France 3 : le Château de Lagny-le-Sec trois ans après

Rares sont les journalistes qui se préoccupent du patrimoine après leur démolition. Ils profitent souvent du buzz du bruit des pelleteuses, mais ils ne donnent jamais des nouvelles « d’après ».
Alors un grand merci à Mickaël Guiho , journaliste à France 3 Hauts-de-France pour son intérêt pour nos « morts », ainsi que pour nos « vivants », puisqu’il évoque le sort du château de Westhove à Blendecques ainsi que celui de la chapelle Saint-Joseph à Lille.
Un très bon article qui pose une fois de plus la question de l’avenir du patrimoine du XIXe siècle, dont les représentants disparaissent chaque jour d’avantage.
Lire l’article de France 3 ICI.
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Crédits Photographiques : France 3
Urgence : patrimoine du XXe siècle


Localisation
Située dans le département de l’Aisne, sur la route du Champagne, la ville de Château-Thierry abrite depuis 1970 celle qui est appelée : l’ancienne piscine. Château Thierry est une ancienne cité médiévale connue pour de nombreux faits historiques dont la guerre franco-prussienne de 1870 et la Première guerre mondiale. Elle est présentée comme la ville de Jean de la Fontaine et regorge d’architectures du passé. Parmi elles, la piscine dessinée par les architectes Vaudou et Luthi, patrimoine du XXe. Son terrain en entrée de ville, longé par une rocade en bord de la Marne lui vaut d’être convoitée.
Succincte chronologie des événements
L’ancienne piscine de Château-Thierry, en France édifiée entre 1967 et 1971 par les architectes Olivier VAUDOU et Reymond LUTHI s’inscrit dans les programmes de la Ve République qui popularisent les sports et les loisirs. Cette politique du Front Populaire en France permet le développement de nombreux équipements de proximité aux formes architecturales singulières, prestigieuses et réfléchies. C’est ainsi qu’appelés par la municipalité les architectes aménagent avenue d’Essômes à Château Thierry un ensemble architectural composé d’une piscine sur mesure, d’un camping, une loge de gardien …. Situés sur un vaste site naturel, proche des bords de la Marne, les bassins offrent un accès et une vue privilégiés sur la rivière ; les divers équipements que constituent le projet mutualisent ainsi leurs moyens au service des pratiques sportives (apprentissage de la natation et compétitions) et de loisirs (baignade, randonnées, camping…) pensées en adéquations avec le site et pour les habitants.
-A partir des années 80 avec le développement des zones industrielles aux alentours le contexte urbain commence progressivement à se modifier.
-En 1999 un restaurant Mc Donald’s et une aire pour camping-car remplacent le camping existant, dont seul le bloc désaffecté des sanitaires vandalisés reste debout, à l’arrière du site, caché par la végétation.
- S’en suit en 2006 la construction d’un nouveau bâtiment pour le club de canoë.
- La piscine de Vaudou et Luthi ferme 2016, au profit d’un nouveau complexe aquatique inauguré la même année au nord de la ville.
- En décembre 2019 sans en référer aux ayants droit des auteurs, la mairie cède la piscine et son terrain au prix de 700 000 € à l’investisseur BBFD-BNB pour démolition. Le futur projet présente deux constructions neuves qui abriterait de la restauration rapide entourées de zones de stationnements. Une association de défense réclame la reconsidération du projet, prônant une reconversion plutôt qu’une destruction du patrimoine castel. Cette démarche est appuyée par une enquête de mars 2016 du magazine municipal “à CT” auprès des habitants qui sont 66% à être favorables à une réhabilitation culturelle ou sportive de la piscine. En 2019, jusqu’à la vente du site, l’occupation partielle des locaux par une association et un commerce avaient permis de conserver l’ensemble dans un bon état et prouve qu’une réhabilitation est possible, comme en témoignent les photos présentées ci-après dans l’article.
- Au début du mois d’avril 2020, commencent les travaux de désamiantage. Les menuiseries, les faux plafonds et une centaine de mètres carrés de petits carreaux de céramiques sont déposés. Lundi 25 mai 2020, la Société protectrice des paysages et de l'esthétique de la France rappelle au tribunal administratif d’Amiens l’urgence de statuer, alertant sur la présence d‘engins de démolition, suite au recours pour l'annulation du permis de construire également déposé par la SPPEF le 31 mai 2019 en cours d’instruction. Le même jour, à 21h00 la démolition soudaine de la Piscine commence avec des pelleteuses louées qui détruisent toute une partie du site. Malgré plusieurs irrégularités les démolitions continuent malgré la présence des forces policières. Le propriétaire du site joint par téléphone assure n’avoir donné aucune consigne de cet ordre. La loge du gardien, la galerie et l’entrée de la piscine sont mises à terre, seul le bâtiment des bassins reste debout.
Ses auteurs : Olivier Vaudou, Reymond Luthi, Louis Fruitet et Jean Prouvé

« Fortement influencés par leur maître Jean DUBUISSON, célèbre architecte français ayant beaucoup œuvré pour des logements sociaux de qualité, Olivier VAUDOU et Reymond LUTHI occupent une place singulière dans le panorama de l’architecture française de la seconde moitié du XXe siècle. Commençant à exercer au moment de la remise en cause d’une certaine modernité architecturale prééminente pendant les Trente Glorieuses, ils ne dévient pas de leur doctrine et sont prolifiques. Leur travail montre un intérêt marqué pour la construction métallique au service d’une architecture légère, aux proportions rigoureuses, rationnelle et fonctionnelle. Il semble être inspiré par le mouvement du BAUHAUS (qui a fêté en 2019 son centenaire) et par les architectes Ludwig MIES VAN DER ROHE et Arne JACOBSEN. De nombreux chefs-d’œuvre suscités par ce mouvement moderne sont élevés au niveau des grands classiques de l’architecture. L’architecte-entrepreneur Jean PROUVÉ aurait conçu avec l’ingénieur Louis FRUITET la charpente métallique. » extrait de la première pétition
La participation de Jean Prouvé – homme aux multiples casquettes renommé dans les domaines de l’art, de l’architecture et du design – ajouterait une plus value à l’édifice. Nombreux sont les éléments qui tendent à confirmer sa participation au projet nous savons notamment que les architectes Vaudou et Luth ont collaboré sur le projet de l’IFREMER à Nantes avec Jean PROUVÉ et qu’ils étaient tous trois de bons amis, régulièrement en contact.
Lire son architecture Le complexe sportif de l’ancienne piscine est composé de 3 bâtiments (la loge du gardien, l'accueil et les bassins avec la galerie). Légèrement espacés les uns par rapport aux autres, la composition permet aux promeneurs de la rue d'Essômes de deviner les paysages naturels. Le projet architectural met ainsi en scène les bords de Marne : alors qu’il n’est que légèrement perceptible entre les bâtiment depuis le point de vue de la rue; l’effet à la sortie des douches est différent, les nageurs peuvent découvrir un panorama avec une vue directe sur la nature environnante en passant par une galerie vitrée avant de rejoindre le bâtiment des bassins. Entre architecture et nature la limite entre le paysage bâti et naturel s’efface peu à peu grâce aux baies vitrées coulissantes qui permettent l’accès à un parc extérieur.

Réalisé à partir de matériaux industriels comme la brique et l’acier, ce projet reflète les avancées de l’époque et retranscrit un langage architectural singulier qui est celui du mouvement moderne. L’influence du modernisme, que nous abordions quelques lignes plus tôt, est perceptible au travers de ce style épuré, sans ornementation superflues et aux lignes très graphiques. Le projet se distingue par la qualité et l’attention aux détails comme ceux des carreaux de carrelage dont la taille et la couleur varient et s’adaptent en fonction des différents usages ou encore le choix des luminaires qui diffusent une lumière indirecte, créant une atmosphère particulière.

Cependant, les altérations apportées au fil des années ont peu à peu dénaturé le bâtiment. Bien que certaines de ces modifications se veulent fonctionnelles, comme les panneaux solaires ou encore les extensions qui masquent les vues sur le paysage depuis l’avenue d’Essomes. Les ajouts ultérieurs tentent d’imiter le langage architectural d’origine mais faits de parpaing brut ils compliquent souvent la lecture des trois volumes simples initiaux. D’autres modifications montrent une incompréhension du projet d’origine, comme en témoigne la nouvelle fenêtre dans la loge du gardien qui dénote par ses proportions; la différence de pose des châssis métalliques lors d’un partiel remplacement des baies sur le bâtiment des bassins; ou encore les évacuations des eaux finement dessinées par les architectes pour la galerie aujourd’hui remplacées par une gouttière de zinc. Depuis la fermeture en 2016, l’accueil a logé une entreprise de savonnerie engendrant à l’intérieur des nouvelles teintes : rose. Le bâtiment des bassins et la galerie quant à eux, restés désaffectés, certaines vitres brisées ont été remplacées par des panneaux de bois occultant les parois transparentes et lumineuses du départ.

L’exemple le plus significatif de ces changements et celui des couleurs de la structure métallique : à l’origine bleu-gris, sobre et élégante, elle a été repeint en marron et jaune, perdant l’aspect intemporel de la pensée initiale de l’insertion structurelle du bâtiment dans son environnement.
Agir vite
Ces modifications progressives ont fini par rendre le bâtiment inintelligible et ont empêchées certains de saisir la sensibilité et la finesse de ce projet. Elles ont brouillé la lecture, cachant aux yeux du grand public la véritable beauté et la valeur patrimoniale de ce bâtiment historique du XXème siècle. Toutefois, ces altérations souvent superficielles ne sont pas définitives. Plusieurs actions auraient pu être envisageables pour permettre à nouveau de dévoiler la beauté de cette architecture du XXe siècle, qui a fait et qui pourrait continuer à faire la fierté de la ville.
A défaut d’avoir reconnu la valeur historique des bâtiments d’accueil et de la loge du gardien qui ont été démolies il y a peu, nous espérons sincèrement que le bâtiment des bassins, espace principal, sera conservé par respect pour le passé de la France, notre histoire, son patrimoine et les enjeux écologiques actuels.
Pour appuyer la requête de sauvegarde et ainsi aider à sauver le bâtiment des bassins : vous pouvez signer la pétition.

Nous comptons sur votre aide et espérons que vous serez nombreux à vous mobiliser pour l’Ancienne piscine de Château-Thierry.
Aidez-nous à sauver l’ancienne piscine de Château-Thierry : signez la pétition ICI.
La pétition : https://www.change.org/sauvonslapiscine
La jeune génération.
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Crédits Photographiques :
Photo 1 : Journal l’Union
Photos 2-3-4-5 : Piscine Vaudou et Luthi 1971
Démolition du Château de Lagny-le-Sec : « Juste une mise au point »


Puisque la vidéo de la démolition du Château de Lagny-le-Sec tourne en boucle sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, il me semblait judicieux de faire le point sur cette « triste affaire ». En effet, cet acte de « vandalisme patrimonial » remonte à trois ans, ce qui nous force à constater que les internautes ont parfois la mémoire qui flanche, car à l’époque cette démolition avait fait grand bruit, tellement de bruit que l’information se classait parmi les dix premières les plus consultées de la semaine.
Ce combat de l’impossible fut sans doute l’un des plus difficiles qu’Urgences Patrimoine a mené, pour un résultat qui était connu d’avance. Mais « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » et, même si point de triomphe à la fin, notre satisfaction était d’avoir fait le maximum.
Nous avions été prévenus seulement trois semaines avant la démolition par Thomas Nerrière, un jeune passionné de patrimoine qui aurait été capable de donner sa propre vie pour sauver ce château.

Trois semaines, trois toutes petites semaines pour remuer ciel et terre et essayer de faire entendre raison à Didier Doucet, le maire « démolisseur ». Mais en vain. Il n’a d’ailleurs jamais souhaité communiquer avec nous.
Mais quel prétexte invoquait-il pour justifier cette scandaleuse démolition ?
Toujours le même : l’état calamiteux du château et les montants de restauration trop élevés par rapport à une démolition et la construction de la salle « multifonctions intergénérationnelle » qu’il souhaitait voir en lieu et place de l’édifice. Nous avons demandé à voir l’étude réalisée pour évaluer le montant desdits travaux, mais sans succès, et pour cause, il semblerait qu’elle n’ait jamais existé.

Mais au fait, état calamiteux pourquoi ? Simplement, parce qu’après le rachat de l’édifice par la commune 25 ans plus tôt, jamais les moindres travaux d’entretien n’ont été réalisés.
On a délibérément laissé « mourir » le château, avec déjà la perspective, sans doute, de le démolir un jour et de posséder un joli terrain de plus de 8000 m2, sur lequel on pourrait faire pousser un joli petit immeuble ou, comme il en était question à l’époque, cette fameuse salle multifonctions, salle qui d’ailleurs n’a pas poussé pour le moment.
Donc, un fois « ciel et terre remués », jusqu’à Jack Lang qui avait écrit à Françoise Nyssen, alors Ministre de la culture, il a fallu se rendre à l’évidence, tout était fini pour le Château de Lagny. Et un soir de juin, tard, Thomas m’a appelé pour me dire qu’ils commençaient la démolition.

Oui, car quand on est peu fier de ce que l’on fait, on se cache. Aussi quoi de mieux que de lancer un tel chantier en pleine nuit pour éviter d’être dérangé par les « détracteurs du projet » ? Le Château de Longperier (c’est son nom d’origine) est donc tombé une douce nuit de juin…
Les larmes des habitants, le lendemain, sont arrivées bien tard, car c’est à l’annonce de la démolition qu’il aurait fallu réagir. Hélas, à la moindre protestation de leur part, le maire leur disait que « conserver le château et le restaurer fera considérablement augmenter les impôts locaux ». Toujours ce même prétexte, qui décourage le plus vaillant des habitants d’une commune.

La solution état pourtant toute trouvée. Si le château était si « encombrant » financièrement, alors pourquoi ne pas l’avoir mis en vente ? Cela aurait permis à la commune de rentrer quelques deniers sonnants et trébuchants et ne pas avoir à faire payer les contribuables pour les frais de démolition. Mais non, malgré les différentes propositions de rachat, le maire s’est obstiné à vouloir démolir.
Fin de l’histoire. Enfin non, pas tout à fait, car il y a un avant et un après Lagny-le-Sec. Nombreux sont ceux qui ont été touchés par les image de cette démolition, et beaucoup ont pris conscience de l’intérêt de patrimoine pour un territoire. Hélas, bien souvent, par peur des représailles, les gens n’agissent pas localement, car ils ont peur, par la suite, de se voir refuser un permis de construire, une extension, ou un emploi au sein de la commune. Donc, on ne dit rien et on se lamente en silence.

Alors pour une fois, je vais prêcher pour « notre paroisse », pour rappeler que tout le monde peut faire entendre sa voix de façon anonyme en adhérent à Urgences Patrimoine, car nous sommes les seuls à avoir le courage de nous opposer ouvertement aux démolitions sur l’ensemble du territoire. Alors, effectivement, personne ne donne à ceux qui luttent. On donne à ceux qui restaurent, mais il est bon de rappeler que, pour restaurer, encore faut-il qu’il reste des édifices, et au rythme où vont les démolitions je ne suis pas certaine qu’il reste grand-chose à restaurer s’agissant du patrimoine de nos belles communes de France.
Alors pour 5 euros, vous pouvez faire avec nous la « guerre aux démolisseurs » et vous engager en cliquant sur ce lien ICI.
« Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble nous pouvons »
Alexandra Sobczak-Romanski
Présidente d’Urgences Patrimoine
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Crédits Photographiques :
Photos 1- 2-4-5- : La Gazette du Patrimoine
Photo 3 : Béal et Blanckaert architectes
Photo 6 : France 3
Démolition de la Chapelle Saint-Joseph : nos propositions en faveur d’une réhabilitation

Lancer une pétition pour « faire du bruit » était nécessaire, mais présenter un projet alternatif qui permet de conserver la chapelle pour un coût inférieur à celui de la démolition/reconstruction, l’était tout autant.
Après quelques jours de travail, un ingénieur économiste, membre d’Urgences Patrimoine, propose un projet alternatif qui, nous l’espérons, permettra l’ouverture du dialogue avec le maître d’ouvrage du projet « Camplus ».
Le Collège Saint-Joseph de Lille et le projet Camplus de la Catho
Une rare opportunité développement durable et réputation d’excellence sur la base d’un projet alternatif
Camplus : un programme ambitieux mais « tabula rasa »
Le projet Camplus est dans la logique du projet fondateur des écoles d’ingénieurs HEI, ISA, ISEN : proposer des outils de connaissance et de savoir-faire en complément de ceux mis à disposition par l’Etat. Après plus de 120 ans de développement continu, un nouvel élan est proposé en confirmant la cohérence du projet pédagogique et en lui donnant une ampleur « développement durable », notamment par l’appropriation du Palais Rameau, jusqu’alors utilisé par la ville de Lille.
Les documents accessibles en ligne semblent de niveau concours, voir un peu plus, ce qui laisse accroire que le projet n’est pas encore totalement communicable. Ce niveau de définition induit une relative imprécision et amène à se poser quelques questions notamment concernant l’ex collège Saint Joseph.
Des usages en développement
Sur l’emprise du l’ex collège sont proposés les usages suivants :
Un incubateur (lancement micro société) côté boulevard Vauban.
Un pôle master et recherche sur la chapelle, les bâtiments de la rue Colson et l’aile 1950.
Le pôle master comprend 4 fonctions :
Amphithéâtre VIP dans la cour Ouest.
Serres sur 4 niveaux à l’emplacement de la nef.
Learning center (médiathèque et salles d’études) à l’emplacement du Chœur.
Espaces de travail le long de la rue Colson.
Si l’amphithéâtre ne peut pas trouver place dans les bâtiments existants (sauf à envisager une réhabilitation du théâtre actuellement hors périmètre) et les serres demandent un éclairage important les autres fonctions sont compatibles avec l’existant notamment :
Le Learning center dans la nef.
Les espaces de travail dans les bas-côtés, tribune, ex sacristie, ex gymnase, salle de musique et ateliers.
Les besoins en surface ne sont pas exprimés mais la volumétrie présentée semble correspondre à un gabarit rez-de-chaussée plus 4 étages, sur la largeur totale de la chapelle, ce que confirme le plan.
L’on peut ainsi faire une approche des besoins en surface hors œuvre au droit de la chapelle jusqu’à la rue Colson:
Serres 5 niveaux de 400 m2, soit 2 000 m2 hors sous-sol,
Learning center et une partie des espaces de travail 4 à 5 niveaux de 540 m2 soit 2 200 à 2 700 m2 hors sous-sol.
Des bâtiments systématiquement remplacés
Le permis accordé porte sur la démolition de la chapelle, de la sacristie et des bâtiments situés au-delà du théâtre (ex gymnase, ex ateliers, ex salles de musique, etc.). Ces derniers bâtiments n’ont pas un intérêt aussi manifeste que la chapelle, mais font partie d’un ensemble pédagogique cohérent, dont on pourrait tirer parti dans une réhabilitation habile.
Les schémas publiés révèlent d’autres intentions de remplacement :
L’aile Saint-Ruth bâtie par les jésuites pour les classes préparatoires.
L’aile de 1962 sur la rue Solferino.
Les ouvrages de la fin du XXe siècle dans le prolongement de l’aile Saint-Ruth.
Tous ces bâtiments ont fait l’objet d’investissements assez importants dans le cadre de l’installation et de l’extension de l’IESEG.
Cette démarche de « tabula rasa » apparaît extrêmement surprenante et suscite beaucoup de perplexité quant à l’intelligence du projet et à sa cohérence, avec une orientation générale se voulant développement durable.
Un contre-projet dans l’air du temps et moins onéreux
Seule la chapelle (et incidemment les autres bâtiments de l’emprise projet) est actuellement concernée. Mais le théâtre, (propriété du centre scolaire, ce qui le met à l’abri au moins temporairement), est aussi un bâtiment d’intérêt.
Un projet revu développement durable confortant la réputation du pôle ingénierie de la Catho ?
L’époque des constructions neuves à grands coûts et durée de vie aléatoire est bientôt révolue. L’avenir est à la réhabilitation, moins dispendieuse, moins polluante et moins tape à l’œil. La notoriété des maîtres d’ouvrage se fonde de plus en plus sur des réhabilitations réussies et internationalement reconnues. Les dispositifs d’optimisation ont de plus en plus la faveur des administrations : panneaux thermiques (les photovoltaïques ne sont pas encore réellement écologiques), effet de serre, récupération des eaux pluviales, géothermie, puits canadiens, pompe à chaleur air/eau (opportunité de l’Arbonnoise), etc.
Qui plus est l’ampleur du projet (palais Rameau, patrimoine ancien de la Catho, chapelle voire théâtre) et son intelligence potentielle, sont susceptibles d’augmenter significativement la réputation « développement durable » du pôle d’excellence que constitue déjà l’ensemble universitaire et les écoles supérieures.
Une reconversion de la chapelle intelligente et techniquement facilement réalisable.
Les exemples de reconversion réussies de chapelles ne manquent pas. Le volume actuel de la chapelle peut se prêter à la création de niveaux partiels voire complets (sous-sol et combles) moyennant ouvrages de reprises des charges ajoutées (structure et exploitation) et vérification de la profondeur des fondations existantes.
Les bâtiments actuels ne porteraient ainsi que leur charge propre, de nouvelles fondations venant assurer l’ensemble des charges structurelles et d’exploitation créées.
L’alternative pourrait donc être la suivante (nota toutes les surfaces sont annoncées utiles et approchées).
1/ Learning Center et espaces liés :
Dans le vestibule et la nef : le rez de chaussée en espace commun (accueil, information, détente, distribution, etc.) et 5 niveaux de plateaux de libre consultation pour 1 800 m2.
Dans les bas-côtés, déambulatoire et galeries : des espaces de travail cloisonnés ou non pour 720 m2.
La sacristie de 120 m2 et son comble de 100 m2 pouvant être également dévolue à des espaces de travail.
Des sous-sols et les étages au-dessus du vestibule servant aux installations techniques et stockages pour 750 m2.
Les circulations verticales étant majoritairement disposées en rapport direct avec le vestibule et complétées ponctuellement selon réglementation et besoins.
L’on serait sur une surface utile hors locaux techniques et circulations principales de 2 540 m2 pour un total pressenti à 2 700 m2 hors œuvre (environ 2 160 utile) A quoi s’ajoutent environ 750 m2 de locaux techniques.
2/ Les serres et espaces liés :
Construction d’un bâtiment neuf de 9 niveaux au droit de la nef côté Ouest.
Transformation de la toiture de la chapelle en serre.
Puit de lumière entre la nef et l’ouvrage neuf servant également de passage de gaines verticales.
Entre la serre toiture et les niveaux 6 et 7, passerelles de communication.
Le long du niveau -1 cour anglaise d’éclairage naturel.
Au-dessus du hall d’accès au vestibule locaux de fonctionnement.
L’on serait sur une surface utile hors circulations principales, de 2 000 m2 pour un total pressenti à 2 000 m2 hors œuvre (environ 1 700 m2 utiles).
3/ les espaces polyvalents et circulations partagées, le mobilier :
Dans le chœur : un espace polyvalent (culte quand même, conférence, concerts et autres usages compatibles avec la dignité du lieu) conservant tout ou partie des aménagements liturgiques sur une surface utile d’environ 160 m2.
Les deux entrées latérales, le vestibule et la galerie de la sacristie pour 100 m2.
Le mobilier du chœur peut être laissé en place dans la mesure ou le sol ne serait pas à reprendre. Les autres mobiliers, notamment ceux des absidioles, ne gênent pas le fonctionnement sauf à l’emplacement éventuel des escaliers de secours. L’orgue, dans la mesure où il présente un intérêt musical et historique, pourrait être déplacé tout ou partie à la limite nef chœur.
L’on dispose donc d’une marge de manœuvre pour éventuellement dé densifier les plateaux de la nef et réduire l’épaisseur du bâtiment lame.
Pour les autres bâtiments un projet plus ambitieux, financés par la réduction des coûts.
A l’échelle du site ex Saint-Joseph et dans la mesure ou le Centre Scolaire Saint-Paul et les facultés catholiques s’associent au projet l’on pourrait envisager un programme plus ambitieux et des coûts mieux maîtrisés.
Le choix de réhabiliter et adapter les bâtiments existants des rue Colson, boulevard Vauban et rue Solferino dégagerait des marges financières conséquentes, et renforcerait les orientations développement durable de Camplus.
Dans la même logique l’utilisation de l’ex théâtre pour en faire un amphithéâtre partagé, coûterait moins cher que le projet neuf proposé et permettrait, moyennant refonte de l’arrière des bâtiments Vauban, de créer un espace vert dans le prolongement des serres et au-dessus du parking maintenu.
Le geste architectural porterait alors sur la création d’une entrée monumentale rue Solferino, soit au droit du transept du Palais Rameau, moyennant négociation avec le centre scolaire, avec accès direct sur le vestibule de la chapelle, soit dans l’aile 1962.
Dans cette hypothèse, la circulation Est Ouest pourrait se faire par les vestibules de la chapelle et de la sacristie. Les annexes techniques, loges administratives et l’accueil sont facilement réalisables entre la sacristie et le théâtre. La sacristie devenant alors un salon VIP et les locaux de travail alors déplacés à l’étage du bâtiment neuf. Le jardin entre la chapelle et les cours de Saint Paul étant un prolongement naturel de cet espace VIP. En cas de manifestation exceptionnelle les cours du lycée pourraient être utilisées comme esplanade.
L’amphithéâtre programmé fait environ 600 m2. La salle de théâtre y compris les tribunes, environ 630 m2. Cela semble donc jouable moyennant la création d’un bâtiment lame devant la façade, faisant fonctions de vestibule et de circulations verticales complémentaires. Les gaines de ventilation étant disposées au-dessus de la toiture existante rénovée et isolée.
Réhabilitation = économies substantielles
Sans entrer dans le calcul des surfaces on peut déjà avoir une idée des coûts indicatifs comparés au m2 de plancher toutes taxes comprises (en neuf TVA 20%, en existant TVA 10%, autres taux 7 et 5,5 à faible incidence), les économies ainsi réalisées sont un ordre de grandeur :
Pour les fonctions proposées dans la chapelle et ses annexes démolition plus travaux neufs 2 200, réhabilitation 1 600 = économie 600€,
Pour l’amphithéâtre, démolition plus travaux neufs 2 700, réhabilitation dans l’ancien théâtre 1 600 plus bâtiments annexes neufs à 2 200 pour 100% de surface en plus soit une moyenne de 1 900 = économie 800€,
Pour les bâtiments Solferino et Vauban, démolition plus travaux neufs 2 300, rafraîchissement et développement durable 750 = économie 1 550,
Pour les bâtiments rue Colson, démolition plus travaux neufs 2 200, réhabilitation 1 100 = économie 1 100€.
Les chiffres parlent d’eux même…
Laurent Lequeuche
Pour La Gazette du Patrimoine
Lire notre précédent article sur le sujet ICI.
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Crédits photographiques : photos 2bis, 3 et 4 : Yncréa Hauts-de-France.
Boisseron : SOS d’un château en détresse

Le Château de Boisseron dans l’Hérault est à l’abandon depuis des années. Propriété d’un promoteur qui souhaitait en faire une résidence haut de gamme, il est en proie aux squatteurs et aux vandales qui ont fait de lui un des emblèmes de « l’Urbex ». Ce château, dont les bases sont médiévales, est situé au cœur du village et son état désespère bon nombre d’habitants.
Il y a deux ans, Urgences Patrimoine avait lancé une pétition pour attirer l’attention des pouvoirs publics, mais le Maire de la commune n’avait pas vraiment apprécié le « bruit » fait au sujet de l’édifice et n’avait pas donné suite à notre demande de mise en relation avec le propriétaire.
Nouvelle équipe municipale, nouvel espoir ! Le nouveau Maire fraichement élu souhaite trouver une issue heureuse à cette situation désastreuse. Tous les acteurs soucieux de voir renaître Boisseron vont collaborer, afin d’essayer de sortir enfin ce patrimoine remarquable de sa torpeur.
Monsieur Hyacinthe, président de l’association "Boisseron Patrimoine" est ravi que l’on se préoccupe à nouveau du sort de ce château et le jeune Axel Fernandez que nous vous avons présenté dans la Gazette du Patrimoine du mois de mai, jouera sans doute un rôle important dans ce projet de renaissance ( lire l’article de La Gazette du Patrimoine ICI).
Nous profitons de la « réouverture » de ce dossier pour relancer la pétition créée il y a deux ans et qui avait rassemblée plus de 5000 signatures. Si le Ministère de la Culture pouvait protéger l’édifice, cela permettrait sans doute de faire avancer les choses un peu plus vite. Sinon, le Maire devra sans doute procéder rapidement à la mise en place d’une procédure d’abandon manifeste, car sans mesure de sécurisation rapide, les jours du Château de Boisseron sont comptés.
Pour signer la pétition, cliquez ICI.
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Crédits photographiques : Axel Fernandez
Dites non à la démolition de la Chapelle Saint-Joseph de Lille

En 48 heures, vous êtes plus de 1650 à vous être mobilisés en signant notre pétition et nous vous remercions. Nous sommes conscients que l’on ne sauve pas le patrimoine juste à l’aide d’une pétition, mais celle-ci donne de la visibilité à notre combat. Plus nous serons nombreux à faire entendre notre voix, plus nous aurons des chances de pouvoir sauver cet édifice de la démolition.
Dans les prochains jours, nous présenterons un projet alternatif qui permet de conserver la chapelle et de l’intégrer au Campus.
Ce Campus, est un réel atout pour la ville de Lille et effectivement, nous pouvons parler d’un projet d’excellence. Mais cette excellence ne sera avérée qu’à la condition d’une remise en question de cette démolition par le maître d’ouvrage.
En attendant, la mobilisation doit continuer. Alors nous vous demandons de bien vouloir signer cette pétition et si cela est déjà fait, n’hésitez pas à la partager sur l’ensemble de vos réseaux. Nous vous rappelons qu’il n’est pas nécessaire de payer au moment de signer la pétition. Vos partages suffisent à en assurer la diffusion.
Pour signer et partager cliquez sur le lien de la pétition ICI.
Vous souhaitez nous aider à mener à bien ce projet de sauvegarde ? Alors c’est le moment d’ajouter votre voix à la nôtre en adhérent à Urgences Patrimoine ICI.
D’avance merci.
« Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble nous pouvons »
Lire notre premier article au sujet de la démolition de la chapelle Saint-Joseph.
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Crédits photographiques : La Gazette du Patrimoine
Quand le patrimoine est victime de la haine en Martinique


Alors qu’en Martinique, le 22 mai est le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, deux statues à l’effigie de Victor Schœlcher ont été vandalisées. L’une à Fort-de-France et l’autre dans la commune de Schœlcher.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la statue érigée à l’entrée du bourg de Schœlcher est victime de la haine de certains, puisqu’en 2013, elle avait été endommagée et criblée d’inscriptions calomnieuses. Sa restauration datait de 2014.

Que chacun ait des convictions différentes au sujet de Schœlcher est un fait, mais s’en prendre à une statue et donc, à la culture et au patrimoine d’un territoire, n’est pas un acte de courage, mais un acte d’une infinie bêtise.
Bêtise qui va faire engager des dépenses importantes pour les restaurations et ce sont les communes qui paieront, donc indirectement les contribuables. Comme si la crise que nous traversons n’était pas suffisamment pénible, certains viennent rajouter à cela des provocations « gratuites » dont on se passerait bien.

Notons que ces actes surviennent alors même qu’en Guadeloupe, le Musée Schœlcher à Point-à-Pitre achève sa campagne de restauration.
Le grand Aimé Césaire au sujet de Schœlcher : « Victor Schœlcher, un des rares souffles d’air pur qui ait soufflé sur une histoire de meurtres, de pillage, d’exactions ».
Aimé Césaire, Introduction à Esclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schœlcher, P.U.F., 1948.
La Fondation pour pour la Mémoire de l'Esclavage condamne ces actes dans un communiqué de presse paru ce jour:
En ce 23 mai qui est depuis 2017 la journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage, Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage, et Romuald Fonkoua, président du conseil scientifique, condamnent la destruction de deux statues de Victor Schoelcher à Fort-de-France, ville fondatrice de la Fondation, et à Schoelcher hier, 22 mai, jour-anniversaire de l'abolition en Martinique.
La figure de Victor Schoelcher appartient à l'histoire du combat pour la liberté et l'égalité. Ce combat a réuni les personnes réduites en esclavage, qui n'ont cessé de se révolter contre leur état, et l'ont fait encore le 22 mai 1848 en Martinique, et des militants abolitionnistes comme Victor Schoelcher qui ont mis ce combat au cœur du projet républicain.
Nier cette histoire va à l'encontre de l'émancipation des femmes et des hommes, par la culture, par la sécurité économique, par la reconnaissance des droits humains, qui est toujours un sujet d'actualité aux Antilles, dans toute la France et dans le monde.
L’artiste Joby Bernabé rappelait encore hier l'importance de ne pas dissocier le combat des marrons de celui de Victor Schoelcher lors Live Facebook organisé par la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage à l'occasion de la célébration du 22 mai en Martinique.
Le fondement de l'action de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage est de rassembler les mémoires, en transmettant l'histoire de l'esclavage et ses conséquences qui restent encore aujourd'hui trop mal connues.
Elle fait siens ces mots d'Aimé Césaire et invite chacun.e à les réentendre :
« Ainsi donc évoquer Schoelcher, ce n'est pas invoquer un vain fantôme. C'est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive. Que son œuvre soit incomplète, il n'est que trop évident. (...) Il a apporté aux noirs des Antilles la liberté politique. S'il n'a pu la compléter par leur accès à la propriété et à la sécurité économique, du moins a-t-il créé une contradiction saisissante qui ne peut pas ne pas faire éclater le vieil ordre des choses : celle qui fait du moderne colonisé à la fois un citoyen total et un prolétaire intégral. »
Aimé Césaire, Esclavage et colonisation, 1948

En savoir plus : lire l’article de « La 1ere Martinique ».
Qui était Schœlcher ?
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Crédits photographiques : La 1ere Martinique. Photo 4 : Guilène Regal
Démolition de la chapelle Saint-Joseph à Lille. Quand institution religieuse rime avec pelleteuses !

Urgences Patrimoine avait évoqué cette « affaire »il y a quelques mois, sans aller plus loin dans la démarche et c’est fort regrettable, car nous avons perdu un temps précieux.
Mais nous allons tout de même essayer de sauver cette chapelle dont la démolition est programmée depuis maintenant un an, puisque le permis de démolir a été signé par la mairie en mai 2019.
Les délais de recours sont largement dépassés, donc il est difficile de passer par la voie administrative. Il ne nous reste plus que l’ultime solution du « bruit » qui permettra, peut-être, de nous faire entendre par le Ministère de la Culture et bien entendu, par tous les acteurs du projet à qui nous demandons de revoir « leur copie », et ainsi intégrer la chapelle dans le projet du campus.
Même si l’édifice ne date « que » du XIXe siècle, il est inconcevable, alors même que des centaines d’édifices catholiques sont vandalisés et profanés chaque année sur notre territoire, que l’institution catholique elle-même détruise un de ses symboles, d’autant qu’il est tout à fait possible de lui offrir un avenir au sein du projet, comme vous pourrez le voir en lisant l’article de Laurent Lequeuche, notre correspondant sur place.
Le Collège Saint-Joseph de Lille et le projet Campus de la Catho
Une rare opportunité développement durable et réputation d’excellence
.
Vue du collège vers 1890, angle de la rue Solferino et du boulevard Vauban
Un peu d’histoire
En 1587, Mgr Jean Vendeville, évêque de Tournai « Frappé, dit une chronique du temps, du peu de soins qu’on prenait de la jeunesse, du manque absolu de scrupules chez les commerçants, de la pénurie de prêtres capables de bien administrer les sacrements, sollicita instamment du Magistrat une rente annuelle qui permit l’établissement à Lille de quelques Pères de la Compagnie » (Cf. article du Père Carton sur le site des anciens de St-Jo).
Le premier collège fut fondé en 1592 rue de Paris. En 1610 le collège définitif est inauguré rue de l’Hôpital Militaire mais en 1565, l’ordre est expulsé de France puis dissout par la papauté suite à pressions des colons espagnols (forte résistance des réductions jésuites au trafic de chair humaine).
Le couvent collège est alors transformé en Hôpital Militaire et la chapelle, à terme, en église paroissiale Saint-Etienne en remplacement de l’initiale rasée après un incendie, provoqué par le bombardement de la ville par les autrichiens en 1792.
Les Jésuites reviennent en 1876 et fondent le collège Saint-Joseph qui assure un enseignement du primaire aux classes préparatoires. En 1968 il se fond dans le Centre Scolaire Saint Paul suite à fusion avec les établissements Sainte Jeanne d’Arc (enseignement diocésain) et Sacré-Cœur (sœurs enseignantes). Titre 2 Des bâtiments au service d’une pédagogie. La pédagogie jésuite, alors en pointe, intégrait de nombreuses activités complémentaires telles les sports collectifs et individuels, le théâtre, le chant, la ferronnerie, la menuiserie, la tapisserie, la peinture, la sérigraphie, la taxidermie, la philatélie, l’escrime, la poésie et autres activités dites aujourd’hui d’éveil. La liturgie y était également très nourrie et parfois théâtrale dans la logique du concile de Trente.
Pour assurer ces activités plusieurs bâtiments complémentaires à l’enseignement et à l’internat ont été bâtis pour former un ensemble sur plus des 2/3 de l’îlot Solferino / Vauban / Colson : - le théâtre qui possédait encore il y a quelques années l’ensemble de son équipement de scène, - la chapelle, son vestibule et sa sacristie, - les ateliers, salons de musique, salles d’activités et la salle de sports, - le parc et les équipements sportifs de la Mitterie à Lomme les Lille (bassins, terrains, parcours, salles et stations du rosaire !) etc. Le théâtre, fermé pour défaut de conformité incendie, a été un temps prêté à la troupe de théâtre La Manivelle. Son avenir semble assez incertain.
Une chapelle « jésuite » moderne et traditionnelle
La chapelle construite en 1886/87, reprend le plan basilical (sans transept) mais, nous sommes en pleine période anticléricale, cache sa façade derrière les bâtiments d’enseignements et de logements des pères. De style éclectique mais avec de fortes références médiévales, elle est étagée en bas-côtés, triforium aveugle (sauf au chevet) et baies hautes. Dans les années 1950/70 une série de tapisseries « maison » (atelier « grands » sortant une création par an sous l’impulsion du Père Lartilleux) sont accrochées au niveau du triforium.
Elle est fermée aux usages dans les années 70/80 suite à un problème de tassement du sol rendant le parquet et les dallages périlleux.
L’architecte du collège est Augustin-Henri Mourcou 1823-1911. Architecte des communes et du département du Nord, des hospices civils de Lille, de l’hôpital de la Charité à Lille (lycée Montebelllo) et du centre psychiatrique de Bailleul, il œuvre aussi pour le privé avec notamment le Palais Rameau situé en vis à vis du collège.
Un ensemble urbain exceptionnel
L’ensemble collège et palais Rameau est un rare exemple de mise en œuvre de plusieurs styles éclectiques d’inspiration médiévale et renaissance (façades du collège et du palais) mais aussi « moderne » (notamment le théâtre).
Le plan est d’une rationalité à toutes épreuves dans la tradition française du parti clair et efficace. La fonte et l’acier sont mis en œuvre et mis en valeur, notamment dans le théâtre et la salle de gymnastique. Si la chapelle était judicieusement reconvertie cet ensemble serait extérieurement préservé.
L’extension de 1964 (respectant le gabarit) ne présentant pas d’atteinte notable à la cohérence de l’ensemble et la salle de sport des années 80 n’étant que peu visible de la seule rue Colson.
Des questions en suspend pour un avenir espéré cohérent
Aujourd’hui nous n’avons pas accès aux diagnostics, mais de l’avis de sachant, la chapelle ne présente pas de désordres structurels hormis les sols intérieurs. Son clos et couvert pourrait être, à première vue, restauré voire pour la couverture, refait en conservant sensiblement la silhouette générale (de ce point de vue la « detoiturisation » de la chapelle de la Charité, autre œuvre de Mourcou, apparaît très regrettable).
L’Arbonnoise
Le passage du cours de l’Arbonnoise (rivière à plusieurs bras venant du Sud de Lille) A été anticipé pour le gros œuvre (pas de tassement apparent) mais pas pour les sols. Ce tassement superficiel ne pose aucune difficulté technique, une dalle portée venant régler définitivement le problème.
Le clos et couvert
La couverture ne semble pas être en amiante ciment, cela reste à confirmer sur la base des diagnostics déjà réalisés. La charpente est vraisemblablement en structure métallique (voir l’usage systématique dans le théâtre salle des fêtes) ce qui fait qu’une éventuelle attaque parasitaire n’aurait que peu d’incidence financière. Il est possible que la mérule se soit étendue aux maçonneries en dessous des chêneaux, c’est en soi un souci minime dans la mesure ou la contamination est de l’ordre de 2ml en dessous de la source parasitaire et que les techniques de traitement sont bien au point. La majorité des parements est en brique et les éléments façon pierre apparaissent enduits sur brique et sont bien moins cher à restaurer ou réparer. Les vitraux sont visiblement hors état, seuls ceux du chevet et notamment ceux à personnages (apparemment un seul à l’axe) pourraient être restaurés, juste pour garder la mémoire de l’usage initial.
Les intérieurs
Les couvrements (voutes et arcs) sont vraisemblablement en plâtre déployé, et aisément réparables par un bon staffeur. Les modénatures (parements, colonnes, bandeaux, etc.) quelle que soit leur matière (pierre, brique enduits, staff ou plâtre) ne devraient pas être en mauvais état, sauf éventuelles infiltrations.
Les revêtements de sols (sous les bancs en parquet, dans les circulations courantes en matériaux industriels, dans le sanctuaire en partie en pierre) sont soit hors état car non correctement fondés soit, de mémoire, c’est le cas du chœur et du sanctuaire, plans et stables. Les éléments de menuiseries et de ferronnerie sont assez rares (les aménagements sont d’une grande sobriété) et les aménagements liturgiques pourraient être partiellement conservés, notamment en ce qui concerne l’autel majeur et, peut-être quelques autels secondaires (4 chapelles rayonnantes), dressoirs et statuaires selon leur intérêt esthétique et manufacturé.
Pour une réhabilitation de la chapelle et du théâtre dans l’air du temps
Un projet développement durable confortant la réputation de la Catho ?
L’époque des constructions neuves à grands coûts et durée de vie aléatoire est bientôt révolue. L’avenir est à la réhabilitation, moins dispendieuse, moins polluante et moins « tape à l’œil ».
La notoriété des maîtres d’ouvrage se fonde de plus en plus sur des réhabilitations réussies et internationalement reconnues.
Les dispositifs d’optimisation ont de plus en plus la faveur des administrations : panneaux thermique (les photovoltaïques ne sont pas encore réellement écologiques), effet de serre, récupération des eaux pluviales, géothermie, puits canadiens, pompe à chaleur air/eau (opportunité de l’Arbonnoise), etc… Qui plus est l’ampleur du projet (palais Rameau, patrimoine ancien de la Catho, chapelle voire théâtre) et son intelligence potentielle sont susceptibles d’augmenter significativement la réputation « développement durable » du pôle d’excellence que constitue déjà l’ensemble universitaire et écoles supérieures.
Une reconversion intelligente et techniquement facilement réalisable
Les exemples de reconversion réussies de chapelles et de théâtres ne manquent pas. Le volume actuel de la chapelle pourrait se prêter à la création de niveaux partiels voire complets (sous-sol et combles) moyennant ouvrages de reprises des charges ajoutées (structure et exploitation) et vérification de la profondeur des fondations existantes.
De même le théâtre dont le sous-sol pourrait être utilisé (comme par exemple au théâtre d’Arras) et le volume augmenté en hauteur. Les bâtiments actuels ne porteraient ainsi que leur charge propre, de nouvelles fondations venant assurer l’ensemble des charges structurelles et d’exploitation créées. L’on peut raisonnablement espérer, pour la chapelle, un quadruplement voir beaucoup plus de la surface utile, pour le théâtre un triplement.
La Chapelle, un bâtiment qui se prête aisément au programme de serre
Le bâtiment existant dispose déjà d’un ratio d’éclairement naturel très élevé (de l’ordre de 1 pour 4). Le remplacement des vitraux par des verres, la réfection des couvertures basses en verrière, le percement du triforium de la nef, ne pourraient qu’augmenter significativement le niveau d’éclairement naturel.
Ainsi des volumes et surfaces lumineuses pourraient être facilement créés :
en lieu et place de la couverture haute une verrière toute surface,
dans la nef sur l’étagement triforium plus baie haute 4 niveaux de coursives avec passerelles de communication vers le triforium dont le mur serait percé habilement,
sur la galerie du chevet et de l’élévation Est, une verrière à faible pente,
au-dessus du bas-côté Ouest soit une verrière pentée soit un volume contemporain équivalent à la galerie Est,
dans les bas-côtés un niveau supplémentaire,
dans le chœur un volume toute hauteur avec circulations verticales,
sur le sol rez-de-chaussée des « grands sujets » (4ml 20 maximum) soit en roulement soit en bac pleine terre,
aux sous-sols des réserves techniques. Le monte-charge étant installé dans le vestibule monumental et en communication directe et de plain-pied avec l’extérieur et étages pourvu de 4 niveaux.
Le geste contemporain étant dans le « clocheton » de son émergence en toiture de la jonction. Les mêmes principes pourraient être appliqués à la sacristie.
L’ancien théâtre, une alternative raisonnable au programme d’amphithéâtre VIP
La salle des fêtes/théâtre pourrait également servir judicieusement au programme en servant de lieu au futur amphithéâtre VIP, actuellement proposé à grand coût, enfoui dans la cour entre l’aile Ouest et la chapelle. L’accès en serait très aisé et la communication vers l’aile Ouest pourrait se faire par le vestibule de la sacristie.
Des annexes techniques ou d’accueil sont facilement réalisables entre la sacristie et le théâtre. La sacristie devenant alors soit un hall d’honneur soit un salon VIP. Le jardin entre la chapelle et les cours de Saint Paul étant un prolongement naturel de cet espace VIP. En cas de manifestation exceptionnelle les cours du lycée pourraient être utilisées comme esplanade.
Alors NON à la démolition de la chapelle Saint-Joseph, et OUI à sa réhabilitation !
Laurent Lequeuche
Pour La Gazette du Patrimoine
Afin de nous aider dans ce combat de la dernière chance, nous lançons une pétition à destination du Ministre de la Culture et de la Maire de Lille.
Nous vous rappelons qu’il est inutile de donner de l’argent à la plateforme qui héberge la pétition lorsque vous signez, en revanche, n’hésitez pas à partager cette pétition sur l’ensemble de vos réseaux.
Signer la pétition ICI.
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Un espoir pour Westhove ?

Bien évidemment, nous aimerions annoncer que le Château de Westhove est sauvé, mais ce ne sera pas encore cette fois.
Cependant, après l’implication de Stéphane Bern et les bonnes intentions de la Fondation du Patrimoine suite à nos précédents articles, c’est au tour de la Fondation du Crédit Agricole Nord de France, par la voix de Viviane Olivo, sa Déléguée Générale, d’apporter sa contribution.
Madame Olivo, lors d’un échange téléphonique, nous a fait part de son intérêt pour l’édifice :
« La Fondation du Crédit Agricole Nord de France serait prête à instruire le dossier du château et à l’examiner en Conseil. Idéalement il faut que le projet soit accompagné d’un programme d’animations et soit ouvert au public largement. Il faut aussi que la Commune le soutienne. »
La Fondation du Crédit Agricole Nord de France était d’ailleurs intervenue financièrement en faveur de la restauration du Théâtre à l’Italienne de Saint-Omer.
Nous ne doutons pas que Westhove pourra bénéficier de cette nouvelle manne financière providentielle.
Nous espérons que, voyant augmenter le nombre d’acteurs prêts à s’engager pour le Château, Monsieur le Maire donnera une suite favorable à sa sauvegarde.
À suivre…
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La Croix du Pic Saint-Loup vandalisée

C’est probablement dans la nuit de dimanche à lundi que la célèbre croix du Pic Saint-Loup, qui culmine à 658 mètres de hauteur à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, a été vandalisée et se retrouve à présent suspendue dans le vide en haut d’une falaise de 300 mètres.
Cette célèbre croix en fer, érigée en 1911, est l’emblème du Languedoc héraultais. Elle est d’ailleurs visible depuis Montpellier par temps clair.
Ce n’est pas la première fois qu’elle est victime d’un acte de vandalisme, puisqu’en 1989 elle avait déjà subi le même genre de mutilations.
Visiblement, c’est à l’aide d’un chalumeau que sa puissante structure métallique a été découpée. Des tags ont été découverts qui ne laissent aucun doute quant au groupuscule auquel appartiennent ceux qui ont commis cet acte déplorable.
Une enquête est bien entendu ouverte par la gendarmerie.
Tous ces actes de vandalisme perpétrés sur des symboles religieux deviennent plus que préoccupants, à l’heure où notre pays subit une crise sans précédent. En attendant, rien n’arrête la bêtise, nous le constatons encore aujourd’hui.
En savoir plus sur le Pic Saint-Loup.
Lire l’article de France 3 Occitanie ICI.
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Crédits photographiques : Photo 1-3-4-5 © F3 : LR D.Clerc. Photo 2 : sapin88
Les guides conférenciers se mobilisent !

Nous ne ferons pas la liste non exhaustive des professionnels durement impactés par la crise liée au Covid-19, mais les guides conférenciers font hélas partie des « oubliés » des aides gouvernementales et beaucoup d’entre-eux sont dans une situation d’extrême précarité.
Une pétition vient d’être mise en ligne pour soutenir leur combat et celui des nombreux professionnels du tourisme et c’est tout naturellement que nous avons souhaité la relayer et que nous offrons la possibilité à Marieke Moussy, l’une des deux guides conférencières à l’origine de cette pétition, de nous donner quelques explications :
« Après avoir essuyé un certain nombre de refus du système d’aides régionales et nationales, de ne pas être entendus, d’être INVISIBLES, nous avons décidé qu’en nous regroupant, tous les acteurs indépendants du tourisme, qu’ils soient autocaristes, chauffeurs indépendants, agences réceptives, agences de tourisme, propriétaires de lieux touristiques, (châteaux, fermes, parcs, jardins, et j’en oublie qu’ils me pardonnent !) Hôtels, Restaurateurs, guides conférenciers, associations, Offices de tourisme, tous les professionnels de statuts différents, d’aplanir nos corporatismes et d’agir ensemble, car nous avons l’habitude de ne compter que sur nous ! Et ceci a donné naissance à une page « Covid-19 pour la survie des indépendants du tourisme »,
Bien entendu nous vous invitons à nous rejoindre pour forcer nos ministères respectifs à réagir, Nous avons un certain nombre de propositions à leur soumettre, ce qui a donné lieu à une lettre ouverte que nous ferons, et que tous feront, parvenir à leurs élus dans la France entière. Nous sommes à l’heure actuelle 693 membres !
Rien ne nous limite et les instances européennes seront aussi contactées,
Venez sur notre page facebook, écrivez-nous, nous vous intégrerons dans nos actions, et nous vous invitons fortement à nous aider dans nos bouillonnements d’idées.
Maintenant à nous de vous aider et de vous rendre visibles aussi ! »
Marieke Moussy guide conférencière interprète basée en Bourgogne, à l’origine de la pétition, avec Claire Matrat (guide et chef d’entreprise), de ce regroupement et qui compte à ce jour 7 administrateurs (d’autres horizons professionnels du tourisme) et plus de 700 membres.
Pour signer la pétition, cliquez sur le lien ICI.
Pour rejoindre le groupe Facebook cliquez ICI.
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Crédit photographique : Photo 1 : Fédération Nationale des Guides interprètes et Conférenciers Photo 2 : Marieke Moussy
Panne sèche pour le petit patrimoine ?

Alors que tous les acteurs de la culture essaient de faire entendre leurs voix afin de trouver des solutions pour leur avenir, le patrimoine est comme toujours le « laissé pour compte » des grandes mesures. Enfin, pas tout le patrimoine, puisque beaucoup de dispositifs sont mis en place — ou vont être mis en place — pour les « grands acteurs ».
Report ou annulation des charges, subventions, campagnes de communication à grand frais…
En revanche, rien ne sera mis en place pour accompagner les petits projets de sauvegarde, ni les petits propriétaires qui mettent tout leur argent et leur énergie à maintenir en vie des édifices remarquables, mais non protégés au titre des monuments historiques. Pour cela, ce sera toujours taxe foncière « plein pot », zéro subvention, zéro mesure de soutien. Normal, nous direz-vous, puisque si ce n’est pas protégé MH, cela n’a aucun intérêt. Et puis si ces propriétaires possèdent de tels patrimoines, c’est que ce sont des « salauds de riches ». Cette idée reçue, nous essayons de la démonter à chaque fois que nous en avons l’occasion, mais il est difficile de faire comprendre à la majorité des gens que tout sacrifier pour un édifice, aussi modeste soit-il, est une question d’engagement personnel envers l’histoire et la cause du patrimoine, et que beaucoup de « petits » propriétaires sacrifient tout pour être à la hauteur de leurs engagements. Ils seront, de fait, les grands oubliés des mesures gouvernementales et institutionnelles.
Les grands oubliés vont être aussi les centaines de petits projets de sauvegarde, portés à bout de bras par des poignées de bénévoles qui ne comptent que sur la générosité publique pour sauver là un pont, là un moulin, où autre petit château en ruine.

Toute l’année, ces bénévoles organisent des manifestations afin de récolter quelques deniers, qui serviront à faire avancer leur cause. Bien souvent, les manifestations les plus importantes pour espérer récolter des fonds sont organisées en été. Vide-greniers, kermesses, expositions, concerts, reconstitutions historiques… ils ne manquent pas d’idées pour tenter de faire grossir leur cagnotte à destination de leur projet de sauvegarde. Ils y consacrent d’ailleurs souvent tout leur temps pour que, le moment venu, leur manifestation soit un succès. Parfois, la météo peut contrarier leur réussite, mais ils peuvent tout de même espérer quelques profits.
Cette année, aucune de ces manifestations ne seront possibles. Et de ce fait, les caisses destinées à faire avancer les projets resteront désespérément vides. Ce qui aura sans doute des conséquences désastreuses pour certains. Conséquences qui auront des répercussions sur l’économie, puisque qui dit « pas de budget », signifie « pas de restauration », donc pas d’emploi pour les artisans qui auraient dû intervenir (on en revient à l’humain même s’il s’agit de patrimoine).
Des mesures sont tout de même mises en place pour les associations et il est question de pourvoir à leurs besoins à l’aide de quelques subventions, à condition qu’elles aient déjà bénéficié de subventions. Mais dans la majorité des cas, les petites associations des petites communes de province ne perçoivent que des subventions symboliques, permettant quelques frais de fonctionnement, mais en aucun cas la réalisation d’un projet de sauvegarde.
Autant dire que l’annulation de ces manifestations est catastrophique pour toutes ces petites structures associatives. Il ne leur reste plus qu’à compter sur la générosité publique à travers de multiples cagnottes. Oui mais… Il y a bien un mais. La situation actuelle mobilise la générosité des français sur la cause des soignants et de la recherche médicale. Il est actuellement très mal perçu de demander à quelqu’un de donner pour une autre cause que la cause « humaine ». Cela est même parfois considéré par certains comme une provocation, voire une attitude insultante.
Nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article, sauver les pierres au moment où il faut sauver les hommes devient un acte très compliqué (pour lire l’article)
Alors faudra-il attendre ? Le problème, c’est que, l’an dernier, l’incendie de Notre Dame avait déjà grandement détourné les généreux donateurs des « petits patrimoines ». Il fallait donner pour ce grand symbole de la France et pour rien d’autre. Combien de fois avons-nous entendu : « j’ai donné pour Notre Dame, je ne peux pas ou ne veux pas donner pour autre chose ». Même certains élus, alors qu’ils avaient dans leur propre commune des projets de sauvegarde pour lesquels ils n’étaient pas forcément généreux, donnaient des subventions pour le très célèbre édifice mutilé et appelaient à la générosité de leurs administrés, alors qu’ils ne le faisaient même pas pour le patrimoine local.
Donc résumons :
2019 dons pour Notre Dame, 2020 dons pour les hôpitaux, annulation des manifestations permettant de soutenir les causes locales. L’avenir du petit patrimoine est donc de plus en plus incertain. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que les démolitions vont bon train et que les démolisseurs ont un bel avenir. Mais NOUS sommes responsables en partie de ces actes de « barbarie » patrimoniale, car si nous nous montrions un peu plus généreux envers cette cause, certains élus réfléchiraient à deux fois avant de voter la démolition d’un édifice.
Prenons un exemple concret : en 2018, l’église d’Asnan dans la Nièvre a été démolie, suscitant la colère et l’indignation de milliers de personnes. Une pétition avait recueilli plus de 12.000 signatures. Si chacun des signataires avait eu la bonne idée de donner 10 euros, l’église aurait sans doute pu être sauvée.

Non, nous préfèrons manifester notre mécontentement à travers une pétition, mais, lorsqu'il s'agit de faire un don, même modeste, alors là il n’y a souvent plus personne. Ah si, on remarque que sur certaines pétitions, les utilisateurs font un don à la plateforme qui l’héberge, pour que celle-ci puisse avoir plus de visibilité. Une aberration de plus. Nous l’avons d’ailleurs constaté amplement lors de la pétition mise en ligne pour sauver l’artisanat français il y a quelques semaines de cela. Plus de 2000 personnes ont donné au moins dix euros à la plateforme, alors qu’elles n’auraient pas donné un centime pour un artisan en difficulté qui aurait lancé une cagnotte pour sauver son activité.
Alors certains diront : « je paye des impôts, je n’ai pas à donner pour le patrimoine ». Ah ? Parce que vous croyez que c’était à nous de nous mobiliser pour avoir des masques de protection et offrir des conditions de travail plus satisfaisantes aux soignants ? Donc, quand une cause nous tient à cœur, il faut agir sans attendre que l’État règle tous les problèmes.
Alors si nous sommes soucieux de la cause du patrimoine et de celle de ses acteurs, il faut se mobiliser très vite, et pas seulement à travers un like ou une pétition. Si nous voyons passer une cagnotte, ne détournons pas notre regard et faisons un geste, aussi modeste soit-il, car le plus petit geste vaut mieux que la plus grande des intentions et l’intention, ne vaudra jamais l’action. Aidons tous ceux qui par leur engagement essaie de donner un avenir au petit patrimoine des territoires et qui plus que jamais comptent sur nous.
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Crédits photographiques
Photo 1 : Philippe Dorthe
Photo 2 : Fred Dussaut (chantier de restauration du Château de Brisis (Gard))
Photo 3 : France 3 (démolition de l’église d’Asnan (Nièvre) )
Et toujours pas de confinement pour les démolisseurs...
Jeudi 7 mai, au Mans, on ne pouvait même pas dire au revoir au Château de L’Épine, puisque nous sommes toujours confinés. En revanche, les pelleteuses pouvaient s’en donner à cœur joie sans être dérangées.
Le Château de l’Épine était la propriété du centre hospitalier du Mans et l’édifice laissera sa place à un centre de cancérologie. Certes, on nous dira qu’il faut privilégier les vies humaines et pas les « vieilles pierres », mais avec un peu de bonne volonté, ce centre aurait pu être construit sur un autre terrain et le château réhabilité pour accueillir un des pôles administratifs.
Mais de toute façon, ce n’était « qu’un château » XIXe, alors pourquoi le conserver ? Comme tous ses contemporains architecturaux, il n’avait aucune chance de survie. Le XIXe siècle est décidemment un siècle maudit pour tous ces édifices qui ont pourtant fait la grandeur de nos belles provinces françaises.
Ce château avait été donné à la ville du Mans par la famille de Follin. La ville y avait installé une maison maternelle administrée par la DDASS. Il était situé sur un vaste terrain jouxtant l’hôpital et c’est donc tout naturellement qu’en 1952 la DDASS demanda à l’hôpital de prendre en charge cette maison maternelle et de la transférer dans l’enceinte des bâtiments hospitaliers.
« Cette transaction fut acceptée mais le déplacement ne put être réalisé rapidement. Pendant une douzaine d'années, le Centre Hospitalier du Mans dut assurer le fonctionnement de la maison maternelle toujours installée au Château de l'Epine, hors de l'enceinte hospitalière. Enfin, en 1964 la construction du nouveau service fut terminée. Il était situé près de la nouvelle maternité. Il comportait 24 lits. Cette maison maternelle fonctionna jusqu'en juin 1990, puis fut fermée et démolie, et 8 lits la remplacèrent au Foyer de l'aide à l'enfance. Quant au Château de l'Epine et au vaste terrain qui l'entourait, il revint à l'hôpital qui y installa de nouveaux services dans les années qui suivirent. » (Histoire de l’hôpital du Mans)
Ce qu’il faut retenir de cette note, c’est justement « le vaste terrain qui l’entourait ». Ce qui prouve bien que cette unité de cancérologie aurait pu trouver sa place sans pour autant mettre le château par terre.
De toute façon, l’heure n’est plus aux lamentations et encore moins aux suppositions puisque le Château de l’Epine ne sera plus que poussière d’ici deux jours.
À ce rythme-là, il ne restera plus grand chose de l’hôpital d’origine, construit au début des années 1890, puis agrandi dans les années trente, puisque depuis 1990, les démolitions s’enchaînent pour laisser la place à des structures « modernes ».
Pourtant, lors de sa construction, cet ensemble architectural était reconnu comme le plus bel hôpital de France.
Autre temps, autres mœurs, l’architecture du XIXe se meurt …
En savoir plus sur l’histoire de l’hôpital ici.
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Crédits photographiques : Photo 1 : Yvon Loue Le Maine Libre Photo 2-3-4 : Nathan Guigan Photo 6 : Vinci construction
Normandie : la culture ravagée par les flammes
C’est en 2018, à l’occasion des 500 ans de la fondation de la ville du Havre que la statue de l’artiste Fabien Merelle ,« Jusqu’au bout du monde », avait été installée sur la plage de Sainte-Adresse.
Elle a été vandalisée lundi 4 mai.
Cette statue monumentale de plus de six mètres de haut réalisée en résine, le même matériau que pour la coque d’un bateau, représentait un père et sa fille le regard dirigé vers l’horizon. L’artiste a « voulu mettre de l’humain, dans cet environnement qui peut sembler hostile ».
Conçue pour être pérenne, elle était fixée dans un socle de béton et pouvait résister à des vents de plus de 200 km/h, mais hélas, pas aux flammes ni aux fumées. Pour l’artiste, Elle symbolisait « la fragilité et la force de l’humanité face à une nature aussi puissante ».
Mais aujourd’hui, c’est plutôt l’infinie bêtise de l’humanité que symbolise cette œuvre mutilée. Personne ne pouvait imaginer que quelqu’un pouvait perpétrer un tel acte. D’autant que cette statue avait fait l’unanimité auprès du public.
Le Maire de Sainte-Adresse, Hubert Dejean de La Batie a vivement réagit sur Twitter : « Scandaleux, odieux, irresponsable... les mots me manquent pour qualifier l’acte d’une rare imbécilité. La statue de Fabien Mérelle au Bout du Monde a été volontairement incendiée ce jour. Un acte de vandalisme inutile qui est un crève-cœur pour les nombreux amoureux de l’œuvre ! »
Pour le moment, personne n’a été interpellé, mais une enquête est ouverte et bien entendu, une plainte a été déposée. Cet incendie volontaire déclenché à l’aide de pneus, a fortement endommagé la statue et un risque de chute est à craindre.
Sans doute que cet acte sera gravé dans la mémoire comme étant un dommage collatéral du confinement et de l’interdiction d’accès aux plages, laissant la porte ouverte aux vandales, qui peuvent ainsi agir en toute impunité.
« Seule la bêtise humaine peut donner une idée de l’infini » disait Ernest Renan, nous en avons encore la preuve aujourd’hui.
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Crédits photographiques : Photo 1 : Hubert Dejean de La Batie Photo 2 : Fabien Merelle
L’église du Marais-la-Chapelle à nouveau victime d’un acte de vandalisme

Ce n’est hélas pas la première fois que l’église de ce paisible village d’une centaine d’âmes, située dans le département du Calvados, est victime d’actes de vandalisme. Déjà en 2017, à plusieurs reprises, des personnes mal intentionnées avaient déplacé les bancs, et s’en étaient pris à certains objets de culte, puis, lors d’un autre épisode, avaient découpé un tableau à l’aide d’un cutter.
Cette fois, dans la nuit du dimanche 3 mai, c’est un incendie volontaire qui a dégradé l’édifice. Le combustible utilisé serait probablement du fioul qui s’est embrasé, en détruisant une des portes d’accès à l’église. Si les dommages ont été limités grâce à l’intervention rapide des pompiers, l’installation électrique a souffert et l’intérieur est maculé de noir de fumée, ce qui nécessitera un important nettoyage et une surveillance de la structure puisque certaines pierres ont été exposées à de fortes températures.
La même nuit, à quelques kilomètres de là, un tracteur a été incendié sur le même mode opératoire. Hasard ou coïncidence, l’enquête qui a été ouverte nous en apprendra peut-être un peu plus dans les semaines à venir.
Quoiqu’il en soit, cet incendie a fortement choqué les habitants du Marais-La-Chapelle, qui ne comprennent pas pourquoi quelqu’un s’en prend à ce patrimoine communal depuis plusieurs années.
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Crédits photographiques : Photo 1 : Ch. Bougui Photo 2 : Les Nouvelles de Falaise Photo 3 : Ouest France
Option démolition pour la chartreuse de Malleret ?

La menace grandissante de voir disparaître ce charmant édifice du XVIIIe siècle ne pouvait pas nous laisser insensible, et dès maintenant, nous mettons tout en œuvre pour le sauver.
Cette chartreuse Bordelaise, située sur la commune de Cadaujac, est en fait l’ancienne laiterie d'un château situé à quelques mètres, et qui est, lui, protégé au titre des Monuments Historiques.

Comme beaucoup d’édifices construits au bord de la Garonne, la chartreuse se situe en zone inondable. Or, malgré les nombreuses crues survenues au fil des siècles, la structure du bâtiment n’enregistre aucun désordre particulier.
La construction a été bien « pensée » et, bien entendu, la partie habitable se trouve en étage et lors de la montée du fleuve, seules les dépendances en rez-de-chaussée sont victimes des inondations, n’entraînant aucun péril particulier, puisqu’une digue naturelle canalisait les courants, jusqu’à ce qu’elle ne cède.
Depuis 2014, c’est la Communauté de communes (CCM) qui est responsable de la gestion des digues. Au moment où cette dernière a cédé en janvier 2016, des travaux d’urgence ont été entrepris, en attendant de procéder à la mise en place d’équipements pérennes. Or, les équipements provisoires ont été insuffisants et ils ont cédé à leur tour, causant quelques dommages sous la terrasse de l’édifice, mais ne mettant pas pour autant en péril la partie habitation.

Les propriétaires pensaient que la CCM procèderait rapidement à l’édification de la digue définitive après cet incident, mais après une étude offrant deux options, dont celle de l’expropriation plutôt que la création de la digue en « dur », c’est bien l’expropriation qui a été retenue, plongeant les propriétaires dans un total désarroi.
Un recours en référé a bien entendu été déposé au Tribunal Administratif, mais les propriétaires ont été déboutés car le juge s’est déclaré incompétent. La procédure sur le fond est toutefois en cours.
Un expert judiciaire avait été mandaté à la demande des propriétaires, afin de faire la lumière sur les responsabilités de chacun et son rapport a clairement avéré la responsabilité de la CCM. Cette dernière a donc fait appel pour révoquer l’expert judiciaire, mais son étude est toujours d’actualité, dans l’attente du jugement.
Voici un extrait du document qui démontre la responsabilité de la CCM :

Nous ne rentrerons pas dans des détails techniques pour le moment, mais en terme de coût, les deux options sont à peu près du même ordre.
Donc, pourquoi s’obstiner à vouloir expulser une famille de six personnes, qui a consacré une partie de sa vie à ce patrimoine, si, pour un montant quasi équivalent, on peut protéger le domaine avec une digue en assurant ainsi sa pérennité ?
Nous allons essayer de répondre à ces interrogations dans les prochains jours, car l’édifice étant dans un périmètre protégé, la DRAC, qui malgré deux relances des propriétaires en 2017 et 2019, ne s’est pas manifestée, devrait être consultée avant toute décision irréversible.
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Crédits photographiques : Virginie Maurice
Label « Architecture contemporaine remarquable », la culture du vide ?

Au sujet de ce label, que dit le Ministère de la culture ?
Historiquement :
Le patrimoine du XXème siècle ne se limite pas aux éléments protégés au titre des Monuments Historiques. En effet, un label « Patrimoine du XXème siècle » a été institué en 1999 par le ministère de la Culture et de la Communication. L'objectif de ce label est d'identifier et de signaler à l'attention du public, au moyen du logotype prévu à cet effet, les constructions et ensembles urbains protégés ou non au titre des Monuments Historiques ou des espaces protégés (ZPPAUP zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysagé, Secteurs sauvegardés) dont l'intérêt architectural et urbain justifie de les transmettre aux générations futures comme des éléments à part entière du patrimoine du XXe siècle. Ce signalement est accompagné par des actions de sensibilisation et de diffusion auprès des élus, des aménageurs et du public (expositions, publications).
Aujourd’hui :
Le label « Architecture contemporaine remarquable » est attribué aux immeubles, aux ensembles architecturaux, aux ouvrages d'art et aux aménagements faisant antérieurement l'objet du label "Patrimoine du XXe siècle" qui ne sont pas classés ou inscrits au titre des monuments historiques, parmi les réalisations de moins de 100 ans d'âge, dont la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant. Il a pour objectif de porter un nouveau regard sur le patrimoine récent et d'encourager la sensibilisation du public le plus large (propriétaires, occupants, élus, ...) à cette architecture et à son environnement urbain. Intégré dans le code du patrimoine, ce label est accordé à des réalisations significatives, jusqu’au centenaire de l’immeuble. Il implique la DRAC dans le suivi de l’évolution de l’œuvre. Outre sa disparition automatique au centenaire du projet, le label « ACR » peut être retiré si des travaux portent atteinte aux motifs de la labellisation.
Si l’on résume, ce label est attribué à des édifices construits au XXe siècle, qui présentent suffisamment d’originalité pour ne pas les mettre par terre sans réflexion préalable. Or, nous assistons à une vague de démolitions de ce patrimoine labellisé. En fait, gratifier une construction XXe « d’architecture remarquable », c’est comme décerner un prix à une vache au Salon de l’agriculture, tout en sachant qu’elle va finir à l’abattoir.
La France est décidemment pleine de contradictions.
Comme il faut toujours apporter la preuve par l’exemple, voici un édifice XXe qui fait beaucoup parler de lui en ce moment. Il s’agit d’un immeuble appartenant à la CIC de Laxou ( 54 ).
Cet édifice, signé par des architectes nancéiens Michel André, Jacques André, Claude Prouvé et Jean-Luc André est « audacieux par sa forme (alvéoles accolées de hauteurs différentes, d’où le nom de pyramide) et par sa structure. Il est capable de répondre aux transformations liées à l’utilisation croissante de l’informatique dans les bureaux » selon ses défenseurs. Or, le propriétaire, la banque strasbourgeoise CIC-Crédit Mutuel veut le détruire. L’immeuble présenterait, selon elle, un problème de sécurité, en raison notamment d’un affaissement des dalles, et un risque d’effondrement. Un permis de démolir a été accordé (tacitement) par la mairie de Laxou.
D’ailleurs, le collectif de sauvegarde a adressé une lettre au président de l’établissement bancaire pour lui demander de renoncer à son projet, lettre apparemment restée sans réponse à ce jour. Lire la lettre ICI.
Toujours est-il qu’une solution alternative à la démolition existe bien, puisque, si pour des raisons de sécurité le bâtiment ne pouvait plus faire office de siège, le CIC peut parfaitement envisager la construction de nouveaux locaux sur le terrain voisin lui appartenant et ainsi envisager la cession de son ancien siège à un porteur de projet qui saura lui offrir une seconde vie.
Revient évidemment sur le devant de la scène la sempiternelle question « doit-on tout conserver ? » La réponse est sans doute : non. Mais dans ce cas, pourquoi remettre des labels qui ne protègent de rien ?
Si pour le moment, nous ne connaissons pas l’avenir des locaux de la CIC de Laxou, c’en est terminé pour la cité de l’Abbaye à Grenoble (38 ), une cité ouvrière qui avait reçu ce même label et qui a été démolie en 2017.
« La pyramide » de Bagnols-sur-Cèze (30), labellisée en 2014 était au cœur de la campagne des municipales, et nous ignorons encore quelle sera sa destinée. Stop, ou encore ? Là encore, un comité de sauvegarde se bat pour sa réhabilitation et veut à tout prix éviter sa démolition
Quoi qu’il en soit, qu’on aime ou qu’on n’aime pas le patrimoine du XXe siècle, à partir du moment où le Ministère de la Culture lui concède une classification, il faudrait qu’une politique de protection soit mise en place conjointement, sinon cette classification n’a aucun intérêt.
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Crédit photographiques : Logo patrimoine du XXe siècle : Ministère de la culture Photo 1 et 3 : Séverine Cattiaux (Cité de l’Abbaye Grenoble) Photo 2 : Jean-Luc André ( CIC Laxou ) Photo 4 : le Midi Libre ( Pyramide Bagnols-sur-Cèze)
Vente aux enchères du Mobilier national : scandale d’État ou fausse bonne idée ?

Cela n’aura échappé à personne, la presse nationale et même internationale a fait grand bruit autour de la vente aux enchères publiques d’une centaine de pièces sortant directement des réserves du sacro-saint Mobilier National, qui devrait avoir lieux les 20 et 21 septembre prochains.
Cette vente, organisée au profit des soignants, mais aussi de quelques artisans d’art, pourrait effectivement être controversée et considérée comme une atteinte à l’intégrité du patrimoine français, mais après la sidération, vient la réflexion.
Et si cette vente était en fait un acte « banal », victime d’une communication défaillante et d’un contexte particulier où un simple « fait divers » revêt l’allure d’un scandale d’État.
Car ce genre de vente a déjà eu lieu et aura encore lieu. Le Mobilier National appartient à la Nation, donc, au peuple et, de ce fait, il est inaliénable. Mais une mesure que l’on appelle le déclassement rend possible la vente. Ce sont donc une centaine de pièces qui vont être soumises à cette procédure, afin de permettre leur vente.
Le Hervé Lemoine, Directeur de la prestigieuse institution, précise que le mobilier mis en vente n’aura ni valeur patrimoniale, ni valeur d’usage et que la liste sera validée par l’ensemble des conservateurs. D’ailleurs, au sein du MN il y a deux catégories de biens : ceux qui effectivement ont une valeur patrimoniale indéniable et qui sont dignes des plus grands musées, et ceux dit « courants ». C’est bien dans cette seconde catégorie que le mobilier de la vente devrait être choisi.
Ce qui bien évidemment pose question en terme de communication.
Pour résumer, l’on nous dit : « on vend une centaine de « trucs » sans valeur, qui nous prennent de la place pour rien ». Pour une vente caritative c’est un peu léger comme argument de vente. Les acheteurs potentiels apprécieront, tout comme les destinataires des fonds récoltés.
Et puis on nous précise bien que ce mobilier sera du mobilier XIXe, histoire de rappeler qu’il ne vaut rien. Une commode Louis-Philippe en salle des ventes à souvent du mal à trouver preneur pour 50 euros, alors si en plus les grands professionnels nous disent clairement que ce mobilier est sans valeur, pourquoi le proposer pour une vente de charité ?
Cela nous semple un peu confus.
Mais au moins, cela a occupé les réseaux sociaux quelques jours et nous a changé du : « on va tous mourir » ou du : « où sont les masques ? ».
Donc, pas d’inquiétude pour le patrimoine mobilier français, du moins, concernant cette vente.
En revanche, il faudrait plutôt faire le chemin à l’envers et plonger au cœur de cette institution, que la Cour des Comptes a rappelé à l’ordre en 2019.
Dans son rapport accablant il est question d’une gestion calamiteuse. Absentéisme, travail dissimulé, manque de productivité, abus et privilèges des agents et accomplissement médiocre des missions…tout y est passé, causant la colère des employés et de la direction.
Voici les préconisations de la Cour des Comptes dans son document de synthèse :
La rationalisation du fonctionnement :
1. dans le cadre du futur schéma directeur immobilier, transférer sur des implantations moins onéreuses les activités de production installées à Paris et l’excédent des réserves qui ne pourra être gardés à Pantin ou à Perret ;
2. recourir systématiquement à la sous-traitance chez les prestataires agréés dès lors que leurs devis sont inférieurs aux coûts complets des ateliers du MNGBS et en tirer les conséquences sur le format des e ectifs de ceux-ci lorsque l’o re privée est performante ;
3. proscrire la « perruque », c’est- à-dire l’utilisation par les agents, à des ns privées, des moyens publics de production.
La remobilisation des équipes :
4. mettre en place un système automatique de suivi des présences sur les lieux de travail avec des badges individuels ;
5. prendre en compte dans les rémunérations indemnitaires (RIFSEEP) des agents des ateliers les qualités et quantités de leurs productions individuelles.
L’amélioration de la préservation et de la valorisation du patrimoine national :
6. diversifier le recrutement des jurys de concours des métiers de restauration ;
7. pour l’activité d’ameublement, mettre à l’étude la substitution d’une location mobilière assise sur la valeur d’assurance des objets déposés au système actuel de dépôt gratuit.
Si le cœur vous en dit le rapport complet est à votre disposition ici :
En revanche, ce qui nous semble bien plus grave que la vente de 100 meubles et objets de « second choix », ce sont les « disparitions inquiétantes » de près de 60.000 meubles et objets qui manquaient à l’appel lors du dernier inventaire de 2017.
Des vols certes, des oublis sans doute, de la malveillance parfois, mais surtout un « joyeux bordel » qui ne permet pas de retrouver nos « chers disparus ».
Nous ne pouvions pas terminer cette liste non exhaustive, sans évoquer la conservation de certaines œuvres, abandonnées au milieu de nulle part et en proie à l’humidité, aux vrillettes (insectes qui se régalent en dévorant le bois, ancien de préférence) et autre risque d’incendie.
Pour résumer, nos greniers sont bien mieux rangés.
Mais ne tirons pas sur l’ambulance (même si c’est tendance). L’institution essaie de se réinventer. C’est Françoise Nyssen, alors Ministre de la Culture, qui avait jeté le premier pavé dans la mare (au diable) et depuis l’arrivée du nouveau directeur, en la personne d’Hervé Lemoine, les choses semblent vouloir bouger un peu. Comme par exemple, la bonne initiative de collaborer avec une célèbre marque de mobilier, afin de produire des meubles et de les vendre, pour permettre de faire rentrer quelques sous dans les caisses.
Cela ne fera pas oublier les manquements, mais il faut voir là une réelle volonté de bien faire.
N’oublions pas aussi que de nombreux artisans d’art dépendent de cette institution, dont certains possèdent des savoir-faire rares. On regrettera toute- fois, comme le préconise la Cour des Comptes, que les artisans d’art extérieurs, ne puissent jamais intervenir dans le cadre des restaurations des collections.
Enfin tout ça pour dire qu’il n’y avait pas forcément faire toute une histoire pour pas grand-chose, du moins sur la forme.
Sur le fond, ce qui est plus grave, c’est qu’il faille organiser des ventes caritatives pour venir en aide aux Hôpitaux et aux soignants, mais qu’importe le mode opératoire, à la fin, c’est toujours le contribuable qui paye.
Découvrir les collections du Mobilier National ICI.
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Crédits photographiques : Photo 1 : Photo : Château de Versailles / Christian Milet Photo 2 : Thibault Chapotot Photo 3-4-5 : Mobilier National