Onzain : un gardien de mémoire sauvé !

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Que
la victoire est belle, surtout quand elle est rare. Non pas rare parce que nous ne faisons pas bien les choses, mais rare parce que nous avons face à nous bien souvent des interlocuteurs sourds, une justice aveugle, et une mobilisation locale trop faible.

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Comme nous vous l’indiquions dans notre article du 31 mars dernier, l’enseigne Lidl souhaitait implanter un magasin à Onzain, détruisant au passage plusieurs témoins de l’histoire de la commune, ainsi que de très nombreux arbres. C’était sans compter sur la mobilisation du collectif « Non au Lidl Gare » qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire avorter ce projet.

Une mobilisation exemplaire, qui prouve bien que, lorsque les habitants d’une commune sont unis et déterminés, alors la victoire est possible.
Nous sommes heureux d’avoir apporté notre modeste contribution à ce combat et nous remercions notre avocat Maître Théodore Catry. Saluons tout de même la direction de l’enseigne de grande distribution pour sa sage décision.

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Nous remercions très sincèrement le collectif pour sa confiance et en particulier Guillaume Loiselet qui nous a envoyé cette très sympathique photo.

Voici le communiqué du collectif :

« Joie et soulagement sont au rendez-vous à Onzain, commune de Veuzain-sur Loire. Le groupe LIDL vient d’annoncer l’abandon de son projet dans un communiqué de presse : face à l’opposition du collectif de riverains, soutenu avec force par Urgences Patrimoine, il renonce à déplacer son supermarché vers le lieu-dit du « Moulin à vent », cet espace boisé qui abrite une belle demeure bourgeoise adossée à un moulin.

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En sauvant ce moulin, le seul moulin à vent ayant été construit dans la commune, non loin de la Loire, site classé au patrimoine de l’UNESCO, c’est tout un pan de l’Histoire locale qui se trouve heureusement préservé. Toute la communication faite autour de la mobilisation contre le projet du supermarché aura eu le mérite de mettre encore plus à l’honneur ce patrimoine précieux.

Les arbres centenaires de cet espace vert, à l’entrée d’Onzain, sont eux aussi sauvés ! C’est tout un paysage, le « val d’Onzain », que l’on peut contempler depuis le château de Chaumont-sur-Loire, de l’autre côté de la Loire, qu’il faut continuer à protéger.

La vigilance et la mobilisation de tous restent primordiales dans la sauvegarde du patrimoine. Cette belle victoire récompense l’engagement et la solidarité. »

Lire notre article du 31 mars ICI.

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Crédits photographiques : Collectif Non Lidl Gare

Bessin (14) : non à la mémoire bafouée et aux paysages défigurés !

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Encore
un projet de parc éolien contestable et déjà largement contesté par les habitants des communes concernées, et même par les élus qui ont été mis devant le fait accompli. Nous comprenons que certains voient dans ces « machines à vent » un geste fort pour la planète, mais il est inconcevable d’imposer à nos territoires de telles mutilations mémorielles et patrimoniales. Comment peut-on imaginer un champ d’éoliennes en arrière-plan d’un cimetière où reposent des centaines de soldats britanniques morts pour la France ?

Comment accepter que plus de 10 édifices protégés au titre des Monuments Historiques subissent de tels assauts visuels ? Sans oublier l’impact sur la population locale, qui, outre la pollution visuelle et sonore, verra le prix de l’immobilier divisé par deux, sans parler de ces habitations qui deviendront totalement inventables.

Quant à l’impact sur le tourisme, il sera désastreux, car qui voudra passer des vacances au pied d’une éolienne ?

Monsieur Radu Portocala nous a alerté afin que nous puissions agir contre ce projet, en lui donnant plus de visibilité et en mobilisant l’ensemble des acteurs qui se sentiraient concernés par ces atteintes mémorielles et patrimoniales. Nous sommes d’ores et déjà prêts à nous engager auprès de l’association locale, « Association pour la protection de l’environnement du Bessin (APEB) », des habitants et des élus. Maître Théodore Catry, notre avocat, est dans les « starting blocks », si un recours en justice s’imposait.

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Radu Portocala est né à Bucarest (Roumanie) dans une famille d’origine grecque. Troisième génération ayant subi les persécutions du régime communiste, il s’est exilé en 1977. Après cinq ans passés en Grèce, il s’est installé à Paris en 1982. Après une maîtrise de relations internationales, il a choisi la voie de la presse. Il a travaillé pour les rédactions roumaines de Radio France Internationale et Voice of America et a publié dans Le Point, ainsi que dans plusieurs autres journaux et revues en Europe de l’Ouest. Il a publié, en France et en Roumanie, plusieurs livres politiques, mais aussi de la littérature.


Bessin : histoire et hommes à la merci du vent

L’affaire des éoliennes est fort simple : quelques-uns encaissent et beaucoup d’autres perdent. C’est toujours, partout, la même chose. Ainsi, le paysan qui, alléché par la perspective d’une rente, détourne son champ de sa destination naturelle, est un faux gagnant : non seulement il trahit l’esprit de l’héritage laissé par ses ancêtres, mais il lègue à sa descendance une terre empoisonnée par des milliers de tonnes de béton et la charge onéreuse du démontage des mâts le jour où leur vie programmée aura pris fin. La mairie qui donne son assentiment pour l’installation des éoliennes obtient, certes, une compensation financière, mais s’attire l’animosité durable d’une partie des administrés, ainsi que des communes voisines dont elle ne s’est pas souciée de demander l’accord. Le vrai gagnant, le seul, est l’entreprise qui installe les éoliennes.

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Dans le cas qui nous occupe, cette entreprise est Vensolair, filiale de la Compagnie nationale du Rhône, dont les actionnaires principaux sont Engie et la Caisse des dépôts et consignations, détenues majoritairement par l’État. Vensolair a jeté son dévolu sur la commune Le Manoir, dans le Bessin normand. Elle compte y installer 6 éoliennes de 150 m de haut, un parc qui débordera sur le territoire des communes de Ryes, Bazenville, Vienne-en-Bessin et Sommervieu.

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Le premier opposant au projet a été l’aéroport de Caen-Carpiquet, où se trouve aussi une base de l’armée de l’Air. Les éoliennes se trouvant à seulement 15 km de ses pistes, la règle de sécurité se trouvait enfreinte. Mais l’argument, pourtant très sérieux, a été vite abandonné – et on ne peut s’empêcher de deviner là une intervention de l’État.

La mairie de Le Manoir, qui discute avec Vensolair depuis 2019, n’a pas trouvé nécessaire d’en informer les communes voisines avant mars 2022. Et pour cause : elle savait que sa décision n’allait pas trouver beaucoup de sympathisants. Les débats en cours montrent qu’elle ne se trompait pas.

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Les raisons de cette résistance sont nombreuses. La zone où seront érigées les éoliennes se trouve à 6 km des plages de débarquement, lieu qui fait partie du patrimoine historique de la région et de la France tout entière. Déjà, non loin de là, au large de Courseulles-sur-Mer, un parc de 64 éoliennes maritimes est en cours d’installation. On les verra très bien depuis la célèbre plage d’Arromanches, surplombant hideusement les barges qui, en 1944, ont servi à improviser le port artificiel indispensable au débarquement, et qui sont classées.

Autre relique de la guerre, à moins de 2 km des futures éoliennes, est le Cimetière militaire britannique de Bazenville, où, chaque année, ont lieu des cérémonies commémoratives.

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Dans la commune Le Manoir, habitée depuis l’époque romaine, qui est en train de se laisser berner par Vensolair, l’église Saint-Pierre est partiellement classée monument historique. L’église Saint-Martin de Ryes, distante de 2,7 km à vol d’oiseau, attestée au XIe siècle et partiellement classée, se trouve sur une élévation du terrain d’où les mâts seront parfaitement visibles.

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Le château de Creully, datant de la même époque, classé monument historique, situé à 5 km des futures installations, est dans la même situation : construit sur une hauteur, ses visiteurs pourront admirer les éoliennes de Vensolair.

À Vienne-en-Bessin, commune limitrophe du futur parc d’éoliennes, attestée depuis le XIe siècle, l’église Saint-Pierre et le Vieux Château sont classés monuments historiques. À Sommervieu, autre commune voisine, l’église Saint-Pierre-et-Sainte-Geneviève abrite des objets inventoriés ou classés monuments historiques, et plusieurs autres bâtiments sont inventoriés monuments historiques. L’église Saint-Martin de Bazenville, dernière des communes entraînées malgré elles dans cette opération, est inscrite à la liste des monuments historiques.

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Comment oublier dans cette énumération, sans doute incomplète, les magnifiques fermes fortifiées, nombreuses dans le Bessin, et dont la Ferme de la Rançonnière, à Crépon (4 km à vol d’oiseau), partiellement classée, est le plus bel exemple ?

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Il y a, enfin, à 7 km de là, Bayeux, avec la cathédrale Notre-Dame (XIe siècle), dont la tour est moitié moins haute que les futurs mâts, mais aussi avec tant d’autres monuments inventoriés ou classés.

L’histoire est, donc, perdante dans cette affaire. Les hommes non plus ne seront épargnés. Les terrains agricoles, richesse de la région, risquent de voir leur valeur diminuer. Les élevages, très nombreux dans le coin, subiront les dommages amplement attestés ailleurs. Le prix des biens immobiliers ne pourra qu’être affecté par un tel voisinage. Les nombreuses chambres d’hôte verront peut-être leur fréquentation diminuer, les touristes préférant sans doute des paysages moins altérés par le progrès techno-écologique.

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Cette étrange catégorie qu’on appelle les « néo-ruraux », s’insurgeant contre les soi-disant désagréments du chant d’un coq ou du passage d’un troupeau de vaches, s’adresse à la justice et obtient, assez souvent, gain de cause. Pourquoi les vrais ruraux subiraient-ils la nuisance réelle d’un champ d’éoliennes implanté à leurs portes au nom des fantasmes des bureaucrates de Bruxelles et des intérêts financiers des quelques sociétés qui les mettent en œuvre ?

Radu Portocala

Nous contacter : urgences.patrimoine@gmail.com

Articles de presse :
Ouest France
Actu.fr

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Crédits photographiques : Radu Portocola ; photo 1 : Photomontage non contractuel d’Urgences Patrimoine (mais sans doute proche de la réalité)




Clermont-Ferrand : la Léproserie d’Herbet menacée de démolition

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Nous
ne le répèterons jamais assez, les jeunes d’aujourd’hui sont les gardiens du patrimoine de demain, et certains commencent plus tôt de d’autres à veiller sur l’avenir du patrimoine. C’est le cas de Geoffrey Brun qui a fait de la sauvegarde de cette ancienne léproserie son combat de tous les instants. Urgences Patrimoine mettra tout en œuvre pour l’accompagner dans ses démarches afin de sauver cet édifice du XIIe siècle.

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Geoffrey Brun est né le 26 juillet 1997 à Clermont-Ferrand en Auvergne. Passionné depuis l’enfance par l’Histoire, le patrimoine et l’architecture. Après un baccalauréat littéraire passé en 2016, il entre en licence d’Histoire à l’Université Clermont Auvergne, dans sa ville natale, où il suit également des cours d’Histoire de l’Art en option. À partir de 2019, il entame un master de recherche en Histoire de l’Art toujours dans la même université. Son travail de master a porté sur l’architecture du château d’Esplantas en Haute-Loire, depuis la construction de la forteresse du XIII e siècle jusqu’à ses remaniements de l’époque moderne. Il s’est également intéressé aux décors intérieurs de ce château au cœur du Gévaudan, petite patrie de ses aïeux, à laquelle il est fort attachée, ainsi qu’à son mobilier du XVIIIe siècle, aujourd’hui disparu mais connu grâce aux archives. Il apprend en octobre 2021, l’existence d’une ancienne léproserie située dans sa ville natale, dans un quartier qu’il ne fréquentait guère, lors d’une conférence donnée par Johan Picot, historien médiéviste de souche bourbonnaise, qui fut son professeur à l’université, spécialiste du phénomène de la lèpre et du tribunal de « la purge » dans l’Auvergne médiévale. Ce dernier affirme avoir remuer Ciel et Terre pour sauver ce patrimoine unique en danger de destruction. Il décide alors de s’engager en lançant une pétition sur internet qu’il diffuse dans son entourage et auprès de son université, cette initiative bien accueillie n’est cependant pas suffisante. Il eut l’idée de faire paraître cet article dans La Gazette du Patrimoine afin de sensibiliser un public plus large.

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La léproserie d’Herbet aujourd’hui en danger de destruction

Cette léproserie par son importance et sa position stratégique était un marqueur d’identité sociale et territoriale. D’autres léproseries en Auvergne comme celle de Brioude (Haute-Loire) furent restaurées et classées au titre des Monuments Historiques. Ce n’est absolument pas le cas de celle d’Herbet qui fut pourtant la plus importante d’Auvergne, en tant que siège du tribunal de « la purge » et sa position stratégique à proximité des grandes voies de circulations et des deux grandes villes principales d’Auvergne. Malgré son originalité architecturale identifiable par l’emploie précoce de la pierre de Volvic dans un édifice religieux datant de la fin période romane, l’édifice demeure méconnu voire méprisé. La léproserie de Montferrand fut vendue en 2005 par le président de la Société française d’Histoire des Hôpitaux à la société de baillage sociale Logidôme, dans le projet de démolir ce patrimoine pour y bâtir des logements sociaux à la place. Un article du quotidien clermontois La Montagne paru la même année, s’est employé à investiguer sur cette léproserie et sa vente à une société de logements sociaux, qui il faut le rappeler à était faite par le président de la Société française d’Histoire des Hôpitaux en personne ! La locataire de cette ancienne léproserie devenue une ferme, qui est une dame âgée actuellement en EPHAD, a d’ailleurs failli être expulsée de sa maison ! L’article de La Montagne a d’ailleurs réussi à échapper à l’autocensure du journal. Plusieurs articles et conférences ont été réalisées par l’historien médiéviste clermontois Johan Picot, spécialiste du phénomène de la lèpre et du tribunal de « la purge » dans l’Auvergne médiévale, qui n’ont jamais abouti à quoi que ce soit, malgré son acharnement. La ville de Clermont-Ferrand qui souhaite d’ailleurs devenir Capitale Européenne de la Culture en 2028, ne mérite même pas de candidater à ce titre et encore moins de le remporter, si elle maltraite, détruit, ignore, oubli, méprise et démoli son propre patrimoine ! Il est donc nécessaire et urgent d’agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard. Il s’agit de l’unique survivant du passé sanitaire médiéval de l’agglomération clermontoise.

Vous pouvez apporter votre soutien, pour commencer, en signant la pétition ICI.

Historique

À partir du XIe siècle une maladie appelée la lèpre fait son retour après plusieurs siècles d’absence, l’Auvergne tout comme le reste de l’Occident n’échappe pas à ce fléau. Les autorités seigneuriales, religieuses ou municipales commencent à s’inquiéter du problème et particulièrement de la propagation de la maladie dans la société. Des léproseries se construisent afin d’isoler les lépreux (appelés « ladres ») du reste de la population, ces établissements sont bâtis extra-muros afin d’éloigner les malades de la cité et de la société « saine ».

Aux alentours des années 1195-1199 est fondée une léproserie à Herbet au sud de la cité comtale de Montferrand, par la comtesse G, épouse du comte Dauphin d’Auvergne, décédée en 1199. Cette léproserie dépendait de la municipalité de Montferrand, créée en 1190 par la charte de franchise accordant des privilèges aux habitants de la cité, également par la comtesse G. Cet établissement relèvera donc de l’autorité consulaire jusqu’à sa fermeture au XVIIe siècle. Ce lieu en plus d’être un hôpital sera également le siège du tribunal de « la purge », qui s’emploiera à traquer les personnes suspectées de maladie et les mettre à l’écart de la population « saine ». Cette institution juridico-médical était présidée par les consuls montferrandais, elle était composée à la fois d’hommes de lois (juges, avocats, greffiers, procureurs, etc) ainsi que de médecins et chirurgiens-barbiers. C’était sur le lieu d’Herbet que les suspects étaient convoqués, examinés et jugés. Ce tribunal avait la charge des lépreux et de tout un réseau hospitalier s’étendant sur l’Auvergne ainsi que les contrées voisines tel que le Bourbonnais, le Velay, le Gévaudan, le Berry, le Nivernais, allant jusqu’au Lyonnais.

Le 25 juillet 1295, Louis de Beaujeu, seigneur de Montferrand, criblé de dettes, vend la seigneurie composée de la ville, de son château et des campagnes environnantes, au roi de France Philippe le Bel. La cité passe ainsi directement sous l’autorité royale, le tribunal de « la purge » devient alors un tribunal royal, la justice est donc rendue au nom du roi de France qui reconnaît les privilèges de la cité de Montferrand.

Un « auditoire de la purge » est bâti au cœur de la cité de Montferrand en 1497, près de la maison du Saint-Esprit, faisant office de tribunal et de salle d’examen, mais la léproserie d’Herbet demeure toujours la léproserie communale.

La léproserie d’Herbet se situait sur un carrefour entre le « chemin français » reliant Paris au Languedoc, qui passait par Montferrand, et la route entre la cité épiscopale de Clermont et Pont-du-Château. Elle est également située près de la Tiretaine pour l’approvisionnement en eau de ses résidents. La plupart des léproseries en Auvergne servent de « bornes » pour délimiter des paroisses, la léproserie d’Herbet est visible sur la Carte de la Limagne d’Auvergne, réalisée en 1560 par Gabriel Simeoni.

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Ceci confirme son importance dans le paysage local et son emplacement privilégié, car près des grandes routes et des deux principales villes d’Auvergne que sont Clermont et Montferrand. Ces deux cités fusionneront en 1630 suite à l’Édit de Troyes signée par Louis XIII, qui sera confirmée 1731 par l’intendant d’Auvergne, Daniel-Charles Trudaine ; les deux villes formeront alors l’actuelle Clermont-Ferrand.

La disparition progressive et continu de la maladie pose la question du devenir du patrimoine des léproseries. En 1611, le roi Louis XIII décide de réunir les léproseries aux structures charitables les plus proches, Herbet rejoint ainsi l’Hôtel-Dieu de Montferrand. Un état des lieux est donc dressé à cette période à la demande des consuls, en 1617, Jacques Le Noir, maître maçon et deux charpentiers affirment avoir trouvé le site en bon état mais énoncent les travaux à prévoir : une cloche est fendue, il faut faire une gouttière et changer les vitraux. Cette attention portée à la chapelle dédiée à saint Lazare, patron des lépreux, n’est cependant que de courte duré. En 1643 les consuls affirment la gestion de la léproserie « aporte plustot perte que proffit au bien dudit hostel-Dieu » et décident « de désunir lesdites charges ». Les biens d’Herbet dont la chapelle romane retrouve ainsi une certaine autonomie.

Plus tard le Roi-Soleil décide de trouver une utilisation rationnelle aux anciennes maladreries. En 1672, le marquis de Louvois décide que les biens et revenus des léproseries soient attribués à l’ordre de Notre-Dame du Mont Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem. Cette solution ne fait pas l’unanimité car rares sont les réunions qui ne suscitent pas de contestations et de procès devant la Chambre Royale. La léproserie d’Herbet fait l’objet d’un procès en 1674-1676. L’édit de 1672 est révoqué en 1691 suite au décès de Louvois, à cause de nombreux différents, les léproseries sont alors désunies des ordres et sont rattachées aux hôpitaux les plus proches à partir de 1693. Les consuls de Montferrand, administrateurs de la léproserie locale, s’opposent en vain à cette décision. Le 4 mai 1696, un arrêt royal réunit les bâtiments d’Herbet à l’Hôtel-Dieu de Clermont, probablement en raison du déclin de Montferrand au profit de sa rivale Clermont, suite à la fusion des deux cités. Cette institution de santé publique demeure d’ailleurs propriétaire de l’ancienne maladrerie jusqu’en 2005, date à laquelle le site fut vendu à Logidôme (bailleur social qui projette de construire un parc locatif à l’emplacement de la léproserie).

Les bâtiments qui étaient en mauvais état sont restaurés en 1695, la chapelle qui avait été désacralisée à la fermeture de la léproserie est placée sous le vocable de saint Fiacre et devient une annexe de la paroisse de Montferrand. En 1718, une veuve lui lègue 20 000 livres pour une fondation de messe à perpétuité. Le reste du domaine d’Herbet est quant à lui mis en fermage.

Le lieu connait ensuite une phase d’abandon. Un document de 1844 indique la léproserie n’est plus qu’un souvenir, la chapelle n’est plus en service et est laissée à son sort. Le témoin la décrit comme « une petite église romane » et ajoute qu’au sud de ladite église se trouvait « un assez grand enclos qui servait autrefois de cimetière ». Une partie de l’oratoire est détruite dans la seconde moitié du XIXe siècle, car le 8 mars 1883 des travaux sont projetés pour l’aménagement du site : « enlèvement de la couverture en tuiles creuses et de la terre au-dessus de la voûte, démolition de la voûte, démolition du mur de façade et de 2 contreforts, enlèvement des marches et du plancher ». Le 19 juin 1883, le préfet du département du Puy-de-Dôme, donne son autorisation au projet et valide la démolition du mur gouttereau sud de l’édifice. La chapelle défigurée devient alors une grange dans l’année, comme le prouve la date gravée sur la clef de voûte du linteau de la porte d’entrée.

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Description architecturale

La façade occidentale que l’on peut apercevoir depuis la rue Claude Guichard, comporte des éléments médiévaux intéressants, il est possible d’apercevoir une baie géminée en arkose jaune, provenant probablement des carrières de Montpeyroux au sud de Clermont-Ferrand.

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Cette baie était composée de trois colonnes, dont une a disparu, surmontées de chapiteaux dont l’un est décoré d’une figure anthropomorphe. Il s’agit d’une tête de lépreux indiquant la fonction du lieu. En dessous de cette baie sont visibles deux corbeaux en pierre de Volvic, il s’agit d’une trachyandésite provenant des coulées de lave du Puy de la Nugère, de couleur allant du gris clair à des teintes noires. Cette roche volcanique fut très utilisée dans la région clermontoise à partir du XIIIe siècle, l’arkose jaune était plus en usage à la période romane. Sur l’un des corbeaux est sculptée une croix sur l’autre une sorte de pichet. Le long de la route deux croix romanes en pierre de Volvic délimitent l’enclos de l’ancienne léproserie.

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Dans l’impasse du monastère du côté Est de la léproserie est visible la baie de l’ancien dortoir, il s’agit d’une petite fenêtre en arkose jaune surmonté d’un arc en plein cintre. Deux corbeaux en pierre noire sont visibles à gauche de la baie romane.

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Il n’est cependant guère aisé au premier coup d’œil de repérer la chapelle Saint-Lazare d’Herbet car elle est intégrée à la grange bâtie en 1883, mais le mur gouttereau nord est toujours visible au fond de l’impasse du monastère, encerclé de bâtiments résidentiels des XIXe-XXe siècles.
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Cet édifice religieux est construit en pierre de Volvic, le mur gouttereau nord est encadré de contreforts épais et percé d’une petite baie surmontée d’un arc en plein cintre surmonté de modillons à copeaux trapus, souvent « prolongés » ou « allongés », qui soutiennent une corniche.

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Le chevet est plat et percé d’une petite baie étroite et haute. Le reste de la chapelle est à chercher dans les greniers et les sous-sols des maisons accolées à l’édifice, il est d’ailleurs possible de retrouver sous la toiture d’un des édifices accolés à la chapelle, l’intégralité du mur gouttereau nord : corniche, modillons et accès latéral à la nef se dévoilent à qui veut bien prospecter le bâti environnent.
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Le style de ces éléments architecturaux permet de supposer que l’édifice fut bâti entre 1175 et 1220. Le portail de la chapelle qui se trouve à l’ouest est visible dans une autre maison, il est doté d’un double ressaut gravé d’une croix de consécration.
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Ces éléments permettent la datation à l’extrême fin du XIIe siècle ou début du XIIIe siècle, ce qui recoupe avec la documentation manuscrite qui indique la fondation dans les années 1195-1199.

Le choix du matériau employé pour la construction de cette chapelle romane, souligne son originalité car l’édifice apparait totalement noir ce qui est exceptionnel dans la région pour la période romane ou l’on utilise l’arkose jaune, claire et sédimentaire, comme dans la plupart des églises romanes de Limagne comme Notre-Dame du Port à Clermont, Saint-Austremoine à Issoire, etc. Ceci fait ainsi de l’église Saint-Lazare d’Herbet une exception en Basse-Auvergne. Le reste de la léproserie à l’exception des croix sont quant à eux construits en arkose jaune ou grès.

L’oratoire parait simple et de petites dimensions. Dans sa configuration d’origine, l’édifice est composé d’un vaisseau de deux travées, un chœur d’une travée, d’un chevet plat pour un espace intérieur de 98 mètres carrés (14 mètres de long pour 7 mètres de large). La voûte de la chapelle a disparu, il s’agissait probablement d’une voûte en berceau comme le laisse supposer les stigmates apparents sur la partie supérieure de la partie occidentale du chevet. L’entrée de la chapelle était précédée d’un porche, lui aussi de nos jours, disparu. Une partie du mur sud du porche est conservée et présente une porte avec des moulures toriques, ce qui est propre aux baies percées entre la fin du XIIe siècle et le premier quart du XIIIe siècle.
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Le texte de 1844 indique l’emplacement du porche : « l’extrémité́ méridionale de la léproserie touche un porche d’une petite église romane qui ayant sa longueur de l’ouest à l’est, forme un angle droit avec la léproserie ». Le dessin réalisé par Gabriel Simeoni en 1560, plus idéaliste que réel, dote le petit oratoire d’un clocher, ce qui permet de supposer que le porche abritait également des cloches.

Il est question du clocher de la chapelle dans les sources du XVe siècle, car nous savons que le clocher fut réparé entre 1478 et 1481, par le maçon Jehan Fohet et le serrurier Guillaume Mercier. Ces travaux furent vraisemblablement réalisés suite au séisme de 1477, qui toucha la région clermontoise et endommagea plusieurs édifices importants à Clermont et à Montferrand, tel qu’une partie des remparts, le clocher de Notre-Dame du Port, etc. Ce malheureux épisode permet toutefois de révéler l’existence d’un clocher à Saint-Lazare d’Herbet et confirme l’hypothèse en faveur d’une tour-porche devant la chapelle. Les lépreux qui n’avaient pas le droit de fréquenter les églises paroissiales, pouvaient ainsi compter sur cette chapelle pour leur secours spirituel nécessaire.

Le maître-autel en arkose de cette chapelle, qui se trouvait à l’origine dans le chœur, est aujourd’hui visible dans le jardin de la léproserie, où il sert actuellement de banc.

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Cette pierre bénie est attribuable aux XIIe-XIIIe siècles, semble plutôt contemporaine à la construction de la chapelle. Un second autel aujourd’hui disparu, fut aménagé en 1478 dans le porche précédant l’entrée de l’oratoire. Ceci coïncide probablement avec le tremblement de terre de 1477, ce qui supposerait un autel à visée « prophylactique », car l’homme médiéval se souci avant tout de se préserver des dangers et des maladies. Les catastrophes naturelles influent également les moyens de la protection privée ou publique mis en œuvre par la population et peuvent expliquer les raisons de l’aménagement d’un second hôtel à Saint-Lazare d’Herbet à cette période-là.
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La dévotion des malades repose bien évidemment sur les offices mais également par le statuaire et les reliques. Pour cette raison la chapelle possédait des ornements tel qu’une pietà en pierre de Volvic du XVe siècle (Fig. 14), actuellement conservée au Musée d’Art Roger Quillot à Montferrand. Cette chapelle renfermait bien sûr des objets liturgiques (vases sacrés, tissus et vêtement liturgiques), auxquels s’ajoutait les livres indispensables pour le culte. En 1372, afin de compléter l’équipement de la chapelle, les consuls de Montferrand confient des reliques au vicaire : « un chapse de corne en laquelle avoit certaine quantité́ de ousses de sant Lazer [et] unes autres reliquiez de la Marie Magdalene ». Au même moment il est aussi « baillé a Coulas le doureur VI ou VII onces d’argent pour fere un calice a ob de la iglize d’Erbers ». Les objets de culte et de dévotion offerts aux ladres ne sont pas négligeables et confèrent sans doute à la chapelle une importance particulière. Peu de léproseries en Auvergne peuvent se vanter de détenir pareils « trésors ». Des messes votives et des processions avaient lieu fréquemment à la chapelle d’Herbet jusqu’au XVIIe siècle, ce qui témoigne de son importance au sein du diocèse de Clermont.

Pour en savoir plus 
https://lnkd.in/eDTM-ECD
https://lnkd.in/eepKxBpa
https://lnkd.in/eYmKsCMP
https://lnkd.in/ehUMJq4g
https://lnkd.in/ej9B9Eqv
https://lnkd.in/eh8BzZsi
https://lnkd.in/eCzwZDsj
https://lnkd.in/ep_aCtxN
https://lnkd.in/dYE2U4Sx

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Crédits photographiques et légendes : Fig. 1. Carte de la Limagne d’Auvergne de Gabriel Simeoni (1560), (cl. J. Picot) ; Fig. 2. Linteau de la grange avec la date gravée sur la clef de voûte ; Fig. 3. Façade ouest de la léproserie vue depuis la rue Claude Guichard (cl. G. Brun) ; Fig. 4. Croix romane délimitant l’enclos du domaine (cl. G. Brun) ; Fig. 5. Baie romane du dortoir de la léproserie ; Fig. 6. Mur gouttereau nord de la chapelle romane Saint-Lazare d’Herbet (cl. G. Brun) ; Fig. 7. Modillons et corniche sur le mur nord la chapelle (cl. G. Brun) ; Fig 8. Chevet de la chapelle intégrée à la grange construite en 1883 (cl. G. Brun) ; Fig. 9. Portail de la chapelle (cl. J. Picot, 2006) ; Fig. 10. Façade sud de la grange ; le chevet de la chapelle est visible sur la droite (cl. G. Brun, 2007) ; Fig. 11. Linteau de la grange avec la date gravée sur la clef de voûte. ; Fig. 12. Maître-autel de la chapelle (cl. J. Picot ; Fig. 13. Pietà en pierre de Volvic de la chapelle d’Herbet. Ville de Clermont-Ferrand, coll. du Musée d’Art Roger Quilliot (MARQ 2007)

Au suivant !

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Depuis
la création d’Urgences patrimoine en 2014, nous avons vu se succéder pas moins de six Ministres de la Culture, et bientôt sept. Inutile d’être fort en maths pour se rendre compte que leur mandat dure, la plupart du temps, moins de deux ans.

Comment mener alors une politique ambitieuse et pertinente tant les sujets à traiter sont variés ? Comment en moins de deux ans peut-on s’occuper du spectacle vivant, de la danse, du livre, des artistes, des intermittents du spectacle, du patrimoine et de tant d’autres sujets ? Même le meilleur des meilleurs ne pourra pas faire de miracle dans un laps de temps aussi réduit.

Certains ont néanmoins réussi mieux que d’autres, mais beaucoup ont été quasi inexistants, attendant juste le suivant.

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Concernant le sujet qui nous occupe, nous n’oublierons pas les nombreux édifices perdus durant ces huit années et nos combats perdus qui laissent un goût amer. Notre premier combat contre la démolition de l’Hôtel du Parc à Saint-Honoré-Les-Bains, nous l’avons mené sous le « règne » de Fleur Pellerin qui avait pour habitude de ne pas ouvrir un dossier. Pourtant, alors que nous étions totalement inconnus, Jack Lang s’était fait l’avocat de notre cause, mais elle n’a jamais répondu.
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À Françoise Nyssen, nous devons la perte du Château de Lagny-Le-Sec. Certes, nous avions été alertés un peu tard, mais elle aurait pu changer le cour de l’Histoire.

Elle ne l’a pas fait s’appuyant sur l’argument que tous utilisent : « l’ABF a émis un avis favorable, l’édifice n’étant pas assez remarquable ». Cet argument, nous n’avons jamais cessé de l’entendre s’agissant d’un édifice du XIXe.

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Comme il faut de temps en temps une note positive, saluons le courage de Franck Rieste : même s’il n’aura pas laissé un souvenir impérissable en termes de politique patrimoniale, c’est tout de même pendant son mandat que fut lancé le loto du patrimoine sous l’impulsion de Stéphane Bern. Nous persistons à dire que ce loto n’a pas que du bon, mais il a le mérite d’être la manne providentielle pour quelques édifices et c’est mieux que rien. En ce qui nous concerne, nous garderons le souvenir de sa volonté de vouloir sauver la chapelle Saint-Joseph à Lille, puisque seulement 15 jours après notre intense mobilisation, il avait dit « stop » au projet de démolition. Nous y avions cru, mais c’était sans compter sur le remaniement ministériel et l’arrivée de Roselyne Bachelot, alias « Démolition Woman ».
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Pourtant, naïvement, nous avions été heureux de sa nomination. Nous avons très vite déchanté, regrettant même les différents ministres qui s’étaient montrés peu réceptifs à la cause du patrimoine, car, parfois, il est mieux de ne rien faire que de faire mal. Jamais depuis nos huit ans d’existence, nous ne nous étions retrouvé face à un Ministre méprisant à ce point le patrimoine des territoires. Sa politique patrimoniale se résume en 3 mots : « les grands opérateurs » — parisiens de préférence. Nous n’oublierons jamais sa petite phrase lors d’une audition au Sénat : « L’opéra Garnier est à Paris, pas à Montauban ». Nous n’oublierons pas non plus le zéro euro en faveur du patrimoine non protégé du plan « relance culture » doté tout de même de 614 millions d’euros. Preuve incontestable de son mépris pour les petits édifices qui pourtant participent grandement au rayonnement de nos territoires. Enfin, nous n’oublierons jamais le bruit assourdissant des pelleteuses grignotant « notre » chapelle Saint-Joseph. « Pas assez remarquable » fut encore l’argument pour justifier ce patrimonicide.

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Mais la Ministre a rajouté un nouvel argument pour accélérer les démolitions : « c’est en trop mauvais état ».

Désormais, même les édifices protégés risquent de tomber avec la bénédiction du ministère, car les élus démolisseurs vont se faire un plaisir d’en user et d’en abuser pour mener leur politique de « tabula rasa ». Précisons que, bien heureusement, il y a des élus soucieux de la sauvegarde du patrimoine de leur commune, mais les obsédés du béton vont pouvoir s’en donner à cœur joie.
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Dans les prochains jours, un nouveau Ministre de la Culture sera nommé (ce n’est pas trop tôt !) et bien entendu, nous attendons fébrilement sa nomination, car c’est bien entre les mains de celle ou de celui qui sera nommé que dépendra l’avenir du patrimoine. Nous aurons l’occasion de tester immédiatement son intérêt pour notre cause, puisque nous avons de nombreux dossiers qui attendent déjà depuis deux mois dans nos tiroirs. Nous savions pertinemment qu’il était inutile de les soumettre au ministère juste avant les élections, mais pour certains, les pelleteuses sont très proches, alors il faudra agir vite, très vite.

Cela dit, nous ne nous faisons aucune illusion. Au moins nous ne serons pas déçus, et tant mieux si par miracle, le nouveau ministre aime sincèrement le patrimoine français sans distinction entre grand et petit.

Ah oui ! Petite note à destination du ministère : Votre site internet n’est pas à jour, car quand on souhaite consulter la liste des ministres depuis André Malraux, c’est Franck Riester qui figure comme étant le ministre en place. C’est Roselyne qui risque de ne pas être contente !

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Crédits photographiques : photo 1 : Wikipédia : photo 7 : Copie d’écran du site ministèredelaculture.gouv ; autres photos : Urgences Patrimoine

Maîtres verriers : leur avenir désormais entre les mains de l’Europe

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Le
2 mai était la date de clôture de la consultation européenne visant à statuer sur l’avenir de l’utilisation du plomb dans les métiers de l’artisanat. Urgences Patrimoine a bien évidemment répondu à cette consultation en collaboration avec Maître Théodore Catry, avocat de l’association.

Si, à l’issue de cette consultation, le résultat n’était pas favorable aux métiers de l’artisanat, alors nous serons prêts à porter l’affaire devant la justice européenne.

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CONTRIBUTION À LA PROPOSITION D’INSCRIPTION DU PLOMB À L’ANNEXE XIV DU REACH

L’association Urgences Patrimoine, qui lutte au quotidien contre les multiples menaces qui pèsent sur le patrimoine local et national, entend s’associer pleinement aux nombreuses positions défavorables exprimées, en particulier celle des acteurs du Verre, du Cristal et du Vitrail dont l’activité se voit profondément et durablement remise en cause par l’inscription du plomb à l’annexe XIV du Règlement « REACH ».

En France, ce ne sont pas moins de 90.000 m2 de vitraux qui illuminent notre patrimoine sur l’ensemble du territoire. Notre pays est en effet une exception mondiale car il concentre plus de 60 % de la totalité des vitraux de l’ensemble du globe.

Ces 90.000 m2 de verre méritent une attention toute particulière pour espérer un avenir et leur travail est, jusqu’ici, perpétué par les mains de femmes et d’hommes passionnés par leur métier dont l’exercice pourrait être compromis par la soumission du plomb à procédure d’autorisation. Le besoin de restauration est important : le plomb s’abîme (oxydation notamment) et implique des opérations d’entretien tous les cent ans environ. Or, ces activités sont confiées à quelques 1200 structures de petite taille qui ne possèdent tout simplement pas les moyens financiers pour constituer régulièrement des dossiers de demande et de renouvellement d’autorisation.

Si les dangers inhérents à l’utilisation du plomb sont connus, l’ajout de cette substance à l’annexe XIV du REACH s’avère une mesure fortement disproportionnée au regard de l’usage qui est fait de cette matière par les métiers du patrimoine. Les quantités de plomb utilisées pour la restauration et la création des vitraux sont en effet minimes, et les maîtres verriers sont soumis à des protocoles stricts, afin de ne pas mettre en danger leur vie et celles de leurs salariés.

Cette matière, pour l’utilisation qui en est faite dans l’art du vitrail et du verre, ne connaît aucun substitut. Le sertissage ne peut se passer de ce métal au risque de se voir sérieusement limité, les autres procédés n’étant pas adaptés aux travaux de restauration. Par ailleurs, contrairement à certains usages industriels, l’utilisation du plomb dans le domaine du patrimoine ne représente pas de risque d’exposition pour les consommateurs puisqu’une fois intégré au bâti, il n’a plus vocation à être manipulé, sauf en cas d’opération d’entretien où des protocoles de sécurité sont posés, dont l’objet est notamment de remplacer les plombs dégradés.

S’agissant de l’exposition des professionnels, les protocoles d’utilisation sont si stricts qu’aucun cas de saturnisme n’a été recensé jusqu’à présent dans les métiers du verre et du vitrail.

Au vu de ce qui précède, l’association Urgences Patrimoine craint l’adoption d’une mesure dont les conséquences seraient dramatiques pour bon nombre d’acteurs de la restauration du patrimoine.

Il doit être rappelé que l’article 5 § 4 du traité sur l’Union européenne pose le principe fondamental qu’ « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'ex cèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. »

Ce faisant et suivant une jurisprudence constante, les actes des institutions européennes ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Aussi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt de la CJUE du 21 juillet 2011, Etimine, C‐15/10).

En l’occurrence, l’inscription du plomb à l’annexe XIV du REACH est une mesure particulièrement lourde de conséquence, d’autant plus que cette substance fait encore l’objet d’un usage fortement répandu dans un grand nombre et une grande diversité d’activités économiques.

Au risque d’une violation du principe de proportionnalité qui gouverne le droit et les institutions de l’Union, la soumission de ce métal au régime d’autorisation implique donc :

  • A minima, de prévoir une exclusion pour les usages dont les risques sont maîtrisés en phase d’utilisation ;
  • D’encourager la création d’un régime d’exemption qui permettrait la poursuite sereine des activités des artisans du verre et du vitrail, ainsi que des nombreux autres acteurs des métiers du patrimoine dont la survie dépend de leur faculté d’utiliser le plomb.Sans de telles garanties, la mesure envisagée ne peut pas être considérée comme appropriée.

Ses conséquences, à savoir l’abandon progressif d’un pan entier du patrimoine français dont la restauration ne pourrait plus être assurée, sont extrêmement inquiétantes.

Nous espérons vivement que la Commission considère la proportion d’inscription de l’ECHA à sa juste mesure et intègre ses incidences sur l’ensemble des professions du verre et du vitrail dont l’avenir est actuellement suspendu.

Pour l’association Urgences Patrimoine,
Alexandra Sobczak-Romanski et Théodore Catry
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Crédits photographiques : Urgences Patrimoine