November 2021

Montrenault (Sarthe) : la lente agonie de l'église Saint-Julien

bannerUPGPSuite à notre publication concernant la démolition de l'église de Puisenval, Frédéric Poupry, membre d’Urgences Patrimoine, nous a alerté sur l’état plus que préoccupant de l’église Saint-Julien située à quelques kilomètres de Mamers dans le département de la Sarthe.

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Nous relayons ici cette alerte :

L'église Saint Julien se trouve dans le hameau de Montrenault, qui a fusionné avec Saosnes au XIXe (qui fut dans des temps très reculés la capitale du Saosnois). Edifiée vers le XI/XIIe et remaniée au XVIe siècle, l'église, sur sa colline, sombre lentement vers la ruine et semble oubliée de tous...
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Elle possède encore quelques intéressants éléments de mobilier de l'époque Baroque. Elle est inscrite au titre des Monuments Historiques depuis 1994, ainsi que quelques éléments intérieurs.

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Malheureusement, elle est totalement laissée à l'abandon depuis des décennies. La toiture en tuile a été remplacée par des tôles, et l'ancien cimetière qui la jouxtait a été remplacé par un parking et un dépôt à ordures !

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Les seuls frais récents, réalisés l'année dernière, sont le remplacement de tôles trouées par des neuves en métal. C'est toujours mieux que rien... Menacée il y a 15 ans de démolition, elle avait été mise en vente à 1€, mais cela est resté sans suite. Sans doute un « coup de communication » de la part de l'ancien maire... Depuis, ce noble édifice est à l'agonie.

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À la différence de l’église de Puisenval, l’église Saint-Julien est protégée au titre des monuments historiques, ce qui en théorie devrait la protéger de l’état de ruine. Mais en raison de nombreux exemples sur l’ensemble du territoire, nous savons que la protection MH ne protège de rien et surtout pas de la ruine.

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Comme c’est le cas dans beaucoup d’endroits, la fusion entre deux communes entraîne la plupart du temps la multiplication des édifices religieux. Qui dit fusion, dit deux, trois, voire quatre églises à entretenir pour une même commune. C’est en partie pour cette raison que nous ne souhaitons pas accabler la commune, d’autant que le maire actuel n’est pas responsable de l’état calamiteux de l’édifice.

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En revanche, il peut, et surtout il doit, s’en préoccuper de toute urgence, afin de ne pas être responsable de la disparition d’un patrimoine quasi millénaire. Si la commune n’a pas les moyens de restaurer cette église, peut-être qu’effectivement, la vente à un privé ou à une association serait peut-être la meilleure solution, car il y a fort à parier que la DRAC refusera une restauration dans le cadre de chantiers bénévoles, à cause de la protection MH.

En tout cas, l’option vente sera toujours une bien meilleure option que la démolition.

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Nous allons donc contacter la mairie afin de proposer gracieusement nos services et notre expertise, dans le cadre de notre dispositif PPA (un Patrimoine, un Projet, un Avenir).

« Là où il y a une volonté, il existe un chemin » : nous espérons que le maire empruntera celui du bon sens, afin d’offrir un avenir à ce patrimoine, qui est, rappelons le, un bien commun.


Crédits photographiques : Frédéric Poupry

Cassel : La « Frégate » prend l’eau

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La Frégate, nom donnée au château du Général Vandamme à Cassel, est dans un état plus que préoccupant. L’édifice, classé au titre des Monuments Historiques, est en vente depuis plusieurs années, mais son prix semble trop élevé par rapport à son état de délabrement plus qu’avancé.

L’an passé, suite à des chutes de pierres sur la chaussée, le maire de la commune avait sommé le propriétaire d’effectuer des travaux de sécurisation. Ce dernier s’y était engagé, mais rien n’a été fait.

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Le Cercle Impérial de Flandre, qui veille depuis des années sur La Frégate, se désole de cette situation. Si cette association n’a pas les moyens de racheter l’édifice, elle est prête à accompagner un porteur de projet pour la renaissance de ce patrimoine emblématique de la ville de Cassel et Urgences Patrimoine pourra apporter un soutien. Nous venons d’assurer l’avenir du Château de Westhove à Blendecques, nous sommes prêts à nous investir aux côtés du Cercle Impérial de Flandre et de son président, Damien Top, sans oublier Dominique Seret, son secrétaire, qui ne ménagent pas leurs efforts pour sortir le château de l’impasse.

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Un projet pérenne pourrait voir le jour si une collectivité était disposée à racheter. La commune ayant peu de moyens, et déjà un riche patrimoine à entretenir, la Communauté de communes, le Département ou la Région, pourrait peut-être envisager quelque chose.

Hélas, nous n’en sommes pas là, et c’est peut-être par les voies légales qu’il faut se tourner.

En effet, il est important de rappeler qu’un propriétaire de Monument historique a, certes des droits, mais également des devoirs comme le rappelle notre avocat Maître Catry dans l’extrait de cet article :

« Le code du patrimoine (ci-après C. Patr.) pose en la matière une règle fondamentale à l’article L. 621-29-1, en disposant que « le propriétaire ou l'affectataire domanial a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient ou lui est affecté. » Cette obligation est attachée à l’immeuble : en d’autres termes, peu importe que le propriétaire ayant obtenu l’inscription du bien s’en sépare : la loi dispose que tous les effets attachés à ce classement suivent l’immeuble « en quelques mains qu'il passe » (article L. 621-29-5 du même code). La défaillance du propriétaire dans son devoir de protection du bien inscrit n’est pas sans conséquence : à ce titre, l’État, en tant qu’autorité de référence, peut reprendre la main de façon plus ou moins radicale. Ainsi, si la conservation de l’immeuble est « gravement compromise » (article L. 621-12 C. Patr.), une procédure de mise en demeure est prévue pour imposer au propriétaire la réalisation des travaux nécessaires avec délais imposés et participation financière de l’État à hauteur de 50 % au maximum. Le propriétaire qui ne se conformerait pas à cette mise en demeure s’expose à ce que l’autorité administrative fasse exécuter des travaux d’office ou même entreprenne son expropriation au nom de l’État (article L. 621-13 C. Patr.) »

C’est la raison pour laquelle, nous allons saisir la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) des Hauts-de-France et toutes les instances compétentes, afin que la loi soit appliquée, car si rien n’est fait rapidement, La Frégate ne sera plus qu’un souvenir et la France perdra un des témoins de son histoire.

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Lire notre précédent article de La Gazette du Patrimoine sur ce sujet ICI.


Crédits photographiques : Dominique Seret

Seine-Maritime : une église du XIe siècle rasée dans l’indifférence générale

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Force est de constater que lorsqu’une église flambe, tout le monde s’en émeut, mais lorsqu’elle est démolie, c’est la loi du silence.

L’église de Puisenval n’est plus qu’un souvenir. En temps normal, nous nous heurtons au mépris du XIXe siècle, siècle maudit pour une architecture jugée sans intérêt pour les grands faiseurs du patrimoine. Or, dans le cas de l’église Saint-Nicolas, c’est une église romane qui a disparu du paysage.

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En « investigant » un peu, on se rend compte qu’elle était officiellement à l’abandon et désacralisée depuis près de 50 ans. Mais pourquoi donc personne ne s’est ému de cette situation avant qu’il ne soit trop tard ? Pourquoi les « grandes associations » de sauvegarde du patrimoine n’ont rien tenté, à l’époque où il était encore possible d’agir ? Effectivement, n’est pas Notre-Dame qui veut et, donc, l’édifice a dû être jugé trop modeste pour ne pas être sauvé. Nous avons pourtant perdu là un élément remarquable du « petit patrimoine » Normand, car on ne peut pas dire qu’à chaque coin de rue l’on puisse croiser un témoin de l’architecture romane.

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Il ne servira à rien de « pleurnicher » sur la mémoire de l’église Saint-Nicolas, puisque cela fait au moins deux ans semble-t-il, que les pelleteuses ont fait leur œuvre.

Mais nous pouvons une fois encore relancer le débat sur le devenir de tous ces édifices à l’abandon et pour lesquels les élus ont peu d’empathie. Mettre de l’argent public dans la restauration d’une modeste église romane ? Hors de question ! Les pelleteuses étaient donc l’unique solution ? Non et non ! Avec un minimum de volonté et d’idées, offrir une nouvelle destination à cette église était possible, même pour une minuscule commune. Et puis, il existe toujours la solution ultime de la vente à un privé. Mais cette idée ne vient que rarement jusqu’aux cerveaux des démolisseurs. Pourtant, c’est une vraie solution qui permet d’assurer l’avenir d’un édifice et qui permet surtout de ne pas dépenser un centime d’argent public, car n’oublions jamais qu’une démolition à un coût.

Dans sa « Guerre aux démolisseurs », Victor Hugo commence par : « Il suffirait d’une loi, qu’on la fasse. » Et si presque deux cent ans après la publication de cette petite phrase, il était venu le temps de faire une loi pour freiner l’hémorragie ? Il suffirait de rendre obligatoire la mise en vente des édifices « encombrants » des communes à des privés pendant une durée d’un an. Nous éviterions ainsi bien des démolitions. Certes, tous ne trouveraient pas preneurs, mais au moins ils auraient eu une chance d’avoir un avenir.

Enfin, il est bien trop tard pour notre pauvre église Saint-Nicolas. Nous remercions infiniment Franck Lemarchand qui nous a alerté. Au moins cet article va-t-il permettre d’actualiser le statut de l’édifice, qui ne figure pas parmi les édifices démolis ni sur le site du Diocèse de Rouen, ni même sur le site de l’Observatoire du Patrimoine Religieux.

Un de nos contacts a appelé la mairie aujourd’hui, qui ne semblait pas très disposée à donner des renseignements détaillés concernant « une vieille affaire ». Nous savons juste que certains éléments auraient été transférés aux archives de Rouen. S’il s’agit des boiseries peintes, il serait peut-être judicieux de les faire restaurer. Quant à la tombe du prêtre et à la peinture murale, nous craignons fort qu’elles aient fini en poussière.

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Nous terminons avec le témoignage de Franck Lemarchand, qui honore une dernière fois la mémoire perdue de l’église Saint-Nicolas de Puisenval.

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Franck Lemarchand est un passionné de 41 ans habitant le village de Cressy. Dès son plus jeune âge, le Cauchois est d’abord passionné par l’histoire et le patrimoine de son cher village, pour lequel il a été un élu acharné. Puis, sa passion va s’ouvrir à l’ensemble du département de la Seine-Maritime. A force de lectures, de recherches sur les villages, et notamment sur les communes disparues, Franck Lemarchand a acquis de nombreuses connaissances sur ce qui fait la richesse de nos campagnes. Il est toujours excité d’apprendre de nouvelles données et anecdotes sur ce que nos ancêtres ont bâti avec goût et élégance.

Puisenval est un petit village de 26 habitants situé dans le Talou, au nord-est du département de la Seine-Maritime. Cette commune est la moins peuplée du département. Il y a près de 20 ans en sillonnant la Seine-Maritime de villages en villages, j’ai voulu découvrir le petit village blotti dans un vallon, à l’ombre de hautes collines verdoyantes.

J’ai été agréablement surpris de découvrir la charmante église Saint-Nicolas des XIè et XVIIIè siècles, édifice qui sentait bon les vieilles églises bâties en tuf et en silex. Je m’étais alors épris d’un profond attachement pour la vénérable vieille Dame. Pénétrant dans l’église, mon profond respect s’est renforcé à la vue du riche et rare mobilier. Devant mes yeux émerveillés, tel un enfant, l’histoire de Puisenval s’offrait à moi.

La tour-clocher, beau corps carré bâti en tuf et en grès ferrugineux de Hodeng, était à lui seul un monument. Il était le gardien des âmes des habitants depuis 1000 ans. Quelle merveille !

Lors de ma visite, l’église isolée était déjà désaffectée depuis plus de 40 ans, mais son état permettait encore d’envisager une sauvegarde.

L’église renfermait une litre funéraire, un autel, une dalle tumulaire en marbre et pierre datant de l’an 1700. Cette dalle, située dans le chœur, représentait un prêtre revêtu de la chasuble antique. Elle était celle de l’abbé Pierre Brasseur, curé du lieu. L’église renfermait aussi de vieilles statues ainsi que de belles peintures sur bois. Le clocher supportait une cloche de l’an 1628.

Un véritable trésor qui donc était en sursis faute de moyens financiers pour une commune de cette taille.

J’ai décidé alors d’informer l’association Sauvegarde de l’Art français et proposé à la mairie de monter un dossier pour la sauvegarde de l’édifice. Malheureusement, cette dernière n’a pas voulu donner suite.

C’est un fait, des communes de cette taille, au budget très restreint, n’ont pas les moyens financiers de supporter seules ce type de patrimoine. Nous le comprenons. Malgré tout, il existe d’autres pistes pour sauver notre patrimoine : associations, subventions publiques, mécénat… Quand on veut, on peut ! Il suffit simplement que les élus aient la force de se dire que le patrimoine, telle l’église de Puisenval, présente depuis un millénaire, ne leur appartient pas, mais appartient au bien commun, à l’histoire de nous tous.

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Je suis retourné à Puisenval le 12 novembre 2021 pour revoir ma chère église. Un sentiment de frayeur m’envahit en ne voyant plus le clocher dans le paysage. En arrivant sur le site, je me suis aperçu que la vénérable église toute entière avait été rasée ! La tour-clocher aux murs épais n’a même pas été sauvée. Je me suis mis à pleurer sur ce triste sort, dans l’indifférence totale de tous ! Quel gâchis ! J’espère juste que le mobilier de l’intérieur de l’église a été sauvé de la destruction, car il était la seule richesse du village de Puisenval, et lui apportait toute sa dignité.

Ayant parcouru cette partie du Talou, j’ai été effrayé par la dégradation lente mais sûre de beaucoup d’églises et de chapelles, oubliées du monde « moderne ». Ce patrimoine rural doit être une priorité pour les pouvoirs publics, et doit même être une cause nationale. Lorsque ces édifices, témoins de notre héritage et du savoir-faire de nos ancêtres, auront disparu faute d’argent, de méconnaissance ou de désintérêt, la France aura alors perdu son âme.

Si nous ne nous réveillons pas, le futur de nos villages risque fortement d’être sans intérêt.


Crédits photographiques : Franck Lemarchand

Sierck-Les-Bains: les travaux de sécurisation ont commencé. La Maison Berweiller semble définitivement sauvée

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Après l’annonce de son inscription au titre des monuments historiques, l’avenir de la Maison Berweiller semble s’éclaircir chaque jour un peu plus.

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Un an après qu’Urgences Patrimoine ait lancée l’alerte quant à la démolition programmée de cet édifice datant du XVIIe siècle, tout est à présent mis en place pour assurer son avenir.

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En effet, le 5 novembre a eu lieu la remise officielle des clés à la DRAC, devant un huissier de justice et, aujourd’hui, la pose d’un échafaudage atteste de l’imminence des travaux de sécurisation.

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Urgences Patrimoine est fière d’avoir été à l’origine de cette sauvegarde grâce à un « petit coup de Gazette magique », car c’est suite à la publication de notre article annonçant la démolition de l’édifice, que le collectif de sauvegarde local s’était constitué avec à sa tête, Joseph Nousse et Stéphane Hassler. Nous tenons à saluer leur engagement et leur détermination pour la sauvegarde de ce haut lieu du patrimoine de la commune. La majorité des associations de sauvegarde du patrimoine nous a rejoint dans ce combat, ce qui prouve, une fois encore, que l’union fait la force.

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Malgré les réticences de la commune qui ne souhaitait pas conserver l’édifice, la maison devrait être cédée, après la mise en sécurité, à un propriétaire privé qui saura lui assurer un avenir pérenne.


Crédits photographiques: photo 1- 2-3 : Stephanne Hassler ; photo 3 : Joseph Nousse

Saint-Maixent-l’Ecole: compromis signé, mais maire obstiné

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Nouvel épisode du feuilleton « Patrimoine de Saint-Maixent-l’Ecole, ton univers impitoyable ». En effet, ce vendredi 12 novembre, l’ADANE (Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et ses Environs) a signé, devant notaire, un compromis de vente pour l’acquisition de l’ancienne boucherie, espérant ainsi éviter sa démolition.

Cela fait près d’un an que l’association surveille l’affaire de près et a tout tenté pour préserver l’édifice du projet de démolition envisagé par la mairie, qui souhaite, en lieu et place, construire trois logements sociaux.

Nous pensions naïvement que la découverte de la peinture murale du XVe siècle freinerait les ambitions « démolisseuses » du maire de la commune, mais non, ce dernier s’obstine à vouloir rayer de la carte ce pan de l’histoire locale.

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Marie-Claude Bakkal-Lagarde, Présidente de l’ADANE et déléguée Urgences Patrimoine pour les Deux-Sèvres, nous fait le résumé de la situation au lendemain de la signature du compromis.

Ce vendredi midi, l’ADANE a approuvé le compromis de vente chez un notaire en vue de l’acquisition de l’ancienne boucherie Griffier, à Saint-Maixent-l’Ecole, propriété-écrin de l’exceptionnelle peinture murale représentant le Christ et Saint Christophe.

Cet achat se fait après une situation délétère, où le propriétaire maître d’ouvrage et ses maîtres d’œuvre ne peuvent accéder à la propriété cadenassée par la municipalité. Rappelons que la police municipale a usé de sa force pour les sortir des lieux (cf. photo), allant jusqu’à mettre un planton de garde pour interdire la visite d’une experte, le 19 octobre au matin. Elle devait préconiser des consignes de protection, en concertation avec la DRAC, pour mettre cette peinture murale à l’abri des intempéries. L’édifice n’ayant ni toit ni murs latéraux, l’œuvre est toujours exposée aux dégradations climatiques.

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Et maintenant, même si l’association dispose des fonds nécessaires pour le financement et les travaux, la partie n’est pas gagnée. Urgences Patrimoine veille.

En effet, devant la TV, à la radio et devant la presse locale et nationale, l’élu maintient sa position « altruiste ». Son projet de construction de trois logements sociaux est le meilleur qui soit pour ce lieu.

Regarder le reportage pour le 19-20 de France 3 réalisé avant la signature ICI.

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Peu importe qu’il faille détruire des façades en pierre de taille épaulant la maison à colombage du XVe siècle situé à l’ouest, qu’il soit nécessaire de raser les murs de refend, de consolider les murs pignons des maisons adjacentes qui seront déstabilisées. D’ailleurs les droits de propriété sur ces murs périphériques sont extrêmement compliqués à établir, même en consultant les anciens actes notariés. Alors de là à considérer que tout est mitoyen ou tout est propriété privée, c’est un autre dossier.

Et surtout, maintenant que la peinture murale est sous les phares de l’actualité et la vigilance de la DRAC depuis le 29 septembre 2021, elle ne peut disparaître comme ça. L’élu suggère qu’elle soit déposée. Mais où la remiser ? Dans quel musée éloigné ? Niort à 22 Km ou Poitiers à 40 km ? Subséquemment, elle suivrait l’exil du mobilier lapidaire et des autres biens culturels de cette cité délocalisée durant deux siècles dans ces mêmes villes, privant une fois de plus Saint-Maixent-l’École et ses habitants de leurs racines culturelles et de l’intérêt économique associé, s’ils y étaient décemment conservés.

Il ne suffit pas d’avoir la locomotive à vapeur, le charbon et l’eau, ainsi que le chauffeur. Si ce dernier n’est pas autorisé à y monter dans la cabine, la locomotive ne démarrera pas. Déjà des voyageurs se sont entassés dans les wagons, faisant entendre leur enthousiasme ; d’autres attendent sur le quai pour prendre le train en marche. On ne sait jamais, il faut être sûr de ne pas se tromper, on pourrait y perdre quelques plumes de chapeau.

Comme l’arrivée du chauffeur, le compromis signé déclenche des obligations, dont celles faites au propriétaire du bien, de formaliser sa déclaration d'intention d'aliéner (DIA). En effet, la maison concernée est localisée à moins de 100 m d’un site classé : l’abbatiale de Saint-Maixent. Le plan local d’urbanisme mentionne le droit de préemption urbain comme prévu par le code de l'urbanisme.

Mandaté par le propriétaire, le notaire va rédiger la DIA en s’assurant de la présence des mentions imposées par les textes ou les décisions de justice. Généralement, la déclaration constitue une véritable offre de vente notamment, lorsqu’il s’agit d’une vente de gré à gré avec précision du prix et des modalités de paiement du prix. La collectivité publique disposera alors de deux mois, à compter de sa réception, pour faire savoir si elle souhaite ou non acquérir le bien. La réponse du titulaire du droit de préemption sera notifiée au déclarant, ici le notaire. L’absence de réponse dans le délai imparti équivaudrait à une renonciation à préempter.

Trois réponses sont possibles :
  • La collectivité peut décider expressément de renoncer à l'achat dans un délai de 2 mois à partir de la réception de la DIA. Le propriétaire peut alors vendre son bien au prix figurant dans la DIA à l'acquéreur de son choix.
  • L’acceptation au prix : la collectivité peut décider d'acquérir le bien aux conditions proposées par le propriétaire. Les parties signent alors un acte notarié concluant la vente. La collectivité dispose d'un délai de 4 mois à partir de la décision d'acquérir pour régler le prix. Tant que la collectivité n'a pas intégralement réglé le paiement, l'ancien propriétaire conserve la jouissance du bien.
  • L’acceptation à un prix inférieur : la collectivité propose un prix inférieur. Le propriétaire a 2 mois, à compter de la réception de cette offre pour notifier à la collectivité, soit qu'il accepte le prix proposé, soit qu'il maintient son offre, soit qu'il renonce à la vente.
À défaut d'accord sur le prix, la collectivité peut saisir le tribunal pour lui demander de le fixer. Si le TGI est saisi par la collectivité, cette dernière a l’obligation de consigner à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 15 % du montant du prix fixé par les Domaines. Les parties disposent de 2 mois à partir de la décision du TGI pour faire connaître leur réponse. Chacune des parties peut renoncer à la mutation.

Si la renonciation à vendre émane du propriétaire, la remise en vente du bien nécessitera une nouvelle DIA. Si la renonciation émane du titulaire du droit de préemption, ce dernier ne peut plus exercer son droit de préemption à l'égard du même propriétaire pendant 5 ans à condition que le bien soit vendu au prix fixé par le juge (révisé le cas échéant en fonction de l'ICC).

Le prix est payé (ou consigné) dans les 4 mois suivants la décision définitive du juge. À défaut de respect du délai de paiement prévu en cas d'acquisition au prix de le DIA ou au prix fixé par le juge, le propriétaire peut vendre librement son bien, sans nouvelle DIA. Le transfert de propriété intervient à la plus tardive des deux dates que sont le paiement du prix et l'acte authentique constatant la vente.

Le Droit de Préemption Urbaine (DPU) est une expropriation-achat qui ne dit pas son nom.

Dans le cas présent, quel délai pour la protection  de la peinture murale et la sécurisation des lieux ? Tout dépend de la réponse donnée à la DIA.

Si la DIA est acceptée, sitôt l’acte de vente signé, l’ADANE entend commencer les travaux. L’association s’engage à protéger urgemment la peinture murale, à sécuriser immédiatement les lieux, puis lui rétablir rapidement son écrin selon les techniques anciennes. L’échéancier serait très court.

Les finances municipales non entamées permettraient de consacrer ces fonds aux autres maisons dont la précédente équipe municipale et l’actuelle se sont rendues propriétaires et dont certaines sont frappées d’arrêtés de péril, par exemple la maison à colombage contigüe à l’hôtel Chauray, le monument historique à gauche sur la photographie.

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Quelle suite au droit de préemption urbaine ?

En cas d’aliénation, le propriétaire annonce à l’ADANE qu’il retirera son bien de la vente. Il a connaissance de la valeur historique du lieu. Il faudra aussi que l’élu municipal laisse les maîtres d’œuvre y entrer pour faire les travaux exigés. Ce qui leur est actuellement interdit et en totale inadéquation avec l’arrêté de péril ordinaire émis avant son arrivée. La grille est doublement fermée par le cadenas apposé par le propriétaire et le clinquant cadenas apposé par la mairie (cf. photo).

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L’élu invoque « l’intérêt général ». Qu’entend-on juridiquement par cette expression ? Des juristes spécialisés sauront se prononcer sur ce dossier dans le cadre d’une procédure au Tribunal administratif. Il existe déjà des jurisprudences en faveur du patrimoine.

Quels délais de réalisations ? Si l’aliénation intervenait et la démolition était entérinée par la DRAC, on parle de nos jours de « déconstruction » — un euphémisme moins violent. Elle devra être réalisée sous la surveillance d’archéologues spécialistes du bâti. En effet, les lois changent et on ne détruit pas une maison médiévale au cœur d’un ilot urbain mis sous surveillance par la DRAC, sans enregistrer les informations techniques et iconographiques. Une autre équipe devra intervenir pour les vestiges enfouis dans les sols et sous-sols. Dans un premier temps, il y aurait un diagnostic et selon le potentiel dont nous ne doutons pas, il y aura une étude complète et une fouille archéologique.

Diantre, combien cela coûtera-t-il ?

Compte tenu des lieux et des contraintes techniques, « l’ardoise » pourrait bien avoisiner le million d’euros, et possiblement plus, si l’on ajoute les frais annexes, la dépose et la restauration de la peinture, la stabilisation-conservation des objets archéologiques qui pourraient être découverts au cours des recherches archéologiques.

Ce « million d’euros » occasionne un énorme surcout pour ce projet de construction initialement chiffré par le promoteur à 700 000 euros, même si 50% de la dépense était réglée par une compensation municipale de 350 000 euros au titre de la sécurisation des lieux (cf. vidéo), cela ferait des appartements à 566 000 euros, autant dire qu’ils ne seraient pas rentabilisables pour un organisme social. Dernier point : quid de l’échéancier de réalisation des travaux ? Il serait sans doute proche de deux ans, car de nombreux délais sont incompressibles. Deux mois pour une transaction notariale, deux mois pour une prescription de diagnostic archéologique, plusieurs mois pour l’arrivée d’une équipe de spécialiste, puis, après la phase du chantier de diagnostic, trois mois pour la remise du rapport de diagnostic, et si celui-ci confirme l’intérêt du site, on recommence pour une fouille archéologique : deux mois pour la prescription, deux mois pour faire un appel d’offre, deux mois pour qu’une équipe intervienne et la durée du chantier.

Qu’en pense les voisins, les proches, la population ? Depuis une semaine, un sondage réalisé par l’ADANE et diffusé sur internet apporte ses premiers résultats :

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Les résultats de ce sondage se passent de commentaire, mais le maire saura-t-il en tenir compte ?

À suivre…


Crédits photographiques: ADANE

Mobilisons-nous contre la destruction des tombes des Soldats Morts pour la France

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Nous nous associons au Souvenir Français, qui lance aujourd’hui une pétition contre la destruction des tombes des Soldats Morts pour la France. Il est totalement inconcevable que la loi autorise la disparition des dernières demeures de ceux qui ont combattu pour notre liberté.

Les lois qui s’appliquent au funéraire ne sont plus adaptées, il est donc temps d’engager de grandes réformes.

C’est la raison pour laquelle Urgences Patrimoine, par le biais de la Commission Nationale de Sauvegarde du Patrimoine Funéraire, soutient cette pétition. Merci de signer et de partager massivement pour dire non à une seconde mort de nos héros tombés pour la Patrie.

Attention : comme il est précisé dans le communiqué ci-dessous, il est inutile de faire un don au moment où la plateforme vous invite à le faire, les dons n’étant pas destinés à la cause, mais à la plateforme. En revanche, tous vos partages sont les bienvenus.

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Communiqué du Souvenir Français :

Le Souvenir Français lance une pétition en ligne pour sauver les tombes des « Morts pour la France » dans les cimetières communaux

A l’occasion du 11 novembre, journée nationale d’hommage aux Morts pour la France, Le Souvenir Français (membre de la Commission nationale de sauvegarde du patrimoine funéraire) en partenariat avec d’autres associations dont Urgences Patrimoine, lance une pétition en ligne pour sauver les tombes de Morts pour la France dans les cimetières communaux.

En France, tous les jours disparaissent des tombes familiales dans lesquelles sont inhumés des combattants « Morts pour la France », la durée de leur concession étant arrivée à échéance ou faisant l’objet d’une procédure de reprise (concession perpétuelle).

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Tombe de Jean et Georges Morere et Herman Clanet, trois combattants d’une même famille Morts pour la France à Neuilly-sur-Seine, rénovée depuis grâce à l’action du Souvenir Français (©Le Souvenir Français, 2020)

Le Souvenir Français s’oppose à ces disparitions. Ces tombes sont en effet le croisement de trois mémoires : familiale, territoriale et nationale. La disparition d’une famille ne justifie pas de faire table-rase des deux autres mémoires.

Afin de sensibiliser le plus grand nombre de nos concitoyens sur cette question, Le Souvenir Français a décidé de lancer une pétition en ligne adressée à Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les activités territoriales.

La pétition a pour objectif de sensibiliser les maires et les élus à la valeur patrimoniale, historique et mémorielle des tombes de Morts pour la France en proposant une politique simple et pragmatique de sauvegarde. A savoir, la conservation de la tombe in situ, si elle présente un caractère esthétique ou si le destin du combattant qui y est inhumé est exceptionnel. Le Souvenir Français propose également la création d’une tombe de regroupement dans le cimetière où seront inhumés les restes des combattants et de leur famille.

Cette pétition s’inscrit dans la campagne de sensibilisation initiée par Le Souvenir Français en 2020 avec la diffusion d’un film sur le destin de trois combattants d’une même famille de la Première Guerre mondiale dont la tombe était en procédure de reprise (cf. photographies plus haut). La tombe a depuis été rénovée et sauvée par la Délégation des Hauts-de-Seine du Souvenir Français.

funpeti3Le nom du père, film réalisé par l’ECPAD en 2020

Ainsi, signer cette pétition, c’est agir concrètement pour la sauvegarde des tombes de ceux qui se sont battus pour nous, c’est agir contre l’oubli.

Rejoignez notre combat en signant ICI.


Attention, les dons sur la plateforme ne reviennent pas au Souvenir Français.

Informations complémentaires :
Maguelone Vahid, Chargée des partenariats et des commémorations
Le Souvenir Français
20, rue Eugène Flachat – 75017 Paris
Mail : partenariats@souvenir-francais.fr


Crédits photographiques : photos 1 et 2 : Le Souvenir Français ; photo 3 : ECPAD

Manifeste pour la sauvegarde du patrimoine funéraire français

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En ce début du mois de novembre, le patrimoine funéraire est à l’honneur. Mais c’est toute l’année qu’il devrait retenir notre attention. Voici encore un brillant article d’Éric Sergent, membre très actif de notre toute jeune Commission Nationale de Sauvegarde du Patrimoine Funéraire.
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Nous rappelons que cette commission a été créée dans le but de rassembler tous ceux qui œuvrent pour la préservation et la valorisation de ce patrimoine souvent mal identifié et surtout, oublié.

PORTRAIT ERIC COMMISSION
Eric Sergent est diplômé de Sciences Po Lyon et d'un master 2 en histoire de l'art de l'Université Lumière Lyon 2. Il est actuellement doctorant en histoire de l’art du XIXe siècle à l’Université Lumière Lyon 2 (LARHRA-UMR5190) et prépare une thèse de doctorat consacrée à l’art funéraire de la seconde moitié du XIXe siècle à Paris, Lyon et Dijon. Ses recherches portent de manière générale sur l’histoire de la sculpture et du monument public au XIXe siècle, en lien avec l’histoire des mémoires et l’histoire culturelle. Il est l’auteur d’une monographie consacrée au statuaire Paul Gasq (2018) et a publié deux ouvrages intitulés 1870-1871, souvenirs d’une défaite (2020) et « Passants, ne les oubliez pas » La mémoire de la guerre de 1870-1871 en pays nuiton (2021) aux Éditions Universitaires de Dijon.

Les cimetières sont, semble-t-il, à la mode. Peut-être les confinements successifs ont-ils donné à ces grands espaces ouverts au cœur des villes un regain de vitalité et d’intérêt, grâce aux promenades qu’ils offraient aux citadins durant les mois difficiles. Par ailleurs, au temps des réseaux sociaux omniprésents, les tombeaux des notables des villes et les allées ombragées des cimetières offrent, il faut le reconnaître, des sujets particulièrement photogéniques.

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Mais, quelques semaines après les Journées Européennes du Patrimoine 2021, ce n’est pas le côté fascinant et esthétiquement agréable, voire rassurant, du patrimoine funéraire dont il sera ici question. C’est plutôt l’« envers du décor » : soumettre au public quelques pistes de réflexion sur la réalité, l’entretien et le futur de ce patrimoine en grand danger. Si les réseaux sociaux, la presse et les livres illustrés donnent de belles images de ces tombeaux du XIXe siècle, il s’agit de montrer ici ce que l’on cache, que l’on s’efforce d’oublier dans ces publications nombreuses : statues cassées ou bas-reliefs dégradés, œuvres volées, vitraux brisés, chapelles effondrées, tombeaux à l’abandon… En espérant que ces quelques lignes et photographies aident à une prise de conscience collective sur les dangers qui menacent les cimetières français.

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En 2012 déjà, Véronique Belle, chercheuse à l’Inventaire général du patrimoine culturel du Rhône, écrivait un article intitulé « Patrimoine funéraire : pour que les regrets ne soient pas éternels ». Les constats qu’elle dressait et les études qu’elle encourageait peuvent être renouvelés aujourd’hui car, bien qu’un sursaut semble être ressenti depuis quelques années, ce patrimoine fragile fait face à une urgence.

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La face la plus visible de ce phénomène dramatique de disparition d’un patrimoine méconnu se lit sans doute dans la sculpture. En effet, installés sur les tombeaux, les statues, bustes, médaillons, hauts- ou bas-reliefs souffrent d’abord des intempéries. La pluie, le vent, les changements de température détériorent, parfois rapidement en raison de la faible qualité de certains matériaux, ces œuvres. Pour certaines, il est déjà trop tard : les médaillons de terre cuite ou de plâtre cités dans des inventaires du XIXe siècle ont, pour la plupart, disparu depuis longtemps. Mais pour les sculptures encore en place, il est possible d’agir. Photographier, étudier, commenter, publier sur ces œuvres et les artistes qui les ont exécutées permet parfois d’obtenir une forme de protection, voire de restauration. L’installation de vitres protectrices sur les reliefs du monument du général Foy par David d’Angers au cimetière du Père-Lachaise a sauvé ces œuvres de grande qualité d’une destruction certaine. Pour d’autres, en plein air, le temps a passé et a laissé ses traces. Combien de reliefs sont devenus illisibles du fait de l’érosion de la pierre par le ruissellement des eaux de pluie ; combien de statues se retrouvent sans bras, voire sans tête ; combien de bustes gisent sur le sol des chapelles, parfois en morceaux, au milieu des immondices ?

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Le temps et les conditions climatiques ne sont cependant pas le seul danger qui rôde sur la statuaire des cimetières. Le vandalisme et le vol sont une menace de chaque instant. Bien que celle-ci ne soit pas récente, elle accentue la disparition des œuvres, essentiellement les bronzes, revendus ensuite, pour la signature ou, plus prosaïquement, le prix du matériau… Ces pratiques, en outre, ne sont pas sans conséquences pour les monuments qui, souvent, sont sauvagement mutilés. Les graffitis et les marques d’affection envers les œuvres ne sont pas, elles non plus, anodines, en témoigne le tombeau d’Oscar Wilde au cimetière du Père-Lachaise qui, couvert de baisers au rouge à lèvres, a dû être protégé derrière une haute enceinte de verre.

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Mentionnons également rapidement les menaces particulières qui pèsent sur la fonte, ce matériau si délaissé aujourd’hui et pourtant si prisé pour l’ornement des tombes du XIXe siècle. Combien de croix renversées ou brisées, d’entourages de tombes simplement éliminés, de jardinières volées ? Ces ornements, plus modestes que la grande statuaire des cimetières urbains, est pourtant un marqueur et un témoignage du rapport à la mort et à la religion des siècles passés. Si elle disparaît totalement, c’est une partie de ce patrimoine funéraire qui partira avec elle.

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La sculpture n’est pas seule en danger au cimetière. Les vitraux, d’une nature plus fragile, sont dans un état de péril plus préoccupant encore. Aucune étude complète sur le sujet n’existe, bien que quelques articles informent sur la qualité et la richesse de ces vitraux funéraires. Ces œuvres, qui vont de la petite composition ornementale polylobée à la grande verrière qui ne dénoterait pas dans une église, risquent à tout moment de disparaître. Bon nombre sont déjà perdus pour toujours, effondrés sous leur propre poids, brisés par les mouvements de l’architecture du monument qui les abrite, victimes de chutes de branches ou de vandales. S’ils n’ont pas totalement disparu, ils sont souvent cassés, laissant apparaître des trous béants, qui prédisent l’avenir sombre qui attend ces compositions lumineuses et colorées. De même, combien de temps encore pourrons-nous regarder ces visages depuis longtemps disparus, fixés sur l’émail, portraits aussi fragiles que rares et qui inéluctablement s’effacent…

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Les monuments eux-mêmes, enfin, ne sont pas épargnés. Combien de croix brisés et gisant au sol, de dalles fendues, de chapelles effondrées ou parfois étayées ou sanglées pour tenter de retarder l’inexorable processus de destruction en cours, de caveaux béants et de monuments profanés ? La qualité des matériaux, les conditions climatiques et en particulier les infiltrations d’eau, ainsi que les vandalismes – qui parfois tournent au pillage et au saccage –, expliquent la majorité de ces situations dramatiques. Les chapelles, forcées et vidées, ouvertes à tous les vents, deviennent des poubelles où s’accumulent les détritus et les restes de pots de fleurs, des tags – au caractère parfois antisémite ou raciste nettement marqué – habillent honteusement ces monuments, l’eau y pénètre et remplit peu à peu son office. Un jour, le monument s’effondre. Il est trop tard. A la liste de ces périls s’ajoute la triste « reprise administrative » des tombeaux dits « en état d’abandon », qui menace de destruction – et qui détruit parfois – des chefs-d’œuvre de l’art funéraire.

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Si nous voulons pouvoir encore, à l’avenir, déambuler parmi les tombeaux du XIXe et du XXe siècle ; si nous souhaitons connaître une part importante de la statuaire des siècles passés et une forme originale d’expression architecturale ; si nous espérons, enfin, conserver un témoignage du rapport à la mort de ceux qui nous ont précédé, alors il est urgent de prendre conscience de l’enjeu du patrimoine funéraire français et de trouver des solutions à sa préservation. Si des obstacles légaux et financiers sont évidemment les principaux freins à ce sauvetage d’urgence, cela ne doit pas nous empêcher de photographier, d’étudier, de diffuser et de rendre accessible ce patrimoine aujourd’hui grandement menacé et pourtant d’une exceptionnelle richesse. Il ne faut pas tarder, le temps agit vite. Et comme l’écrivait Alphonse Esquiros, « les tombeaux ont aussi leurs destinées, les tombeaux meurent, habent sua fata. »


Crédits photographiques : Éric Sergent
Photo portrait : Direction de la communication / Université de Lyon