Sierck-les-Bains : tous unis pour sauver la maison Berweiller

Urgences Patrimoine avait donné l'alerte grâce à un article dans notre Gazette du Patrimoine le 18 septembre, au lendemain de la publication de celui du journal L'Est Républicain, faisant état de la démolition prochaine de la maison Berweiller, située dans la commune de Sierck-Les-Bains (lire l'article ICI).

C'est cet article de
La Gazette du Patrimoine qui a retenu l'attention de nombreux habitants de la commune, et en particulier de Joseph Nousse, fervent défenseur de Sierck et figure locale. Ce sont plus de trois cents personnes qui ont alors partagé sa publication sur les réseaux sociaux et, immédiatement après, un comité de sauvegarde a été créé afin d'éviter la démolition de l'édifice érigé en 1664.

L'affaire a dépassé largement les frontières de la commune et toutes les grandes associations se sont jointes au comité de sauvegarde pour essayer de trouver des solutions rapides et surtout pérennes, afin d'offrir un avenir à l'édifice.


La solution idéale serait, comme nous l'avons déjà évoqué, de trouver un repreneur sérieux, en capacité de réaliser les travaux d'urgence afin de lever au plus tôt l'état de péril. Un groupement d'entrepreneurs luxembourgeois s'est fait connaître et a rencontré Madame la Maire le 20 octobre dernier. Nous ignorons encore quelle sera l'issue de cette rencontre, mais nous l'espérons tous heureuse.

En attendant, un courrier co-signé par l'ensemble des acteurs impliqués dans cette sauvegarde a été envoyé à Madame la Ministre de la Culture afin d'appuyer une demande de protection de l'édifice.

Voici son contenu :

À l'attention de Madame Roselyne Bachelot
Ministre de la Culture Ministère de la Culture
182 rue Saint-Honoré
75001Paris

Objet : Démolition de la maison Berweiller

Madame la Ministre,

Les membres des huit associations que nous représentons ont été surpris d'apprendre récemment le projet de démolition de la maison Berweiller, située au 4 rue de la Tour-de l'Horloge dans la commune de Sierck-les-Bains, en Moselle. Bien que non protégée au titre des Monuments historiques, cette maison datant de 1624 est repérée comme « Intérêt à signaler » sur la Base Mérimée (notice IA00037545). En effet, pour ses qualités architecturales et patrimoniales, la maison Berweiller compte parmi les édifices les plus remarquables de la commune et se trouve intégrée à son parcours historique.

Située à quelques mètres de l'église et du château, elle se situe également en abord d'un Monument historique. Par ses proportions effilées, sa façade en angle et les délicates modénatures de ses ouvertures avec sculptures et ornements à formes animales, cette maison est en mesure de tenir la comparaison avec bon nombres d'édifices civils protégés au titre des Monuments historiques à Metz et dans le département de la Moselle.

Elle constitue un des rares exemples d'habitation de drapiers du XVIIe siècle, encore conservés dans la région. Des problèmes structurels importants ont affecté l'édifice. Leur cause semble trouver son origine dans la rupture de l'équilibre général suite à la démolition de la maison voisine, après la Seconde Guerre mondiale.

Cependant, et bien qu'impressionnants, ces désordres semblent aujourd'hui provisoirement atténués voire contenus grâce à trois tirants. Des témoins au plâtre mis en place en 1978 renseignent sur la faible évolutivité de ces désordres.

La maison est actuellement la propriété d'une famille en grande difficulté financière. Suite au récent décès de leur mère, les héritiers ont souhaité se séparer de la maison que la commune s'est proposée de racheter et de démolir, aidée par l'Etablissement Public Foncier de Lorraine.

Pour ce faire, un arrêté de péril a récemment été pris par la commune et ce, bien que les désordres soient contenus depuis plusieurs années. Comme vous le savez, la récente loi ELAN ôte tout pouvoir à l'Architecte des Bâtiments de France face à un arrêté de péril.

Seule l'action de la Conservation régionale des Monuments historiques, par la mise en instance de classement, peut désormais permettre d'envisager un sursis pour cet exceptionnel édifice.

Deux courriers ont été adressés le 5 octobre aux CRMH de Metz et de Châlons-en-Champagne et sont restés sans réponse… La démolition programmée de la maison Berweiller nous apparaît ainsi doublement injustifiée : tant d'un point de vue structurel que patrimonial. Cette démolition représenterait une perte patrimoniale inestimable pour la commune et le vide laissé par sa disparition tendrait à fragiliser l'organisation urbaine de Sierck-les-Bains. Qui plus est, si l'une des plus belles maisons de la commune peut être ainsi démolie, quel exemple cela renvoie-t-il aux Sierckois et plus largement aux citoyens français ?

Nous souhaitons également attirer votre attention sur l'aide fournie par l'EPFL, établissement public. Par ce courrier, nous souhaitons ainsi vous alerter sur la grande valeur de ce patrimoine et attirer votre attention sur le sacrifice que constituerait sa démolition.

C'est pourquoi, nous venons solliciter de votre part la mise en instance de classement portant sur la 4 rue de la Tour-de-l'Horloge afin de suspendre dans les plus brefs délais et durant un an ce projet de démolition. Une recherche de financements pourra également être menée en parallèle ; nous sommes déjà engagés dans ces démarches.

Nous vous remercions de l'attention et de la considération que vous voudrez bien porter à notre requête et vous prions d'agréer, Madame la Ministre, l'expression de notre haute considération.


Alphonse Schneider Président de Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains
Jean-Yves Chauvet Président de Maisons Paysannes de Moselle
Béatrice Reimeringer Présidente de l'Association des Pierres et des Hommes pour la sauvegarde du patrimoine Sierckois
Joseph Nousse Comité de sauvegarde de la Maison Berweiller
Alexandra Sobczak-Romanski Présidente fondatrice d'Urgences Patrimoine
Joël Beck Président de la Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine
Christel de Wendel Déléguée départementale Vieilles Maisons Françaises Moselle
Jean-François Michel Délégué grand-Est Sites et Monuments SPPEF



Cette protection pourrait éviter la démolition, car, dans ce cas, l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France deviendrait obligatoire avant toute intervention. Les services de la culture ont été clairs, cette maison est considérée comme un patrimoine remarquable et la faire disparaître du paysage Sierckois serait une grave erreur. À l'heure actuelle, l'avis de l'ABF n'étant que consultatif, rien ne s'oppose à cette démolition.


Pourtant les avis sont unanimes. Ceux des habitants, ceux des défenseurs du patrimoine, mais également ceux des professionnels de l'architecture et du patrimoine.

C'est le cas notamment de Monsieur Philippe Tondon architecte, membre de la commission Urbanisme et Patrimoine de l'Académie Nationale de Metz, qui nous livre ici sa réflexion :

Sierck-les-Bains, Démolition des immeubles 2 et 4 rue de la Tour de l'Horloge,

« On achève bien le tissu urbain… en démolissant des maisons »

La pandémie n'arrête pas les démolisseurs ! Pourtant ces deux maisons du quartier de la Tour de l'Horloge à Sierck-les-Bains en ont déjà connu des épidémies. La commune a entrepris la rénovation du quartier de la Tour de l'Horloge, situé devant la porte du même nom, en contrebas de son château. Elle prévoit dans ce cadre la démolition de deux immeubles, le numéro 2 qui est un immeuble du XVIIIe siècle et le 4, la maison du drapier Berweiller construite en 1624 (voir extrait du N°26 Images du Patrimoine sur le canton de Sierck-les-Bains aux éditions Serpenoise, d'ailleurs cette photographie montre, dans les années 80, un bâtiment dans un état déjà assez proche de celui d'aujourd'hui).

Le programme de rénovation du quartier d'un budget de 2 M€ est financé par l'Europe, la Région, le Département et la Communauté de Communes, sous maîtrise d'ouvrage déléguée de l'EPFL.


Il prévoit la rénovation des espaces publics, avec entre autres l'aménagement du parvis de l'église de la Nativité. C'est dans ce cadre que la démolition des deux immeubles permettra, pensez donc ! la création d'un parking et probablement la mise en œuvre de cette pensée désuète du XIXe, consistant au dégagement des monuments. Comme il est écrit dans le bulletin municipal d'août dernier (en annexe 2 pages extraites de celui-ci) la municipalité a édité deux arrêtés de péril et elle a probablement engagé un permis de démolir, soumis entre autres à la D.R.A.C., par l'intermédiaire de l'U.D.A.P. le service de l'A.B.F.

Il est vrai que cette maison est déstabilisée depuis la démolition des constructions sur les trois parcelles qui se situaient entre celle-ci et l'église, d'où le décrochement de son pignon ouest. Mais il suffirait de reconstruire contre pour la maintenir. L'erreur venait déjà de cette première intervention sur le tissu.

L'origine de ce faubourg date du XIVe siècle, il s'organisait entre l'entrée de ville depuis Thionville, les berges de la Moselle et les évolutions de l'église. Elle était à l'origine une chapelle édifiée en 1236, à l'emplacement de l'actuelle sacristie, pour les Chevaliers de l'Ordre Teutoniques à l'initiative du Duc de Lorraine Mathieu II. Elle fut ensuite transformée en église paroissiale (deuxième quart du XVe siècle) à l'initiative de Arnold VI de Sierck.

Ces bâtiments sont et peuvent être préservés, surtout parce qu'ils font partie d'un tissu urbain caractéristique, cohérent et que la suppression d'une partie, aussi infime qu'elle puisse être, constitue un appauvrissement de la cohérence d'ensemble, pour la cité, comme pour ce faubourg du XIVe siècle.

Cette décision est d'autant plus surprenante que la maison du drapier arbore, contre sa porte caractéristique du XVIIe siècle, l'étiquette d'un circuit du patrimoine et pire encore, sur le Plan Local d'Urbanisme (en extrait également) elle est classée à juste titre en 2018 comme un « bâtiment remarquable », comme d'autres du centre de Sierck-les-Bains (étoile rouge sur le P.L.U.), au même titre que l'église. Si ce n'était le changement de Maire, cette incohérence serait juridiquement incompréhensible, mais plus encore avec l'aval timide et ennuyé des services de l'état (dans un périmètre de protection et au pied du château). Pour en terminer avec les contradictions, la communauté de communes des trois frontières a participé en 2017 à un programme du Cerema sur la revitalisation des centres bourgs, avec comme levier, le développement touristique par le patrimoine et la résorption de l'habitat indigne, notamment au travers de la création d'une Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat.



Nous ne comptons plus les témoignages de soutiens locaux et même nationaux qui s'opposent à la disparition de l'édifice.À ce sujet, si vous aussi vous souhaitez dire non à cette démolition, vous pouvez signer la pétition mise en ligne. Nous vous rappelons qu'il est inutile de faire un don au moment de la signature comme la plateforme vous invite à le faire.

Pour signer la pétition, cliquez
ICI.


Passés ces « détails techniques », ce qui nous donne de l'espoir dans ce combat contre ce que nous appelons le « déni de patrimoine », c'est d'avoir pu, chose hélas rare, se rassembler pour défendre une même cause. Nous savons pourtant tous que « l'union fait la force », mais mettre en application cette maxime n'est pas chose aisée. En revanche pour la maison Berweiller nous avons réussi à nous unir. Espérons que cela conduira à la survie de l'édifice — tel est notre souhait commun.

« Le Patrimoine ne peut pas lutter, ensemble nous pouvons ! »

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Crédits photographiques : Comité de sauvegarde de la maison Berweiller