Saint-Maixent-l’Ecole: compromis signé, mais maire obstiné

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Nouvel épisode du feuilleton « Patrimoine de Saint-Maixent-l’Ecole, ton univers impitoyable ». En effet, ce vendredi 12 novembre, l’ADANE (Association pour le Développement de l’Archéologie sur Niort et ses Environs) a signé, devant notaire, un compromis de vente pour l’acquisition de l’ancienne boucherie, espérant ainsi éviter sa démolition.

Cela fait près d’un an que l’association surveille l’affaire de près et a tout tenté pour préserver l’édifice du projet de démolition envisagé par la mairie, qui souhaite, en lieu et place, construire trois logements sociaux.

Nous pensions naïvement que la découverte de la peinture murale du XVe siècle freinerait les ambitions « démolisseuses » du maire de la commune, mais non, ce dernier s’obstine à vouloir rayer de la carte ce pan de l’histoire locale.

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Marie-Claude Bakkal-Lagarde, Présidente de l’ADANE et déléguée Urgences Patrimoine pour les Deux-Sèvres, nous fait le résumé de la situation au lendemain de la signature du compromis.

Ce vendredi midi, l’ADANE a approuvé le compromis de vente chez un notaire en vue de l’acquisition de l’ancienne boucherie Griffier, à Saint-Maixent-l’Ecole, propriété-écrin de l’exceptionnelle peinture murale représentant le Christ et Saint Christophe.

Cet achat se fait après une situation délétère, où le propriétaire maître d’ouvrage et ses maîtres d’œuvre ne peuvent accéder à la propriété cadenassée par la municipalité. Rappelons que la police municipale a usé de sa force pour les sortir des lieux (cf. photo), allant jusqu’à mettre un planton de garde pour interdire la visite d’une experte, le 19 octobre au matin. Elle devait préconiser des consignes de protection, en concertation avec la DRAC, pour mettre cette peinture murale à l’abri des intempéries. L’édifice n’ayant ni toit ni murs latéraux, l’œuvre est toujours exposée aux dégradations climatiques.

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Et maintenant, même si l’association dispose des fonds nécessaires pour le financement et les travaux, la partie n’est pas gagnée. Urgences Patrimoine veille.

En effet, devant la TV, à la radio et devant la presse locale et nationale, l’élu maintient sa position « altruiste ». Son projet de construction de trois logements sociaux est le meilleur qui soit pour ce lieu.

Regarder le reportage pour le 19-20 de France 3 réalisé avant la signature ICI.

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Peu importe qu’il faille détruire des façades en pierre de taille épaulant la maison à colombage du XVe siècle situé à l’ouest, qu’il soit nécessaire de raser les murs de refend, de consolider les murs pignons des maisons adjacentes qui seront déstabilisées. D’ailleurs les droits de propriété sur ces murs périphériques sont extrêmement compliqués à établir, même en consultant les anciens actes notariés. Alors de là à considérer que tout est mitoyen ou tout est propriété privée, c’est un autre dossier.

Et surtout, maintenant que la peinture murale est sous les phares de l’actualité et la vigilance de la DRAC depuis le 29 septembre 2021, elle ne peut disparaître comme ça. L’élu suggère qu’elle soit déposée. Mais où la remiser ? Dans quel musée éloigné ? Niort à 22 Km ou Poitiers à 40 km ? Subséquemment, elle suivrait l’exil du mobilier lapidaire et des autres biens culturels de cette cité délocalisée durant deux siècles dans ces mêmes villes, privant une fois de plus Saint-Maixent-l’École et ses habitants de leurs racines culturelles et de l’intérêt économique associé, s’ils y étaient décemment conservés.

Il ne suffit pas d’avoir la locomotive à vapeur, le charbon et l’eau, ainsi que le chauffeur. Si ce dernier n’est pas autorisé à y monter dans la cabine, la locomotive ne démarrera pas. Déjà des voyageurs se sont entassés dans les wagons, faisant entendre leur enthousiasme ; d’autres attendent sur le quai pour prendre le train en marche. On ne sait jamais, il faut être sûr de ne pas se tromper, on pourrait y perdre quelques plumes de chapeau.

Comme l’arrivée du chauffeur, le compromis signé déclenche des obligations, dont celles faites au propriétaire du bien, de formaliser sa déclaration d'intention d'aliéner (DIA). En effet, la maison concernée est localisée à moins de 100 m d’un site classé : l’abbatiale de Saint-Maixent. Le plan local d’urbanisme mentionne le droit de préemption urbain comme prévu par le code de l'urbanisme.

Mandaté par le propriétaire, le notaire va rédiger la DIA en s’assurant de la présence des mentions imposées par les textes ou les décisions de justice. Généralement, la déclaration constitue une véritable offre de vente notamment, lorsqu’il s’agit d’une vente de gré à gré avec précision du prix et des modalités de paiement du prix. La collectivité publique disposera alors de deux mois, à compter de sa réception, pour faire savoir si elle souhaite ou non acquérir le bien. La réponse du titulaire du droit de préemption sera notifiée au déclarant, ici le notaire. L’absence de réponse dans le délai imparti équivaudrait à une renonciation à préempter.

Trois réponses sont possibles :
  • La collectivité peut décider expressément de renoncer à l'achat dans un délai de 2 mois à partir de la réception de la DIA. Le propriétaire peut alors vendre son bien au prix figurant dans la DIA à l'acquéreur de son choix.
  • L’acceptation au prix : la collectivité peut décider d'acquérir le bien aux conditions proposées par le propriétaire. Les parties signent alors un acte notarié concluant la vente. La collectivité dispose d'un délai de 4 mois à partir de la décision d'acquérir pour régler le prix. Tant que la collectivité n'a pas intégralement réglé le paiement, l'ancien propriétaire conserve la jouissance du bien.
  • L’acceptation à un prix inférieur : la collectivité propose un prix inférieur. Le propriétaire a 2 mois, à compter de la réception de cette offre pour notifier à la collectivité, soit qu'il accepte le prix proposé, soit qu'il maintient son offre, soit qu'il renonce à la vente.
À défaut d'accord sur le prix, la collectivité peut saisir le tribunal pour lui demander de le fixer. Si le TGI est saisi par la collectivité, cette dernière a l’obligation de consigner à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 15 % du montant du prix fixé par les Domaines. Les parties disposent de 2 mois à partir de la décision du TGI pour faire connaître leur réponse. Chacune des parties peut renoncer à la mutation.

Si la renonciation à vendre émane du propriétaire, la remise en vente du bien nécessitera une nouvelle DIA. Si la renonciation émane du titulaire du droit de préemption, ce dernier ne peut plus exercer son droit de préemption à l'égard du même propriétaire pendant 5 ans à condition que le bien soit vendu au prix fixé par le juge (révisé le cas échéant en fonction de l'ICC).

Le prix est payé (ou consigné) dans les 4 mois suivants la décision définitive du juge. À défaut de respect du délai de paiement prévu en cas d'acquisition au prix de le DIA ou au prix fixé par le juge, le propriétaire peut vendre librement son bien, sans nouvelle DIA. Le transfert de propriété intervient à la plus tardive des deux dates que sont le paiement du prix et l'acte authentique constatant la vente.

Le Droit de Préemption Urbaine (DPU) est une expropriation-achat qui ne dit pas son nom.

Dans le cas présent, quel délai pour la protection  de la peinture murale et la sécurisation des lieux ? Tout dépend de la réponse donnée à la DIA.

Si la DIA est acceptée, sitôt l’acte de vente signé, l’ADANE entend commencer les travaux. L’association s’engage à protéger urgemment la peinture murale, à sécuriser immédiatement les lieux, puis lui rétablir rapidement son écrin selon les techniques anciennes. L’échéancier serait très court.

Les finances municipales non entamées permettraient de consacrer ces fonds aux autres maisons dont la précédente équipe municipale et l’actuelle se sont rendues propriétaires et dont certaines sont frappées d’arrêtés de péril, par exemple la maison à colombage contigüe à l’hôtel Chauray, le monument historique à gauche sur la photographie.

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Quelle suite au droit de préemption urbaine ?

En cas d’aliénation, le propriétaire annonce à l’ADANE qu’il retirera son bien de la vente. Il a connaissance de la valeur historique du lieu. Il faudra aussi que l’élu municipal laisse les maîtres d’œuvre y entrer pour faire les travaux exigés. Ce qui leur est actuellement interdit et en totale inadéquation avec l’arrêté de péril ordinaire émis avant son arrivée. La grille est doublement fermée par le cadenas apposé par le propriétaire et le clinquant cadenas apposé par la mairie (cf. photo).

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L’élu invoque « l’intérêt général ». Qu’entend-on juridiquement par cette expression ? Des juristes spécialisés sauront se prononcer sur ce dossier dans le cadre d’une procédure au Tribunal administratif. Il existe déjà des jurisprudences en faveur du patrimoine.

Quels délais de réalisations ? Si l’aliénation intervenait et la démolition était entérinée par la DRAC, on parle de nos jours de « déconstruction » — un euphémisme moins violent. Elle devra être réalisée sous la surveillance d’archéologues spécialistes du bâti. En effet, les lois changent et on ne détruit pas une maison médiévale au cœur d’un ilot urbain mis sous surveillance par la DRAC, sans enregistrer les informations techniques et iconographiques. Une autre équipe devra intervenir pour les vestiges enfouis dans les sols et sous-sols. Dans un premier temps, il y aurait un diagnostic et selon le potentiel dont nous ne doutons pas, il y aura une étude complète et une fouille archéologique.

Diantre, combien cela coûtera-t-il ?

Compte tenu des lieux et des contraintes techniques, « l’ardoise » pourrait bien avoisiner le million d’euros, et possiblement plus, si l’on ajoute les frais annexes, la dépose et la restauration de la peinture, la stabilisation-conservation des objets archéologiques qui pourraient être découverts au cours des recherches archéologiques.

Ce « million d’euros » occasionne un énorme surcout pour ce projet de construction initialement chiffré par le promoteur à 700 000 euros, même si 50% de la dépense était réglée par une compensation municipale de 350 000 euros au titre de la sécurisation des lieux (cf. vidéo), cela ferait des appartements à 566 000 euros, autant dire qu’ils ne seraient pas rentabilisables pour un organisme social. Dernier point : quid de l’échéancier de réalisation des travaux ? Il serait sans doute proche de deux ans, car de nombreux délais sont incompressibles. Deux mois pour une transaction notariale, deux mois pour une prescription de diagnostic archéologique, plusieurs mois pour l’arrivée d’une équipe de spécialiste, puis, après la phase du chantier de diagnostic, trois mois pour la remise du rapport de diagnostic, et si celui-ci confirme l’intérêt du site, on recommence pour une fouille archéologique : deux mois pour la prescription, deux mois pour faire un appel d’offre, deux mois pour qu’une équipe intervienne et la durée du chantier.

Qu’en pense les voisins, les proches, la population ? Depuis une semaine, un sondage réalisé par l’ADANE et diffusé sur internet apporte ses premiers résultats :

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Les résultats de ce sondage se passent de commentaire, mais le maire saura-t-il en tenir compte ?

À suivre…


Crédits photographiques: ADANE