February 2021

Qui a tué la chapelle Saint-Joseph ?

Les trois coups ont été frappés, et la chapelle Saint-Joseph va nous quitter.

Alors même si nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises durant toute notre intense mobilisation, nous tenions à refaire un rapide tour d’horizon des responsables de ce que nous avons appelé un patrimonicide.


En premier lieu, l’Université Catholique de Lille avec à sa tête Patrick Scouflaire, et bien entendu, Junia, l’école d’ingénieurs et son Président, Thierry Occre, qui sont à l’origine de la création du nouveau campus universitaire qui dès le départ, n’intègre pas la chapelle Saint-Joseph.

Cependant, si l’Architecte des Bâtiments de France n’avait pas donné son accord pour la démolition la chapelle aurait dû être intégrée au campus. Ce fut donc la mission de Madame Catherine Bourlet qui a délivré un bel avis favorable, au prétexte que l’édifice était en mauvais état. Sur quels critères ? Mystère, car nous ne trouvons aucune trace d’une étude de structure approfondie. Ce qui revient à dire qu’un Architecte des Bâtiments de France a tout pouvoir.

Suite à cet avis favorable, c’est Madame Martine Aubry, la Maire de Lille qui entre en scène, car elle avait le pouvoir de signer ou non le permis de démolir, mais, hélas, elle l’a signé des deux mains, car signer ce permis était la condition pour que l’Université Catholique de Lille prenne en charge la restauration du Palais Rameau, le grand frère de la chapelle Saint-Joseph qui, lui, est classé au titre des Monuments Historiques.

Quand les premiers contestataires se sont émus de ce projet de démolition, c’est Philippe Barbat, Directeur des Patrimoines au Ministère de la Culture qui d’un revers de la main, à balayé tout espoir en refusant la mise en instance de classement au prétexte que l’édifice ne méritait pas une protection car il ne le jugeait pas « remarquable ».

Ce que nous avons eu de cesse de contester, grâce en particulier à la mobilisation de grands professionnels du patrimoine qui ont répondu à notre appel pour plaider la cause de la chapelle. Lire l’article 
ICI.

Enfin, invitée en « Guest Star » Madame la Ministre de la Culture en personne, la sémillante Roselyne Bachelot a donné sa bénédiction pour la démolition au prétexte, je cite ,  « qu’on ne peut pas tout conserver ».

Pourtant interpellée à plusieurs reprises par Stéphane Bern sur ce sujet, celle qui l’appelle « mon loup » en privée, est restée insensible à ses appels. Tout comme aux nôtres, ce qui est normal puisqu’Urgences Patrimoine représente la voix du « peuple » et que dans les hautes sphères on ne tient surtout pas compte de l’avis de « la France d’en bas ».

N’oublions pas tout de même de citer les mécènes et partenaires de l’Université Catholique de Lille, qui grâce à leur générosité, participent activement, et peut-être sans vraiment le savoir, à ce projet de campus et qui, volontairement ou involontairement et peut-être sans vraiment le savoir, participent aussi à cette démolition.


Nous espérons que certains d’entre eux réagiront et qu’ils cesseront d’accompagner les démolisseurs et s’orienter plutôt vers ceux qui souhaitent offrir un avenir au patrimoine.

Nous sommes d’autant plus surpris que certaines de ces grandes entreprises françaises refusent en temps normal de financer les restaurations d’édifices religieux en péril, mais financer ceux qui les démolissent ne semble pas les déranger.

Sans doute parce qu’ils font partie des grands donateurs pour la restauration de Notre Dame de Paris et que cette marque de générosité les immunise contre tout le reste.

Enfin, il y a parmi le « casting » les figurants, qui se sont contentés d’apparaître au générique, mais qui se sont contentés, précisément, de « figurer ». Nous nous ferons un plaisir de les mettre en lumière dans un prochain article.


Note : Vous remarquerez le choix des photos où tous ces grands acteurs sourient. Car, non contents d’avoir mis par terre un patrimoine remarquable, ils ont aussi montré leur toute puissance et leur mépris envers ceux qui ont tout tenté pour sauver la chapelle Saint-Joseph.


« Ne leur pardonnez pas mon Père, ils savent très bien ce qu’ils font. »


Article sur le même sujet 
ICI.


Crédits photographiques: Urgences Patrimoine

18 Février 2021 : les deux ultimes audiences pour sauver l’honneur de la chapelle

Comme vous le remarquerez dans le titre de cet article, pour la première fois, nous n’avons pas écrit « pour sauver la chapelle » mais pour « sauver l’honneur de la chapelle ».

La cadence des travaux de démolition est telle que la semaine prochaine, alors même que les résultats des audiences ne seront pas connus, la chapelle Saint-Joseph ne sera plus qu’un triste souvenir pour ceux qui l’ont connue et pour tous ceux qui l’ont défendue.


Aujourd’hui donc avaient lieu les ultimes audiences. L’une à 9h30 au Conseil d’État à Paris où Maitre Laurent Poulet-Odent représentait Urgences Patrimoine et l’ensemble des requérants. Cette audience avait pour but de faire casser la décision du Tribunal Administratif de Lille du 5 janvier 2020. Le juge nous avait alors débouté avec comme arguments principaux : l’avis favorable donné par l’Architecte des Bâtiments de France et le fait que Junia restaurait le Palais Rameau et que cela leur donnait toute latitude pour démolir « l’encombrante » chapelle Saint-Joseph.

Ces arguments, nous les avons entendus des centaines de fois, mais ce que nous contestions aujourd’hui en cassation, c’est le fait que le juge des référés n’ait à aucun moment tenu compte de toutes nos pièces contradictoires qui mettaient en avant la valeur historique, patrimoniale et architecturale dans un contexte local.

Son verdict confirmait donc le refus de mise en instance de classement que le Ministère de la Culture avait prononcé le 14 novembre 2020 par le biais d’un communiqué officiel.

Ce matin, le rapporteur du Conseil d’État a hélas prononcé le rejet de notre requête pour les mêmes motifs. Maître Poulet-Odent va donc rédiger une note en délibéré pour plaider une ultime fois la cause de la chapelle et la décision finale du Conseil d’État devrait être connue d’ici une quinzaine de jours.

C’est à 10 heures que se tenait notre seconde audience au Tribunal Administratif de Lille où notre avocat, Maître Théodore Catry allait, lui aussi, devoir défendre l’honneur de l’édifice déjà bien défiguré. Lors de cette audience, la juge des référés s‘est montrée attentive et a souhaité que Maître Catry lui expose les raisons pour lesquelles la chapelle présente un véritable intérêt architectural (enfin, « présentait »). Il a donc fait part de l’ensemble des documents attestant de l’intérêt majeur de l’édifice : tribune des 106 Universitaires, études techniques réalisées par le bureau d’étude Anthémion, lettres de soutiens de nombreux professionnels du patrimoine, etc…

Enfin, il a pu faire valoir aujourd’hui toutes ces précieuses notes contradictoires.

Cette audience en référé pour illégalité, avait pour but de démontrer l’erreur d’appréciation du Ministère de la Culture qui dans son refus de mise en instance de classement, affirmait que le permis de démolir et le permis de construire étaient déjà accordés, alors que si le permis de démolir a bien été accordé en mai 2019, le permis de construire, déposé par Junia en décembre 2020 n’est pas encore signé.

Une erreur qui pourra sembler anecdotique, mais qui est notable dans le cadre du « dossier » Saint-Joseph.


Attendons maintenant la décision finale du juge des référés qui mettra un terme à cet épuisant feuilleton juridique… En attendant bien entendu notre recours au fond, mais pas avant au moins 6 à 8 mois. D’ici là, la chapelle ne sera plus que poussière, mais nous mettrons tout en œuvre pour, à défaut de l’avoir sauvé, la venger et faire enfin reconnaître ses qualités architecturales notables, hélas « post mortem ».

Mais, comme vous pouvez le constater, elle a toujours fière allure. Quelle tristesse …



Crédits photographiques: 1-Maître Poulet-Odent/ Maître Théodore Catry/ Petit_patrimoine / Urgences Patrimoine. 2. Petit_patrimoine / Urgences Patrimoine. 3. Josette Hemsen / Urgences Patrimoine.

Le Musée de la Typographie de Tours : trésor en péril


Installé dans 70 m², 15 rue Albert Thomas, à Tours, tout à côté de la Cathédrale, le Musée de la Typographie est l’œuvre d’un ancien typographe de 80 ans. « Attrape-science » dès ses 14 ans, il deviendra compositeur typographique, enseignera dix ans ce métier et accumulera une prodigieuse collection qu’il entretient, restaure et fait fonctionner, pour le plus grand bonheur des nombreux touristes en route pour les Châteaux de la Loire ainsi que les classes de tous niveaux dont les maîtres ont pu exploiter tous ses trésors d’écriture manuelle ou mécanique.



Tours et la typographie
Muriel Méchin, tel est son nom, rappelle à tous ses visiteurs le passé prestigieux de la Touraine dans le domaine de la typographie : Nicolas Jenson, maître graveur de monnaie à Tours passera 4 ans à apprendre la typographie à Mayence, aux côtés de Johann Fust et Peter Schoeffer, avant de s’installer à Venise, probablement par méfiance envers Louis XI qui a installé au Château du Plessis, à côté de Tours, sa capitale.
Au siècle suivant, Christophe Plantin, né à Saint-Avertin, fera fortune à La Haye où il imprimera la première Bible en 4 ou 5 langues et où son imprimerie est devenue un superbe musée.


Abraham Bosse, né à Tours, sera l’un des meilleurs graveurs du XVIIe siècle. La Musée possède d’ailleurs plusieurs éléments d’une presse taille-douce contemporaine.

Balzac, né à Tours, sera d’abord fondeur de caractères, avant de faire faillite et de voir ses actifs rachetés par la Duchesse de Berny, qui la laissera administrer par son fils, celui-ci en fera la dernière fonderie de caractères française, Deberny-Peignot qui fermera dans les années 80.

Et à la fin du XIXe siècle, l’Imprimerie Mame de Tours sera la plus grande imprimerie d’Europe avant de disparaître à cause de mauvaise gestion et du Concile Vatican II. Elle avait l’exclusivité de l’imprimerie en latin…


Enfin, pour l’anecdote, M.Méchin racontera qu’Augustin Mouchot recevra en 1871 du Conseil général de Tours une subvention, grâce à laquelle il réalisera quelques années plus tard  un récepteur solaire pour actionner une machine à vapeur lui permettant d'imprimer un journal. 

Les trésors du Musée
Le Musée garde des souvenirs de ces années prestigieuses, et pas seulement dans les discours de M. Méchin. Celui-ci fait fonctionner une presse à épreuve, deux « Hirondelles », des presses à pédale de 1880, une presse à bras « Reliance » de Chicago, celle qui figure en couverture de l’album de Lucky Luke
Le Daily Star, car elle raconte le développement des journaux dans l’Ouest américain. Il dispose aussi de nombreuses presses « Coup de Poing », une Boildieu de table, une presse à Braille, de rares moules à arçons pour fondre les caractères, toute une collection de petites presses de table permettant d’imprimer soi-même ses cartes postales, sans compter des machines plus rares encore, telles deux machines à imprimer les fils électriques et un superbe pantographe, permettant de réaliser des gravures. On peut voir aussi au musée une monotype en parfait état.

Et pour composer avec tout cela, il dispose de nombreuses polices de caractère, une superbe collection de lettrines, d’initiales entrelacées, et de plusieurs casses de caractères à combinaisons, Super Veloz, particulièrement rares et qui permettent d’inventer des caractères grâce à l’association de différentes formes. Le Musée est riche aussi de nombreux bois gravés, dont une belle collection des personnages de la Comédie Humaine de Balzac, des bois originaux, ainsi que des bois de l’édition de l’ « Histoire de Napoléon » de Norvins. Notons aussi un bois de Gustave Doré, un superbe « Tzar Nicolas II », un célèbre « Marcel Proust » très connus eux aussi. Enfin, on peut noter un bois remarquable représentant une musicienne dessinée par Uttagawa Kuniyoshi, l’un des trois grands maîtres japonais de l’estampe sur un bois, qui a été ramené à la hauteur typographique, et de ce fait, on peut supposer qu’il soit daté d’avant l’ouverture du Japon à l’Occident et à ses normes en 1853.


Le Musée est même devenu trop petit pour exposer l’impressionnante collection d’ouvrages sur la typographie, la gravure, la lithographie, l’écriture, que M. Méchin continue d’ailleurs régulièrement d’enrichir.

Le devenir du Musée
Trois mois de fermeture ont compromis le devenir du Musée. Ce sont les dons recueillis auprès des visiteurs et accompagnant les différents produits réalisés par M.Méchin qui lui permettent d’honorer son loyer ainsi que l’assurance du local, ainsi que ses participations à différents salons comme l’Art au Quotidien. Depuis trois mois, M. Méchin n’a que sa retraite de typographe pour y pourvoir. Par son côté « atypique », il ne peut prétendre aux aides gouvernementales ou locales destinées à ces fins.


C’est pour cette raison qu’une 
« Cagnotte » Leetchi a été lancée ICI.

Vous pouvez aussi adresser vos dons par chèque directement à :

La Typographie d’Antan
28 rue du 11-Novembre
37520 La Riche.


Il est possible enfin d’acquérir l’un ou l’autre de ces ouvrages réalisés en typographie par M.Méchin à cette même adresse au prix de 20 € l’unité.


A très court terme aussi se pose la question du devenir du Musée. M. Méchin a 80 ans. Il a proposé son fonds pour 50.000 € à la Ville de Tours, s’engageant à former le personnel municipal qui s’occuperait du Musée. Faute de solution, ce trésor sera dispersé sous le marteau de commissaires-priseurs qui ont déjà manifesté leur intérêt pour ces richesses patrimoniales.

Liens :
https://www.youtube.com/watch?v=WNn36dUt8Zs
https://www.youtube.com/watch?v=QMbULvMdxQE
https://www.youtube.com/watch?v=wFKhmvzODsk



Crédits photographiques: Jean-Louis Maître

« C’est Mon Patrimoine »: 600 collégiens assistent à la démolition de la chapelle Saint-Joseph

Souvenons-nous de la grande opération du Ministère de la culture visant à sensibiliser les jeunes au patrimoine et à sa sauvegarde. On peut dire qu’au Ministère de la Culture on a beaucoup d’humour.


Voici la présentation officielle de cette opération sur le site du Ministère :

L’accès de tous à la culture et au patrimoine

En s’adressant à des jeunes issus des territoires prioritaires, urbains mais aussi ruraux, C’est mon patrimoine ! a pour ambition de les sensibiliser aux patrimoines et à l’histoire à travers une offre culturelle de qualité.

Ce sont ainsi chaque année plusieurs centaines de sites (monuments, musées, archives, villes et pays d’art et d’histoire, patrimoine industriel, sites archéologiques ou patrimoines immatériels) qui leur sont ouverts pour une découverte privilégiée et une pratique artistique et culturelle de qualité.

C’est mon patrimoine ! permet aux enfants et adolescents de développer leur goût du patrimoine et des arts, d’enrichir leurs connaissances et les aide à mieux comprendre l’intégration d’un lieu patrimonial dans son environnement géographique et culturel.


Si l’idée première est tout à fait louable, il serait peut-être bon de réfléchir comment ne pas déstabiliser les jeunes en leur présentant quasi quotidiennement des démolitions.

Ces jeunes qui sont censés être les gardiens du patrimoine de demain doivent se poser bien des questions quant à la valeur de « leur patrimoine », lorsque celui-ci finit sans remords sous les crocs des pelleteuses.

Imaginez donc ce que doivent penser les 600 collégiens du collège Saint-Paul qui assistent depuis mercredi, alors qu’ils sont en cours, à la démolition de l’édifice.

Longtemps Junia (l’école d’ingénieur à l’origine de la démolition) avait indiqué que, pour des raisons de sécurité, les opérations de démolition ne seraient pas réalisées en présence des élèves mais, sans doute par peur du résultat de notre ultime référé dont la date avait été fixée au 18 février, la sécurité n’est apparemment plus de mise et les travaux ont été avancés.

Si cette démolition va, nul doute, entraîner de vives réactions de la part de tous ceux pour qui le patrimoine et sa sauvegarde ont du sens, qu’en est-il de ces jeunes adolescents à qui l’on offre un tel spectacle ?

Est-ce là une façon de faire d’eux des adultes engagés pour la mémoire collective ? Est-ce là la façon de les sensibiliser à la cause du patrimoine ?

En tout cas, c’est la façon que l’Université Catholique de Lille pense être la meilleure pour leur apprendre le respect du passé, avec la bénédiction du Ministère de la Culture qui s’illustre ici de façon magistrale dans le rôle du donneur de (mauvaises) leçons, en criant haut et fort que seul le patrimoine dit « remarquable » doit être conservé et que le patrimoine des territoires, même s’il s’inscrit dans un contexte architectural cohérent, peut être mis par terre.

Nous ignorons quelle est l’opinion de ces collégiens qui assistent à ce spectacle affligeant depuis les fenêtres de leurs classes, mais ce que nous savons, c’est qu’ils respirent la poussière dégagée par ces travaux de démolition.


Nous pensons qu’il est grand temps que Madame Bachelot débaptise cette opération du Ministère de la Culture et que désormais on la nomme « 
C’était Mon Patrimoine ».



Crédits photographiques: Julien D. / Urgences Patrimoine

Chapelle Saint-Joseph de Lille: les travaux de démolition ont commencé

Alors que la majorité des chantiers sont à l’arrêt dans les Hauts-de-France à cause de la neige, à Lille, sans doute le seul chantier en action, aujourd’hui est celui de la démolition de la chapelle Saint-Joseph.


La « toute puissance publique » a sans doute décidé qu’il ne fallait pas attendre le verdict des différents recours en justice d’Urgences Patrimoine et des riverains pour commettre l’irréparable et mettre ainsi un terme à la présence de l’édifice en ce lieu depuis près de 135 ans.

Notons que les travaux devaient commencer pendant les vacances scolaires pour des raisons de sécurité, mais visiblement la sécurité n’est pas la préoccupation première des démolisseurs.

Ce combat fut le pire et le plus difficile que nous avons mené et notre première conclusion sera de dire que face à un ministre sourd et à une justice aveugle le patrimoine n’a aucune chance.

Enfin, mention spéciale à l’Université Catholique qui est la principale responsable de ce patrimonicide — et nous n’avons qu’un mot à dire à cet instant : « Dieu reconnaîtra les siens ».

Nous reviendrons plus en détails sur ces tristes événements ultérieurement, le temps de nous remettre de cette terrible nouvelle.




Crédits photographiques: Urgences Patrimoine

Le sort de l’église Sainte-Germaine-Cousin en suspens


Le sort de l’église Sainte-Germaine-Cousin, située à Calais dans le quartier du Pont-du-Leu est toujours en suspens. Qu’adviendra-t-il de ce remarquable lieu de culte, emblématique de l’esprit Art Déco qui a pu présider, ça et là au sein de la région des Hauts-de-France, à certaines constructions religieuses au cours des années 1920 et 1930 ? Pour l’instant, tous les regards se tournent vers la DRAC, dont le verdict sera sans doute décisif.


Rappelons les faits. Suite à la divulgation en août 2020 dans la presse locale de l’intention affichée par le diocèse d’Arras de se séparer de l’église Sainte-Germaine-Cousin dans la mesure où son entretien excéderait désormais ses possibilités financières, Urgences Patrimoine et l’EPAC (Environnement Patrimoines du Calaisis) se sont très vite penchés avec attention sur ce dossier. En effet, dans les textes publiés par des journalistes apparemment bien informés, le diocèse serait depuis plusieurs mois en tractation avec des promoteurs immobiliers, dont l’objectif est sans conteste de raser l’église afin de libérer une belle parcelle propre à accueillir une résidence abritant plusieurs appartements ; concession au diocèse, un espace devant servir de chapelle serait aménagé à l’intérieur du nouveau bâtiment. Deux des arguments avancés en faveur de l’abandon de l’église par les responsables diocésains sont d’une part qu’elle serait devenue malsaine car envahie par l’humidité, et que, d’autre part, elle n’accueillerait quasiment plus de fidèles.

Ce dernier argument apparaît assez facilement explicable dans la mesure où les portes de l’église sont très rarement ouvertes pour la célébration d’offices (pour quelques heures, une fois toutes les trois semaines en moyenne et dans le meilleur des cas). Une rapide consultation de la base de données Palissy du ministère de la Culture a permis aux membres d’Urgences Patrimoine et de l’EPAC de constater que vingt-huit verrières de l’église Sainte-Germaine-Cousin étaient inscrites depuis 1997 à l’inventaire des Monuments Historiques et bénéficiaient à ce titre d’une protection : situées dans le chœur, la nef, les fenêtres hautes et les bas-côtés ainsi que dans la chapelle des fonts baptismaux, elles représentent des saints et des saintes ainsi que diverses scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Signées du grand maître-verrier Louis Barillet, leur datation a été estimée à 1934.


Si les vitraux sont protégés en cas de destruction de l’église, rien n’empêcherait leur propriétaire de les déposer et de les entreposer loin des regards. Une visite des lieux permet de constater que l’intérieur de l’église recèle d’autres richesses artistiques, au premier rang desquelles un magnifique chemin de croix en mosaïque, probablement œuvre de Louis Barillet ou de ses disciples. Le chœur, d’une pureté remarquable, ainsi que les piliers soutenant la voûte d’une blancheur immaculée, présentent de délicates décorations de style néo-byzantin. Si l’architecte de l’édifice, Julien Barbier, n’est pas très connu, sa réalisation se distingue de toutes les églises du Calaisis et apparaît comme une véritable rareté à l’échelle du département. Aussi une demande d’ouverture d’un dossier pouvant aboutir à une inscription de l’ensemble de l’édifice a-t-elle été déposée quelques semaines après que les intentions du diocèse aient été divulguées. Première bonne nouvelle : la DRAC acceptait, fin novembre 2020, d’instruire ce dossier.

Une visite des lieux par l’équipe d’experts diligentée sur place aboutissait à un constat très clair : l’église est saine. Si des remontées d’humidité sont réelles au niveau de son sous-sol, ce phénomène concerne l’ensemble des bâtiments d’un quartier autrefois parcouru par un cours d’eau, mis sous canalisation récemment et ne compromet en rien, à ce stade, la stabilité du bâtiment, lequel est bien arrimé sur des fondations très profondément et solidement ancrées dans un sol d’une nature jadis marécageuse et resté relativement instable : les longs pieux qui soutiennent l’église reposent en effet sur le roc. Pour cette raison, envisager la construction d’une résidence au même emplacement impliquerait de fait des frais énormes : raser à l’aide de bulldozers l’église ferait bouger les très puissants piliers qui la soutiennent et qui devraient être remplacés… à moins que les démolisseurs ne choisissent de démanteler, brique par brique un lieu de culte dont le solide et fier clocher a été terminé seulement à la fin des années 1980 ? Quoiqu’il en soit, l’argument selon lequel l’église était devenue insalubre tombait.

D’aucuns murmurent que l’église Sainte-Germaine-Cousin, de par sa haute valeur patrimoniale, mériterait plus qu’une inscription… c’est-à-dire un classement. Rien n’est joué pour le moment, répétons-le. Quoiqu’il en soit, les associations soucieuses de la préservation du patrimoine se doivent de parer à toute éventualité. Si l’église ne bénéficie d’aucune protection de la part de l’État, ou si cette protection s’avère insuffisante, il est nécessaire de monter un projet permettant de sauvegarder le bâtiment en lui trouvant une autre fonction et en attirant du même coup des investisseurs respectueux du patrimoine et qui s’engageraient à conserver l’intégrité des lieux. Des propositions existent : transformer la tribune d’orgues en antenne du Conservatoire à Rayonnement Départemental de Calais, installer un musée d’art sacré dans les bas-côtés (les productions du mouvement artistique « La Nef », actif dans l’entre-deux-guerres sur la côte d’Opale, seraient par exemple parfaitement à leur place dans cet espace), faire de la nef un lieu de concert. Afin de respecter la destination originelle du lieu – permettre le rassemblement des chrétiens – transept, chœur, fonts Baptismaux et sacristies continueraient à remplir cette fonction. L’agréable espace vert qui l’entoure, actuellement fermé au public, pourrait devenir un lieu de repos doublé d’une aire de jeux pour les enfants dans un quartier extrêmement minéralisé. Un parking pourrait être aménagé dans la cour du patronage, utile lors des manifestations culturelles.


Contactés ces dernières semaines, le Conseil Départemental du Pas-de-Calais a assuré suivre de près le dossier, tandis que le Conseil Régional s’est déclaré prêt à financer une éventuelle restauration du lieu, sachant qu’il ne peut en aucun cas racheter le bâtiment. La municipalité de Calais a quant à elle accordé le bénéfice d’une entrevue à deux représentantes d’Urgences Patrimoine et de l’EPAC. Le message est clair : la mairie refuse de dépenser le moindre euro pour conserver l’église Sainte-Germaine, ne souhaitant pas « avoir sur les bras » (sic) un bâtiment dont l’entretien représente plusieurs milliers d’euros par an. Dans l’hypothèse où l’édifice serait valorisé en tant que centre culturel, il présenterait pourtant de nombreux aspects propices à drainer des touristes, notamment lors du festival « Le Printemps de l’Art Déco » initié par la Région Hauts-de-France et dont, jusqu’à présent, le Calaisis est exclu. La politique patrimoniale adoptée par la mairie du Calais ne laisse pas de surprendre : après avoir décroché l’enviable label Ville d’Art et d’Histoire, elle semble se désintéresser de toute une partie des bâtiments qui font son histoire, quand elle ne contribue pas à leur disparition (cf. la destruction de l’immeuble HBM signé Roger Poyé en juillet 2020, malgré une très forte mobilisation des amoureux du patrimoine).

Faudra-t-il un miracle pour que l’église Sainte-Germaine-Cousin du Pont-du-Leu reste debout ? Gageons que les décideurs ne restent pas sourds au mécontentement des habitants du quartier et comprennent d’eux-mêmes la richesse patrimoniale qu’elle représente. La Gazette du Patrimoine suit l’affaire de très près et ne manquera pas d’informer ses lecteurs des futurs rebondissements de ce dossier.

Magali Domain pour Urgences Patrimoine

Rappel : vous pouvez toujours soutenir la préservation de l’église Sainte-Germaine en signant ou en faisant connaître la pétition mise en ligne ICI.


Crédits photographiques: Magali Domain

Sierck-Les-Bains : la Maison Berweiller obtient un sursis d’un an !

Voilà le genre d’article que nous aimerions écrire plus souvent.

La Maison du Berweiller, plus communément appelée la Maison du Drapier, était vouée à la démolition, frappée par un arrêté de péril.


Mais après la publication de
notre article le 18 septembre 2020, une importante mobilisation locale, portée par un collectif réactif et engagé refusant de voir disparaître ce fleuron du patrimoine local, a permis de sursoir à cette démolition des plus injustifiées.

Avec l’appui de nombreuses associations nationales (Urgences Patrimoine, VMF, Maisons Paysannes de Moselle, Sites et Monuments de Moselle) — et surtout Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains qui représentait le collectif local —, une demande de mise en instance de classement a été déposée et elle a été accordée. La notification de cette procédure qui gèle toute démolition pour une durée d’un an, a été adressée à madame la Maire de la commune de Sierck-les-Bains le 4 février 2021.

Ce sursis doit permettre de trouver une solution pérenne pour l’avenir de l’édifice.

Un entrepreneur luxembourgeois est, depuis que l’alerte a été lancée, intéressé par le rachat de la maison, mais peut-être que d’autres personnes se feront connaître.

Nous espérons vivement que, suite à la mise en place de cette instance, madame la Maire mettra tout en œuvre pour faciliter les transactions et ainsi permettre à la Maison du Drapier de s’inscrire dans l’avenir de sa commune.

Hélas, tous les édifices menacés de démolition n’ont pas la chance de bénéficier de cette mesure, mais à Sierck, les conditions étaient réunies pour que les choses se déroulent sans encombre.

Voici la recette « magique » :

Alerter très vite bien avant que les pelleteuses n’arrivent, puis mobiliser le plus de monde possible localement.

Créer une pétition en ligne https://www.change.org/p/madame-roseline-bachelot-ministre-de-la-culture-non-%C3%A0-la-destruction-de-la-maison-beiweiller pour donner de la visibilité à l’action de sauvegarde (aucune valeur juridique, mais ça peut faire « causer »).
Ne pas hésiter à solliciter des associations existantes plus grandes, qui ont l’habitude de gérer les « urgences ».

Faire en sorte que lesdites grandes associations s’unissent pour la cause (ça c’est compliqué). Enfin, ne pas avoir peur de solliciter les érudits et les « hommes de l’art » qui sauront mettre en valeur les atouts de l’édifice.

Le « truc » qui rend cette recette inratable : un Architecte des Bâtiments de France opposé au projet de démolition.


En respectant cette recette à la lettre, alors toutes les chances de réussites seront au rendez-vous.

Mais nous insistons sur un point déterminant : ne jamais attendre qu’il soit trop tard. Si cette recette avait été respectée à Lille pour la chapelle Saint-Joseph et que les associations locales avaient su donner l’alerte dès l’affichage du permis de démolir, alors les choses auraient été bien différentes. Hélas, l’histoire ne se réécrit pas…

Mais en attendant, réjouissons-nous pour la Maison Berweiller et remercions tous ceux qui ont rendu cet heureux dénouement possible, à commencer par Joseph Nousse qui a eu la bonne idée de lire notre alerte, et qui a su immédiatement réagir en mobilisant les talents et les énergies.

« Le Patrimoine ne peut pas lutter, ensemble nous pouvons ».


Crédits photographiques: Collectif de sauvegarde

Chapelle Saint-Joseph: Urgences Patrimoine intente une nouvelle action en justice



Communiqué – Lancement d’une nouvelle procédure de référé pour éléments nouveaux d’illégalité

Urgences Patrimoine introduit, ce jour, une nouvelle requête en référé devant le président du tribunal administratif de Lille.

Outre les nombreuses illégalités qui ont affecté le raisonnement du précédent juge des référés, de nouveaux éléments ont été révélés et sont de nature à confirmer plus encore l’illégalité du refus de mise en instance de classement.

Compte tenu de l’extrême urgence de la situation, nous nous efforçons d’obtenir auprès du tribunal la date la plus proche possible pour que l’audience soit tenue avant la démolition de la chapelle Saint-Joseph.

L’enjeu est de taille : comme pour le premier référé, le refus d’instance de classement peut être suspendu, ce qui gèlerait le caractère exécutoire du permis de démolir.

Maître Théodore Catry, notre avocat, et Maître Héloïse Hicter, avocat du barreau de Lille en contentieux administratif qui a la gentillesse de soutenir notre action en corédigeant le référé, reviendront très rapidement vers nous pour nous tenir au courant des suites de cette procédure.

Nous appelons tous les hommes de l’art qui souhaitent nous aider dans cette démarche (architectes, historiens, ingénieurs, conservateurs, …) à prendre urgemment attache avec nous. Nous avons besoin de multiplier les notes et rapports de professionnels qui viendraient confirmer, au côté des études de Monsieur Poncelet et du BET Anthémion, l’intérêt historique et architectural de la chapelle. Ces notes seraient versées au dossier et permettront au juge de se forger un avis en toute connaissance de cause sur la nécessité de sauvegarder l’édifice.

Adresse de contact :
urgences.patrimoine@gmail.com


Nous comptons également sur tous ceux qui nous soutiennent et nous encouragent depuis le début de ce combat difficile pour nous rejoindre.
Une adhésion à 9 euros, ce n’est pas un gros effort, mais cela sera déterminant pour l’avenir d’Urgences Patrimoine. Adhérez ICI.

D’avance merci.

« Le Patrimoine ne peut pas lutter, ensemble nous pouvons. »

Crédits photographiques : Urgences Patrimoine

Musée des Tissus à Lyon : un « lifting » à 60 millions — est-ce bien raisonnable ?

Il y a trois ans, la disparition programmée du Musée des Tissus à Lyon avait fait grand bruit. Après bien des tribulations, c’est finalement la Région Rhône-Alpes qui l’avait racheté, pour le plus grand bonheur de tous les défenseurs de ce lieu chargé d’histoire.


Aujourd’hui, la Région a décidé d’opérer une profonde restructuration de l’édifice afin de l’inscrire résolument dans l’avenir.

Or, nous ne sommes pas certains que ce choix soit très judicieux et pour plusieurs raisons. La première est économique, car à l’heure où la crise prive l’ensemble des lieux culturels de visiteurs et dont certains ne se relèveront peut-être pas, investir plus de 60 millions d’euros pour un lifting complet nous semble être à la limite de la provocation, alors qu’une « mise en beauté » grâce à une restauration douce serait bien plus économique. N’oublions pas qu’il s’agit là d’argent public.


La seconde raison est résolument éthique. Car alors que des dizaines de patrimoine sont en grand péril dans la région et qu’ils peinent à trouver quelques subventions, dépenser autant d’argent pour un seul lieu est tout à fait indécent et disproportionné.

Enfin, si les éléments protégés au titre des Monuments Historiques sont effectivement rayés de la carte, comme cela semble être le cas, alors nous allons tout droit vers un scandale patrimonial de plus.

Les voix commencent donc à s’élever contre ce projet et notamment celle de Maxime Dehan, qui vient de lancer une pétition que nous vous invitons bien entendu à signer en fin d’article.

Urgences Patrimoine mettra tout en œuvre pour soutenir l’ensemble des démarches qui seront faites pour faire respecter ce lieu qui mérite d’être inscrit dans l’avenir mais de façon cohérente et intelligente.

Nous avons la chance dans cette affaire d’avoir de nombreux contacts dans notre réseau qui pourront sans doute être de précieux soutiens ou même de précieux médiateurs afin de satisfaire tout le monde, puisque l’objectif commun est la valorisation d’un des plus précieux patrimoine Lyonnais. En attendant, voici plus de détails et d’explications donnés par Maxime Dehan dans son article :

Conservons la cour du Musée des Tissus et des Arts Décoratifs dans son écrin d'origine !

En 2017, nous apprenions avec soulagement le désir de la Région Auvergne-Rhône-Alpes de sauver le Musée des Tissus menacé d'une fermeture définitive. Il ne pouvait en être autrement tant ce musée est intimement lié à l'Histoire de Lyon depuis le milieu du 19ème siècle et tant la richesse de ses expositions en fait une institution unique au monde : 2,5 millions d'œuvres de toutes origines couvrant 4500 ans d'Histoire universelle !

C'est pour sauver ce caractère unique, intrinsèque à notre si belle ville de Lyon, que la Région acquit pour l'euro symbolique l'Hôtel de Villeroy et l'Hôtel de Lacroix-Laval, abritant respectivement les Musées des Tissus et des Arts Décoratifs. Avant de pénétrer dans l'un des deux musées, le visiteur est transporté en plein Siècle des Lumières, grâce à cet ensemble 18ème remarquable, par son porche et cette cour qui laissent place au songe et à ce que pouvait être la vie des propriétaires de l'époque qui battaient incessamment le pavé, se signalant par le bruit des roues des voitures et des chevaux. En ces temps anxiogènes, nous mesurons à quel point nous avons tellement besoin d'évasion : ce que nous offrent ainsi ces lieux témoins, restés hors du temps.

Au rêve et à l'extase du passionné suit depuis peu un réveil brutal ... En effet, la région s'orienta, dès le début, vers une rénovation contemporaine et c'est Rudy Ricciotti, l'architecte du Mucem, qui remporta l'adhésion d'un jury composé d'experts. En dépit de tout bon sens, ce dernier acceptait un projet censé cacher les façades autour de la cour par une enveloppe contemporaine, dégradant ainsi un ensemble 18ème unique à Lyon, en secteur UNESCO.


Alors même que les jardins et l'Hôtel de Lacroix-Laval sont inscrits aux monuments historiques comme nous le rappelle le site du musée :

"Son bâtiment, sa cour, et son jardin transformé en parterre « à la française », d’après le dessin de l’architecte-paysagiste René-Édouard André dans les années 1920, sont inscrits au titre des Monuments historiques en 1957."

Un fait censé pouvoir freiner toute tentative de constructions ... Que nenni, les projections annoncées montrent une cour totalement bétonnée, le jardin supprimé, le perron et ses balustrades d'époque remplacés par du contemporain, l'annexe 18ème (pourtant en très bon état) liant les deux hôtels particuliers remplacée par une structure vitrée à plusieurs étages. Non seulement, ces travaux impacteront les abords d'un monument historique en les modifiant sensiblement mais ils supprimeront en plus des éléments remarquables à l'instar des jardins et de l'annexe ...


Quid de la protection des abords ? Quid de l'impact écologique ? On ne s'aventurerait pas en affirmant que ces titres UNESCO et monuments historiques deviennent finalement des variables d'ajustement destinées à flatter l'électorat ainsi que l'ego des élus.

Parlons-nous d'un quartier comme la Part-Dieu pour accepter la construction d'une tour à proximité du porche ? Ce projet "tape-à-l'œil" n'est-il pas en total décalage avec l'ensemble 18ème du quartier promu par l'UNESCO ?


Ce projet ressemble plus à une belle opération immobilière qu'à une véritable œuvre de restauration et de mise en valeur patrimoniales. Il en prend, tout du moins, le prétexte ...

Outre l'aspect architectural et paysager, l'aspect financier s'avère tout aussi provocateur. En effet, il est prévu une enveloppe de 50 à 60 millions d'euros minimum. Certes, cette somme astronomique sera répartie entre des fonds européens, des subventions de l'Etat, potentiellement renforcée par une aide de la municipalité lyonnaise. Mais que penser d'un tel effort budgétaire lorsque, dans le même temps, les petites communes et les associations peinent à recevoir quelques coups de pouces financiers et sont livrées à elles-mêmes, faisant face à des travaux onéreux. Ne nous a t-on pas assez répété que le budget patrimoine se réduit à une peau de chagrin ? À titre de comparaison, le loto du patrimoine rapporte trois à quatre fois moins que la somme qui nous est annoncée, pour sauver, chaque année, une centaine de monuments ! Une somme ciblant finalement un site quand elle pourrait être équitablement répartie pour en sauver tant d'autres ! Pourquoi donc autant de facilités à réunir une enveloppe si importante alors que nombre de sites remarquables, moins médiatisés, sont dans l'attente et disparaissent dans une indifférence aveugle ? Il y a quatre ans, il n'y avait pas un centime pour ces deux musées. Aujourd'hui, il y en a trop pour un tel projet. En d'autre terme : du gaspillage de l'argent public, indécent en de telles circonstances.


Ce projet fait pourtant des émules : on présente ainsi des projections largement arrangées, aux perspectives étirées, un coup de publicité lancé par la Région pour obtenir l'adhésion des Lyonnais. En effet, qui n'y serait pas sensible ?

Sur un site où la jeunesse et le dynamisme manquent, le projet ferait l'unanimité. Mais sur un site UNESCO, inscrit partiellement, sur un lieu emblématique de Lyon depuis plus de 150 ans, sur un lieu à l'ensemble 18ème unique, en sommes-nous bien certains ? Depuis toujours, les musées de Lyon manquent de visibilité, de signalétiques, de "com'". Qui a déjà visité par exemple le musée de l'imprimerie de Lyon ?

Jusqu'en 2016, nous n'entendions guère parler du musée des Tissus et des Arts Décoratifs ... Il aura fallu l'intervention appuyée de Stéphane Bern, de Bernard Pivot et du courage d'un collectionneur parisien pour ouvrir une pétition et faire prendre conscience de son existence ...

Prenons exemple sur le musée Gadagne qui réussit le pari de n'être point tenté par les sirènes du modernisme à outrance en faisant restaurer respectueusement les façades de sa cour par un gracieux ravalement, en fixant l'ancienne horloge Charvet devant ses portes, en greffant une annexe contemporaine discrète sur ses toits pour accéder aux jardins devenus un lieu de fraicheur pour les visiteurs éreintés par le tour d'un si beau musée. Un musée devenu aujourd'hui une institution incontournable de Lyon, démentant ainsi la légende de l'omniprésence du contemporain sur nos lieux de Mémoire, comme une leçon et un exemple à suivre !

Monsieur Wauquiez, transposez donc cette idée sur le musée des Tissus et des Arts Décoratifs : non seulement vous le sauverez définitivement de la ruine, mais vous ferez des économies qui profiteront à bien d'autres monuments en péril sur notre belle région ! Permettez-nous d'en établir une liste.

Soutenez-nous en signant la pétition et en la partageant le plus largement possible !
Le lien juste
ICI. 👇
http://chng.it/vzPK5nqR


Maxime DEHAN
Membre titulaire de l’Académie de la Dombes
Secrétaire général de l'Académie Littéraire et Historique du Val de Saône
Vice-Président délégué de l'Union des Écrivains Rhône-Alpes-Auvergne

Crédits photographiques : photos 1-3-5 : Rudy Ricciotti; photos 2-4-6 : Maxime Dehan