autres courriers ont été adressés au Préfet, comme celui du collectif que voici.

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Un courrier vient de nous parvenir, et non des moindres, celui du Maire de Beaune qui lui aussi plaide la cause du château.
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Nous espérons que tous ces élus ainsi que les membres du collectif seront entendus par nos « hautes instances », car le patrimoine ne doit pas être l’otage d’une procédure judiciaire.

N’hésitez pas à signer et à partager cette pétition ICI.

Bien évidemment, Urgences Patrimoine, qui a été sollicitée par le collectif, met tout en œuvre pour soutenir cette action de la dernière chance.

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Nous contacter : urgences.patrimoine@gmail.com


Crédits photographiques : Photo 1 : Siegfried Boulard-Gervaise/Collectif de sauvegarde; photo 2 : Siegfried Boulard-Gervaise ; photo 3 : Pascal Lagneau ; photos 4-5-6-7-8 : Collectif de sauvegarde

Patrimoine photographique en milieu rural: retour sur une collecte d’archives en Tarn-et-Garonne

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Camille Viala
Responsable des archives photographiques et numériques aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne

Après un cursus universitaire en Histoire de l’Art et Histoire, elle intègre le Master Archives & Images du DDAME au sein de l’Université Toulouse Jean Jaurès. Depuis trois ans, elle occupe le poste de responsable des archives photographiques et numériques aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne. De récents travaux - menés par l’équipe des archives - autour du recensement des héliographes ayants exercés sur le territoire du XIXe siècle à nos jours ont donné lieu à différentes opérations de collecte d’archives privées, comme celle du studio photographique René Brousses en 2020.

Studios René Brousses, 50 ans de photographie dans le Quercy

Juillet 2020, les archives du photographe René Brousses trouvent refuge aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne. Un fonds d’une grande richesse pour l’histoire locale tout comme pour celle du médium photographique. Du XIXe siècle à 1988, ce fonds témoigne de l’activité de René Brousses mais aussi des photographes qui ont exercé avant lui, aux prémices de l’héliographie.

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Devanture du studio René Brousses à Saint-Antonin, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

René André Marius Brousses est né le 1er mai 1920 à Saint-Antonin-Noble-Val. Il s’installe comme photographe sur le territoire et ouvre successivement trois studios implantés à Saint-Antonin-de-Noble-Val, Caylus et Caussade. Sa pratique est essentiellement axée autour de la photographie de studios et de reportages. Tout au long de sa carrière il réalise de nombreux portraits et fixe sur la pellicule le quotidien des habitants du Quercy. En parallèle, il est aussi correspondant pour le journal La Victoire créé à Toulouse par Pierre Dumas, il réalise ainsi des reportages de presse de 1944 à 1949.

Si le fonds se compose essentiellement de documents produits par les studios R. Brousses, on y trouve également des photographies capturées par d’autres héliographes. Éloi Faure 1890-1967) débute son activité dans le studio de Saint-Antonin en 1916. Le second photographe, Théodore Déjean (1850-1899), exerce son activité à Caylus. C’est sa fille Marie Déjean qui hérite du studio et qui procède à sa vente à René Brousses en 1947.

Collecte du fonds et historique de conservation

Un matin d’été, l’équipe des Archives départementales de Tarn-et-Garonne pousse la porte du studio. Presque rien n’a bougé depuis le départ de René Brousses en 1988 (?), chaque objet est encore à sa place. Un calendrier annuel posé sur le comptoir de la boutique date de cette année-là.

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Studio René Brousses, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.


Des pellicules photos sont toujours exposées a la vente : 30,50 F pour la Kodak Gold, 50 F pour la Fujichrome ! On trouve aussi du papier pour Polaroid ainsi que des cartes postales illustrées du département, éditées par le studio R. Brousses. Dans un petit coin du comptoir, des photographies attendent sagement dans leurs pochettes Kodak la venue de leurs propriétaires.

Au premier étage de la maison-boutique, se trouve le studio de photographies, le bureau de René et son atelier où sont entreposés fournitures, appareils et documents d’archives revues, publicités, factures, registres, correspondances). Les éléments de décor du studio sont comme figés dans le temps.

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Studio René Brousses, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.


C’est dans la petite pièce à l’arrière que repose une grande partie du fonds René Brousses. Une dizaine d’appareils photographiques anciens se mêle aux archives, aux nombreuses boîtes de plaques de verre, tracts publicitaires et matériels de bricolage.

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Archives et appareils photographiques de René Brousses, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

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Photographies sur plaques de verre, juillet 2020.© Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

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Tract publicitaire pour l’ouverture du studio René, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

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Dans l’atelier de René Brousses, juillet 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

Conservation préventive des documents d’archives

Lors de son arrivée, le fonds d’archives a été entreposé dans une petite pièce pour une mise en quarantaine. Une identification des différents ensembles documentaires a été réalisé afin de repérer les documents dans un état sanitaire critique. Un important travail de décontamination, de séchage et d’assainissement a été mis en œuvre pour les archives présentant des signes de moisissures notamment.
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Nettoyage des documents photographiques, été 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

Les autres documents ont également fait l’objet d’un nettoyage, selon une technique et des moyens différents en fonction de la typologie documentaire et plus particulièrement du procédé et du support photographique en question. C’est notamment le cas des négatifs sur nitrate de cellulose (1889-1951). Supports inflammables si la température ambiante atteint les 40°C , la conservation des négatifs en nitrate de cellulose est délicate. Utilisé en photographie et au cinéma de 1890 a 1950, il est interdit en 1951. Le conditionnement - de l’ensemble des documents, quel que soit le support - dans du matériel de conservation adapté a été mis en œuvre et se poursuit encore aujourd’hui.

Analyse et classement du fonds

De la plaque de verre au gélatino-bromure d’argent à la diapositive 24x36 Kodak Color en passant par des négatifs en nitrate de cellulose, procédés, supports et usages de la photographie, de son origine aux années 1980, défilent sous nos yeux. Le fonds se compose essentiellement de clichés mais on y trouve aussi tout un ensemble de documentation professionnelle (revues spécialisées, publicités), d’appareils photographiques et de documents écrits (registres, comptabilité, carnets des différents dépôts). Ce témoignage composite a toutefois soulevé de nombreuses questions du point de vue de la conservation, du classement et de l’exploitation des documents.
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Archives René Brousses, été 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.


Crédits photographiques : Archives René Brousses, été 2020. © Fonds René Brousses - Archives départementales de Tarn-et-Garonne.

Tourcoing : patrimoine remarquable, mais jetable ?

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Le patrimoine industriel est de plus en plus protégé, mais pas vraiment partout. Dans ce cas précis, cette « cathédrale industrielle » identifiée comme patrimoine remarquable, est la prochaine victime de la promotion immobilière dans les Hauts-de-France.

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Pourtant, ses volumes pouvaient donner lieu à un projet de réhabilitation ambitieux, mais la ville estime que l’édifice est « trop grand ». À l’heure où tout le monde se préoccupe de la question de l’écologie, ce sont des tonnes de déchets qui devront être traitées. Nous n’avons qu’un mot à dire : « affligeant ».

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L’association Le Non-Lieu nous invite à la réflexion :

« Le problème avec les usines c’est que ça fait des logements trop grands… »
Service urbanisme de la ville de Tourcoing –––––––––


Nous espérions un peu naïvement qu’après la démolition de 50000m2 de l’usine Masurel, la ville de Tourcoing procéderait avec plus de délicatesse pour ses sites industriels emblématiques restant… Hélas, nous découvrons avec stupeur il y a quelques semaines un permis de démolition TOTALE affiché sur l’ancienne usine Jules Desurmont & Fils. 20000m2 de cathédrale industrielle au caractère patrimonial remarquable vont à leur tour disparaître du paysage urbain tourquennois.

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Une fois encore ce sont les besoins impérieux en logements qui motivent cette action et ce sont plusieurs centaines d’appartements qui pousseront sur le foncier restant de l’usine Desurmont.

Alléchés par la politique de renouvellement urbain et celle, louable au demeurant, de moindre artificialisation des sols, les promoteurs et la ville investissent les emprises foncières des usines à l’abandon pour y construire des habitations très densément groupées et, la plupart du temps, à la qualité architecturale très discutable.

Pourquoi donc ne pas réhabiliter ces usines-châteaux qui se prêtent généralement bien aux changements de destinations ? Les exemples sur la métropole ne manquent pas : l’ancienne usine Vanoutryve devenue Plaine Images (Roubaix-Tourcoing), la filature Leblan / Lafont aujourd’hui Euratechnologies (Lille), ou encore les nombreux hôtels d’entreprise de Roubaix (Roussel, Cavrois-Mahieu, Lepoutre) …

Quelles raisons empêchent donc ville et promoteurs d’envisager une réhabilitation même partielle du site Desurmont ? Est-ce donc impossible ? Trop pollué ? pas rentable ? Non ! A priori, selon la ville c’est juste plus compliqué : cela impliquerait des logements trop grands et trop profonds et l’usine Desurmont, pourtant reconnue édifice remarquable (dans l’ancienne ZPPAUP devenue SPR de la ville de Tourcoing, tout comme l’usine Masurel qui vient de subir de graves dommages), ne possèderait pas de « qualités patrimoniales suffisantes » (sic).

Les arguments sont pourtant nombreux pour contester cette façon finalement anachronique d’envisager le patrimoine et de faire de l’urbanisme.

Nombreux sont les exemples d’anciennes villes industrielles capitalisant sur leur patrimoine pour bâtir un marketing territorial solide et attractif. Berlin, Liverpool, Duisbourg ou encore Gand jouent de l’attrait dont bénéficie le patrimoine industriel pour constituer une image de métropoles dynamiques et ancrées dans leur époque. Cette contemporanéité se trouve souvent enrichie par l’adjonction de gestes architecturaux rendus possibles par la résilience des bâtiments industriels.

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De nouveaux paysages urbains mêlant habilement modernité et patrimoine attirent une population mixte et de jeunes entreprises créatives. La ville de Tourcoing ne devrait-elle pas elle aussi s’appuyer sur la richesse de son patrimoine bâti pour développer une nouvelle image, au lieu de systématiquement le mettre à bas pour construire de nouveaux logements dont le coût environnemental reste à définir ?

Cette considération est d’autant plus importante que s’il est aujourd’hui indispensable de limiter l’artificialisation des sols, négliger l’impact carbone des constructions neuves serait préjudiciable à une politique urbaine cohérente et responsable.

Le bâtiment est en France le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effets de serre et la phase de construction représente 60% de l’empreinte carbone d’une construction neuve. C’est d’ailleurs la réalisation de l’enveloppe du bâtiment qui constitue la part la plus notable de l’empreinte carbone. Si l’on ajoute à cela la phase de démolition il est indispensable aujourd’hui d’envisager la réhabilitation de nos usines comme une nécessité et non comme une option de seconde zone.

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L’exemple de Desurmont & Fils est donc paradigmatique d’une façon de faire la ville qui privilégie la vue à court terme et néglige tant l’identité de nos cités que les enjeux environnementaux contemporains.

Il met en avant le peu d’imagination et le peu de volonté de certains élus qui confondent défense du patrimoine et postures nostalgiques. Il met aussi en lumière la place de plus en plus importante des promoteurs dans la fabrication de la ville. Face à cette gabegie, une réaction citoyenne s’impose.

Olivier Muzellec -Swan Cazaux
Association Le Non-Lieu



Crédits photographiques : Association Le Non-Lieu